01* BERECHIT (Béréchit 1,1- 6,8)
בְּרֵאשִׁ֖ית - Au commencement de…
Première lettre…
בְּרֵאשִׁ֖ית בָּרָ֣א אֱלֹהִ֑ים אֵ֥ת הַשָּׁמַ֖יִם וְאֵ֥ת הָאָֽרֶץ׃
בְּ - C’est la consonne bèt qui ouvre la Torah
.
Observons :
- Sa taille intrigue. Alors que le texte de la Torah ne comporte ni majuscules ni minuscules, ce bèt est de grande taille. Comme dans d’autres endroits de la Torah, on note une particularité correspondant à une tradition. Il ne faut voir en cela aucune erreur, aucune anomalie fortuite, aucun embellissement de copiste (telles les lettrines des manuscrits latins du Moyen Age). Ici, s’exprime une volonté divine que les Sages ont mise en forme pour signaler le refus du sens simple véhiculé par le verset, pour susciter le renvoi vers d’autres niveaux d’explication et de réflexion
[1]
;
- sa forme est celle :
. D’un carré fermé en bas, en haut, à droite, mais ouvert à gauche, comme pour nous indiquer le sens de la lecture (la langue hébraïque va de la droite vers la gauche. Avec cette lettre initiale, commencent la Création et l’histoire humaine
[2]
. Fermée à droite, bèt suggère l’impossibilité de lire ce qui est « avant » le texte
[3]
. Les Sages חז"ל déduisent qu’il est vain de s’intéresser à ce qui était « avant » la Création, spéculation non accessible par notre intelligence
[4]
. Mais cette fermeture n’est pas absolue : le trait inférieur dépasse à droite, faisant allusion à Hachèm ית"ש, qui, seul, est antérieur au monde.
- La graphie traditionnelle de cette lettre dessine deux pointes (en haut à gauche, et en bas à droite) qui semblent répondre à la question : « qui t’a créé ? » La pointe du haut répond « Celui qui est là-haut » et la pointe à droite - c’est-à-dire dans le sens contraire à l’ouverture du bèt donc au sens de l’écriture - semble attirer l’attention sur la lettre qui la précède dans l’ordre alphabétique : le "Aleph", qui désigne l’unicité divine)
[5]
;
- Sur la nature de son dessin, on remarque que la lettre est faite de trois traits. On peut dire que cette lettre bèt est l’assemblage de trois waw
[6]
. Cela conduit à une équivalence de la première lettre de la Torah avec 3 x 6 (valeur numérique de waw) soit 18
[7]
. Ce nombre est la valeur numérique de ‘Hay (חי) = Vie
[8]
. Par ailleurs, on peut aussi considérer que ce bèt est l’assemblage de la lettre dalet (soit deux waw disposés à angle droit) et d’un waw. Si on additionne les valeurs numériques des lettres-chiffres dalet (4) et waw (6), on obtient 10, allusion à Hachèm - yod). Ainsi, le seul dessin de la première lettre de la Torah délivre un enseignement : Hachèm donne la vie par Sa Torah (10; 18).
בְּ – bèt est la seconde lettre
de l’alphabet hébraïque ; mais c’est la première lettre de la Torah (Béréchit 1, 1). Une question est posée par les commentateurs : pourquoi bèt et non aleph, première lettre de l'alphabet
[9]
? De plus, les lettres hébraïques étant aussi des chiffres, ב signifie « deux ». Quelles sont les raisons de la préséance du bèt sur la lettre aleph au tout début de la Torah?
- Le mot bénédiction
(Bérakha) commence par un bet. La lettre aleph qui ne convenait pas, car elle commence le mot malédiction (arour). Cette lettre bèt nous fait comprendre que le monde, créé par Dieu, est source de bénédictions pour l'homme ;
- La Torah commence par la lettre bèt qui fait allusion à la maison (bayit), à la famille formée au moins par un couple et ses enfants, pour laisser entendre que « l’intelligence véritable ne se trouve qu’à l’intérieur d’un foyer qui a su se construire parfaitement »
[10]
. Cette lettre bèt porte une allusion : « la véritable création du monde est celle de la famille, le microcosme de l’univers est la cellule fondamentale de chaque existence sur terre. Toute création sans épanouissement familial est une destruction. On peut dire que le bonheur familial atteste de la santé morale et matérielle de l’homme: la maison se construit à deux (valeur numérique de la lettre bet)
[11]
. Tout progrès qui n’est pas, en premier lieu celui du couple et de ses enfants, est un retour en arrière. Toute réussite personnelle qui n’entraîne pas avec elle celle de la famille est un échec total »
[12]
;
- Bèt (eux) fait allusion à la Torah écrite, inséparable de la Torah orale;
- Une idée de l’infini - La Torah est infinie. Un symbole est fourni par cette première lettre qui n’est pas aleph/1. De même chaque traité de Talmud
[13]
commence par la page bèt (= 2) et non aleph (1), alors qu’un ouvrage commence normalement à la page 1 ! Cette pagination étrange, contraire à la logique la plus élémentaire, renvoie à la nature de la première lettre de la Torah. En commençant l’étude, la substitution du 2 au 1 attire notre attention sur le fait que la Torah (écrite et orale) exige une claire conscience du fait qu’avant l’étude elle-même, il faut savoir de Qui vient ce texte.
