Gram. 01. Importance de la grammaire. Contes

 

 

Chapitre 1 - L'importance du respect des règles de grammaire

Contes pour mesurer l'importance de la grammaire

Les récits suivants permettront de prendre la mesure de ce sujet.

  

  

1. Pour un seul point  !

Humour [1] 

Ce conte pourra être raconté aux élèves avant de commencer une leçon sur le daguèch.

 

Robert souhaitait se convertir au Judaïsme pour pouvoir épouser une jeune fille juive. Il était pourtant embarrassé par l'importance accordée à des détails qu'il jugeait un peu ridicules.

Un peu avant Pessa'h, une goutte fit déborder son vase déjà plein à ras bord. Après avoir tenté de mémoriser les règles au sujet de la cachérisation de la vaisselle, il apprit qu'il fallait consommer au moins 30 grammes de matsa pendant le premier séder.

Se priver de pain, d'accord! Manger de la matsa, d'accord! Mais trente grammes! Pourquoi pas la moitié, ou même un tout petit bout à titre symbolique? Craignant de ne pas pouvoir avaler autant de pain azyme en un seul soir, il décida d'envoyer un mail au rabbin avec qui il était en contact. Il écrivit: "Après tout ce nettoyage de la maison, après tous ces achats, je ne serais pas quitte si je ne consommais que 29 grammes de matsa pendant le premier séder?". Et il ajouta, excédé par le tour que prenait son apprentissage: "Je pensais étudier les grandes valeurs spirituelles du Judaïsme et je me suis retrouvé en train d'apprendre toute une série de points de détails sans aucun intérêt!".

Après quelques jours, ne recevant pas de réponse, il renvoya son mail, précisant qu'il attendait toujours une réponse à sa question.

Le rabbin lui répondit:

"J'ai bien reçu votre mail et y ai répondu le jour même. En lisant votre nouveau message, je me suis demandé pourquoi vous n'avez pas reçu ma réponse. J'ai donc consulté la liste des mails envoyés et me suis rendu compte qu'en recopiant votre adresse e-mail, j'ai oublié de mettre un petit point avant "com".

"Il est étrange que cette toute petite différence vous ait empêché de recevoir ma réponse. J'avais pourtant indiqué votre nom, ainsi que celui de votre opérateur de télécommunications. Le réseau n'a pas compris que gmailcom (sans le point entre gmail et com) c'est exactement la même chose que gmail.com (avec le point). Alors que je vous avais fait une réponse approfondie sur l'importance des détails dans la pratique religieuse, voilà qu'un tout petit point, un petit détail sans intérêt vous a empêché d'en prendre connaissance.

"Mais au fond, un point est un point, et il a un sens véritable même si  j'ignore tout sur la logique du web et l'acheminement des messages sur les autoroutes de l'information. Chaque point compte. Avec un point placé au bon endroit, mon mail serait arrivé dans votre boite aux lettres; sans lui, il s'est perdu dans les méandres de l'espace des réseaux électroniques. Dans les profondeurs d'un espace virtuel jamais concrétisé! Si vous voulez en savoir plus sur le sens du point, étudiez donc l'informatique et plus précisemment le fonctionnement du web.

"Si vous voulez en savoir plus sur le Judaïsme, étudiez donc la Torah et pratiquez-la avec la précision enseignée par les maîtres détenteurs de la tradition. Leurs précisions sur la pratique renvoient à un monde de symboles d'une profondeur infinie. Chaque détail compte pour que les prières et la pratique des mitsvot aboutissent au Ciel, dans la bonne boite aux lettres".

 

2. L’emballage

Récit rabbinique. Europe orientale (Biélorussie) [2] 

Ce conte pourra sensibiliser les  élèves sur le fait que la grammaire est au service de l’étude de la Torah et non l’inverse.   

Un Rav[3] reçut un jour un grammairien universitaire qui espérait obtenir une recommandation pour le livre qu’il venait d’écrire. Le Rav accepta de recevoir ce savant. Il était certain, cependant, qu’un livre de cet auteur ne mériterait pas une recommandation de sa part. Il avait remarqué son éloignement du judaïsme et sa désertion persistante des locaux communautraire lors des offices, y compris ceux des grands fêtres.

A peine avait-il ouvert le gros ouvrage que son regard fut attiré par une phrase. Il la lut et découvrit une grossière erreur de grammaire. Le Rav pointa du doigt l’affirmation erronée et expliqua à l’auteur qu’il ne pouvait honorer de sa plume un tel livre.

L’universitaire, plutôt mal à l'aise, demanda au Rav: “Comment puis-je encore faire de telles fautes alors que j’ai consacré toute ma vie à l’étude de la grammaire ? Je m’étonne que le Rav, sans être particulièrement spécialiste du sujet, a pu immédiatement remarquer cette erreur!”

