Cont&r JAfN – 4 Une lettre et un pain

Une lettre et un pain.

Maroc (début du 19ème siècle) [1]

 

Rabbi David ben Baroukh haCohen vivait au 19ème siècle [2]. Il vivait à  Taroudant, dans la plaine du Souss (Maroc), à quelque 80 kilomètres de la ville d’Agadir. Il était considéré comme un faiseur de miracles, à l’instar de ses ancêtres kabbalistes.

 

Dans une yéchiva de Jérusalem, plus de deux cent rabbins étudiaient un passage difficile d’un traité du Talmud. Un passage qui résistait à leurs efforts assidus pour le comprendre ! Un jour, un visiteur à qui ils avaient exposé leur problème, leur fit la remarque suivante : « Je ne saurais pas vous éclairer, mais si vous voulez une réponse, consultez R’ David ben Baroukh HaCohen!

- Où habite-t-il ?

- Au Maroc. Il faut compter à peu près une année de route, entre l’aller et le retour. Envoyez quelqu’un l’interroger, et, l’an prochain à la même époque, vous aurez enfin la réponse que vous cherchez ».

Les rabbins de Jérusalem trouvèrent le conseil excellent. Ils engagèrent Mohamed, un Musulman de leur quartier, qui leur rendait de menus services de temps en temps. Il accepta d’aller jusqu’au village marocain indiqué, afin d’y porter une lettre.

 

Après un long voyage qui l’avait fait traverser l’Egypte, la Libye, la Tunisie et l’Algérie, il parvint au Maroc.  Lorsqu’il atteint le but de son voyage, il découvrit une petite localité entourée de quelques terres agricoles. Voyant un paysan travaillant dans un verger, il lui demanda s’il pouvait le renseigner, car il recherchait R’ David Ben Baroukh.

Il eut pour réponse : « C’est moi-même. En quoi puis-je t’aider ? ».

Quelques temps plus tard, après avoir restauré le messager, R’ David Ben Baroukh, lui remit une lettre. Il avait répondu en détail à toutes les questions posées par les rabbins de Jérusalem.

Il lui remit aussi une miche de pain en disant : « Tu donneras ma réponse à ceux qui t’ont envoyé. Et voilà du pain pour te nourrir pendant le voyage ».

Mohammed ne put s’empêcher de répondre : « Le voyage dure à peu près un an ! Tu crois que cette miche de pain me suffira ? ». R’ David Ben Baroukh lui répondit sans hésitation: « Oui. Tu peux partir sans crainte. Tu ne manqueras de rien ».

 

Or, à peine sorti du chemin qui l’avait mené au verger, Mohammed se retrouva dans la rue de la yéchiva de Jérusalem ! Un des rabbins qui l’avaient engagé le remarqua et l’interpella dépité: « Que fais-tu ici ? Je te croyais en voyage vers le Maroc et je te vois tranquillement te promener dans cette ville ? J’ai eu tort de te faire confiance puisque tu m’as trompé au lieu de t’acquitter de ta mission ! ».

Mohammed le rassura : « Je comprends ta surprise, mais j’ai respecté ma parole et me suis bien rendu au Maroc comme convenu. J’y suis arrivé hier ! Seulement, je n’ai rien compris à ce qui c’est passé. Me voilà aujourd’hui debout devant toi ! »

Avant que le rabbin n’exprime ses doutes sur de telles affirmations, Mohammed lui remit la réponse confiée par R’ David Ben Baroukh haCohen.

Le soir même, à la Yéchiva, tout le monde se réjouit de la réponse satisfaisante apportée par le saint rabbin Cohen. Et chacun goûta du pain offert par R’ David Ben Baroukh haCohen à Mohammed qui l’avait partagé avec plaisir, satisfait d’avoir gagné un an de salaire en seulement six mois.

 


[1] D’après une information de Issachar Ben Ami (1990), Culte des saints et pèlerinages judéo-musulmans au Maroc, Maisonneuve & Larose, Paris, 260 p. Un autre conte concerne ce même R’ David Ben Baroukh HaCohen (« Le marchand de bougies », dans le vol. 2, tome 1 de notre anthologie,  Les chemins du Ciel, A.J. Presse, 2005, conte 16, pp. 60-62).

[2] Son petit-fils portait le même nom et était également nommé Baba Doudou (Il a quitté ce monde en 1953).

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