- La lettre bèt vient nous faire comprendre que l’étude de la Torah commence pas la conscience de son origine divine : avant d’étudier, il faut se préparer à cette étude en se rappelant qu’elle a été donnée par le Saint, béni soit-Il (aleph fait allusion à 1, comme ‘Dieu unique’). Si la Torah commence par cette lettre bet, c’est que le sujet premier du judaïsme n’est pas l’étude de la Torah pour elle-même, mais l’origine divine de ce texte
[14]
: aussi l’effort doit porter sur celui qui étudie (amélioration de son caractère, de ses actions), plus que sur le texte étudié. La Torah ne se lit pas comme un livre quelconque : ce n’est ni un livre d’histoire nationale, ni un code juridique, ni un livre de morale ! Il n’est pas possible d’accéder à ce texte sans respecter les commandements divins
[15]
, afin de ne pas contrarier le fonctionnement de cette merveilleuse création ;
- Dès sa toute première lettre, la Torah fait allusion à la Présence voilée de Hachèm ית"ש en ce monde ; un monde qui semble n’être que matérialité. Aussi n’est-il pas étonnant de voir la Torah commencer non pas par la lettre aleph (qui fait allusion à l’unicité divine) mais par bet. D’ailleurs si on veut aller au-delà de la matérialité de ce monde, il faudra faire preuve de persévérance : ce à quoi fait peut-être allusion le deuxième mot de cette paracha commençant également par bèt. En revanche, la persévérance est récompensée puisque le verset fait suivre deux mots commençant par bèt par deux mots commençant par alephבְּרֵאשִׁ֖ית בָּרָ֣א אֱלֹהִ֑ים אֵ֥ת . La récompense est alors à la mesure de l’effort puisque le monde spirituel initialement voilà devient accessible à l'instar du monde matériel (quoiqu'à des degrés divers selon le niveau de travail spirituel consenti par chacun).
Ainsi des particularités (lettres de grandes ou petites tailles, suspendues, surmontées de points ; une lettre coupée), apparaissent sur le rouleau de la Torah ou dans les autres livres bibliques.
Voir ci-après nos pages sur la cosmologie. Autre explication - Jour un: Jour où le Saint, béni soit-Il, était Unique. Les anges eux-mêmes ont été créés ultérieurement. (Midrach, Rachi)
On a là, aussi, l’indication du sens de la lecture : ni de haut en bas, ni de gauche à droite, mais dans le sens horizontal, et de droite à gauche.
Inutile de sonder ce qui est en dehors de notre capacité de compréhension, comme l’indique le Roi Chélomo : ר֚וּחַ בְּנֵ֣י הָֽאָדָ֔ם הָֽעֹלָ֥ה הִ֖יא לְמָ֑עְלָה « Le souffle des fils de l’être humain monte-t-il en haut ? » (Kohélet 3, 21) וְרָאִ֗יתִי כִּ֣י אֵ֥ין טוֹב֙ מֵֽאֲשֶׁ֨ר יִשְׂמַ֤ח הָֽאָדָם֙ בְּֽמַעֲשָׂ֔יו כִּי־ה֖וּא חֶלְק֑וֹ « Et je vois qu’il n’est rien de meilleur pour l’être humain que de se réjouir en ses actions. Car telle est sa part » (Kohélet 3, 22).
Midrach Raba.
« et cette maison [bet] possède trois… waw. C'est à propos d'eux qu'il est dit : les crochets (wawé) des piliers et leurs chapiteaux sont en argent (Chémot 27,10). Les trois piliers sont les trois patriarches qui soutiennent la maison qui est la Présence divine » (Tikouné Zohar, 12b).
Voir dans le tome 3 l'annexe 2 qui donne des précisions sur les procédés d'interprétation et en particulier sur la guématria.
Tikouné Zohar, 13b.
Le midrach explique que, lorsque le Saint, béni soit-Il, a choisi la lettre qui aurait le privilège de commencer la Torah, et qu’Il choisit le bèt, le Aleph s’est plaint. Mais cette lettre fut ‘consolée’ lorsque Dieu lui annonça que les Dix paroles ("Dix commandements") commenceraient par un aleph (anokhi).
R’ Haïm Dynovisz (2007), Une formation pour la vie, Sygnon Publications, p. 135.
R’ Haïm Dynovisz (2007), p. 275.
R’ Haïm Dynovisz (2007), p. 275.
Celui qui étudie la Torah et le Talmud doit être en éveil sur tous les détails du texte afin de formuler des questions. Avant de recourir à l’aide des maîtres, le lecteur doit tenter de répondre lui-même.
Gérard Touaty, Actualité juive n° 951, oct. 2006, p. 36. C’est en quelque sorte « le mode d’emploi » de la création. Cela peut être illustré par le conte suivant.