Le Rav répondit par une parabole et commença par citer le roi Chélomo סָדִ֣ין עָֽ֭שְׂתָה וַתִּמְכֹּ֑ר וַֽ֝חֲג֗וֹר נָֽתְנָ֥ה לַֽכְּנַעֲנִֽי׃  ce qui peut être traduit “Elle fait du drap et le vend, elle donne de la ficelle[4] au marchand”[5] (Michlé 31,24).

On ne fait pas payer l’emballage en principe lorsqu’on achète un objet, surtout s'il s'agit d'un objet de valeur. En revanche si l’on vient demander l’emballage seul, on ne pourra l’obtenir gratuitement. De la même manière que l’on ne fait pas payer l’emballage à un bon client, la personne qui étudie la Torah assiduement finit par acquérir des connaissances de grammaire; qui lui sont offertes. Au contraire, celui qui ne se consacre qu’à cette unique matière ne pourra la dominer réellement. Il agit comme s'il venait exiger que le commerçant lui offre un emballage, alors qu'il ne lui achette rien!

 

 

 

3. Une bonne prononciation 

Récit rabbinique, Europe orientale, vers 1800 [6] 

 

 

                                Ce conte pourra être raconté aux élèves avant de commencer une leçon sur les voyelles.

 

Rav ‘Ezra était un rabbin réputé. C’était l’ami de Rav Guédalia. Mais un jour, il quitta ce monde.

Quelque temps plus tard, R’ ‘Ezra apparut en rêve, à son ami.

Il lui dit ceci: “Lorsque j’ai comparu devant le Tribunal céleste, on m’a reproché de ne pas avoir assez respecté la prononciation de l’hébreu, et surtout les diverses voyelles qui forment l’âme des lettres”.

Le dernier conseil de son ami fut très précieux aux yeux de Rav Guédalia. Depuis ce jour, il tint à rectifier ses défauts de prononciation afin de ne pas se les voir reprocher lorsque ce serait son tour de comparaître devant le Tribunal céleste.

 

 

 

4. Le ‘Hafets ‘Hayim et le directeur d’école

Récit rabbinique. Europe orientale (Biélorussie), vers 1900 [7]

Ce conte pourra sensibiliser les  élèves sur le fait que la grammaire est au service de l’étude de la Torah et non l’inverse.

 

 

 

 

 Dans la ville de Radoun (ou Radin), plusieurs membres de la communauté juive se réunirent en vue de constituer une nouvelle école. Ils souhaitaient donner à leurs enfants une éducation différente de celle délivrée par les écoles rabbiniques. Ils souhaitaient insister sur l’enseignement des matières profanes.

Les responsables du projet nommèrent un directeur en le chargèrent de mettre en œuvre leur projet.

Mais, dans la ville du ‘Hafets ‘Haïm, ils ne pouvaient mener à bien leur projet sans obtenir la permission du rav. Or, ce n’était pas évident ! Depuis des années déjà, ce genre d’écoles avait démontré que leur modernité et leur ouverture, débouchait sur l’abandon rapide de la tradition par les élèves. Si quelques matières traditionnelles étaient maintenues, elles servaient surtout d’alibi. Mais l’état d’esprit du corps enseignant de ces écoles était tel que le venin serait instillé dans la jeune génération : les courants modernistes rivalisaient déjà avec ceux de l’orthodoxie juive. L’affaiblissement de la foi et de la pratique seraitseraient la conséquence inévitable de ce type d’écoles.

Lorsqu’il fut reçu par le Rav, le futur directeur d’école crut défendre habilement sa cause en disant : « Dans mon école, à côté d’autres matières, la grammaire hébraïque (dikdouk) sera enseigné. Je trouve qu’il est très important pour les jeunes d’apprendre la grammaire pour bien prononcer ! » Il ajouta : « D’ailleurs le Choul’hane ‘aroukh insiste sur ce point à propos de la lecture du chéma’ ! » [8].

Le Rav approuva la remarque, mais la compléta : « Dans le même Choul’hane ‘aroukh,  il est dit aussi : ‘Si l’on a récité la lecture du chéma’ sans prêter attention aux détails de la prononciation, on est tout de même quitte de son devoir ! » [9].

Et il continua «  Par contre, si on connaît bien les règles de grammaire hébraïque mais si on ne récite pas le chéma’, on n’est pas quitte de son devoir religieux ».

 

 

 

5. Dans la cour de l’école

Conte [10]

 

Ce conte pourra être raconté aux élèves avant de commencer une leçon sur les accents toniques.

 C’était la rentrée des classes dans cette école de Jérusalem. Gad, s’avança vers un autre élève. Il venait de Tel Aviv et ne connaissant personne dans cette école, il voulait faire connaissance. Il se plaça devant Acher et lui dit avec un grand sourire : « Bonjour ! »

A sa grande surprise, l’autre n’eut pas l’air très content, et au lieu de lui retourner un autre « bonjour » amical, lui répondit : pourquoi tu me traites de « gardien de vache » ?

 Mais je ne t’ai pas traité de « gardien de vache » ! s’exclama Gad.

« Oui, tu as l’air de te moquer de moi ! » répondit Acher.

« Mais non ! »  répliqua Gad. « Je ne t’ai pas appelé gardien de vache, je t’ai dit ‘Bonjour’. Et d’ailleurs le nom d’un métier, ce n’est pas une insulte ».

 Acher, fâché répliqua en haussant la voix : « Tu l’as encore dit !  Est-ce que tu t’es entendu ? Je répète tes mots: ‘Mais je ne t’ai pas appelé gardien de vache, je t’ai dit gardien de vache ». 

 Attirés par l’esclandre, un professeur s’approcha, tentant de ramener le calme dans la cour. Il demanda qu’on lui explique calmement ce qui les avait conduit à se faire remarquer en ce jour de rentrée, alors que tous leurs camarades faisaient connaissance ou bien étaient heureux de se retrouver.

Lorsqu’il entendit rapporter les mots échangés, il s’adressa à l’enfant qui venait de Tel Aviv : « Tu dois mieux étudier les leçons de grammaire. Ton camarade a entendu tes mots mais il les a mal compris. Tu as cru dire ‘Bonjour’ mais tu as dit ‘Gardien de vache’ »

Devant la mine étonnée de Gad, le maître expliqua : « En hébreu, l’accentuation des mots est importante. Parfois deux mots se ressemblent en tout, sauf par leur accent tonique. Vous aviez tous deux l’intention d’échanger un « bonjour », et vous avez dit, l’un  ‘boKER tov’, l’autre ‘BOker tov’. BOker c’est matin, donc BOker tov, c’est bon jour. Au contraire, boKER c’est gardien de vache, cow boy, si tu préfères. Dans ce mot c’est la deuxième syllabe qui porte l’accent tonique ».

« Je suis sûr que je vais confondre ! » dit Acher. Le maître lui répondit en inventant à l’instant un moyen mnémotechnique : « La journée commence par le matin n’est-ce pas ? Eh bien, le mot « BOker » commence par une syllabe accentuée ; par contre, les cow boy vont souvent à la suite de leur troupeau. Eh bien, pense à cela et met l’accent tonique sur la dernière syllabe du mot « boKER » !

 

 


[1] Ce texte a été écrit à partir d'une idée lue sur dikdouk.free.fr. L'auteur du site, précise: "j'ai reçu une blague qui... pourrait très bien servir à défendre le dikdouk, et sa manie de disséquer les raisons de tel ou tel dagesh" Consult. oct. 2011.

[2] D’après Kountrass, n° 123, dec. 2007- janv. 2008, p. 6.

[3] Il s'agirait de R’ Yossef Dov Soloveitchikזצ"ל  (1820–1892), rabbin d'Europe orientale (Biélorussie) auteur du Bet halévi.

[4] Le mot וַֽ֝חֲג֗וֹר  est compris ici comme la ficelle qui attache l’objet vendu, aussi peut-on adapter en parlant d’emballage plus parlant que ceinture.

[5] Rachi précise que Cananéen signifie ici marchand (et Chouraqui utilise aussi ce sens). Déjà, dans Béréchit 38,2, on a lu que Yéhouda se marier avec בַּת־אִ֥ישׁ כְּנַֽעֲנִ֖י  ce que Rachi explique: “La fille d’un marchand” et non “la fille d’un Cananéen”. Voir aussi:

. וְלֹֽא־יִֽהְיֶ֨ה כְנַֽעֲנִ֥י ע֛וֹד בְּבֵית־יְהוָ֥ה צְבָא֖וֹת בַּיּ֥וֹם הַהֽוּא׃ "Et il n’y aura plus de Cananéen dans la maison de Hachèm des armées, en ce jour-là" (Zékharia / Zacharie 14,21);

. כְּנַ֗עַן בְּיָד֛וֹ מֹֽאזְנֵ֥י מִרְמָ֖ה לַֽעֲשֹׁ֥ק אָהֵֽב׃  "le Cananéen [tient]  dans sa main une balance de duperie. Il aime frauder" (Hochéa'/Osée 12,8) ce que R' J. Schwartz explique: "le Cananéen est considéré comme le type-même du commerçant fraudeur", il se sert d'une balance faussée (Les haftarott, BibliEurope, 1996, p. 87, n. 8). Voir: Midrach raba 81,4; T.B. Pessa’him 50a.

[6] D’après un sidour du  minhag sfard-'Hassidique, cit. Kountrass, n° 123, déc- 2007- janv. 2008, p. 6.

[7] D’après Kountrass, n° 123, dec. 2007- janv. 2008, p. 10.

[8] Choul’hanearoukh, 61. Cit. Kountrass, n° 123, dec. 2007- janv. 2008, p. 10.

[9] Choul’hanearoukh, 62,1. Cit. Kountrass, n° 123, dec. 2007- janv. 2008, p. 10.

 

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