Cont&r JAfN -3. Le conseil du perroquet

 

 

LE CONSEIL DU PERrOQUET

Conte judéo-maghrébin [1]

 

Une princesse avait un joli perroquet. Elle venait le voir tous les jours. Elle lui parlait, lui fredonnait des chansons,  lui contait de belles histoires.

Mais le perroquet était triste sur son perchoir, car il aurait aimé voler à sa guise de l’autre côté des murs... Enfermé jour après jour dans une salle du château, il avait un pincement au cœur, chaque fois qu’il voyait la chaîne qui l'empêchait de s'élancer vers le ciel.

 

Un jour, alors qu’un serviteur de la princesse devait partir pour un long voyage, le perroquet lui adressa la parole en ces termes:

« Je te vois depuis longtemps, et j’ai toujours pris plaisir à ta compagnie. Je sais que tu prépares ton départ. J’aimerais te demander une faveur: dans le cas où tu passes dans une région où se trouvent des perroquets qui me ressemblent, explique leur ma situation. Peut-être te chargeront-ils d’un message pour moi ?».

Le serviteur ne savait pas parler aux animaux même s'il comprenait ce perroquet: seul le Roi Salomon avait eu ce pouvoir, bien longtemps auparavant.

Ne voulant pas faire de peine au pauvre perroquet, il promit d’essayer et s’en alla. Tout à ses affaires, il avait oublié la demande du volatile, mais, traversant une forêt, il vit dans des perroquets qui lui rappelèrent sa mission. Leurs plumes étaient de la même couleur que celles du perroquet de la princesse.  Il éleva donc la voix pour leur faire connaître la demande de leur parent, captif au château.

A peine avait-il fini sa harangue, qu'un perroquet s'approcha de lui. Il cherchait à attirer son attention, c’était manifeste, car il osa se percher sur son sac et il le laissa capturer sans résistance. On aurait dit que l’oiseau avait choisi la captivité.

Quelques temps plus tard lors d’une halte, le serviteur trouva le perroquet inerte, allongé sur le sol. N'ayant aucune envie de se charger d'un perroquet mort,  le serviteur saisit le cadavre du volatile et le propulsa vers un  buisson pour s'en défaire.

Quel ne fut pas alors son étonnement: le perroquet n’atteint pas le buisson visé. Une fois en l'air il prit son envol et s'éleva bien  haut, vers le feuillage touffu des grands arbres.

 

De retour au château, le perroquet demanda au serviteur si, par chance il avait pu rencontrer ses parents, et si on lui avait transmis un bon conseil à son intention.

« Hélas ! S'exclama le serviteur, j'ai bien réussi à attraper un perroquet et j'avais l'intention de l'amener près de toi, afin d’adoucir ta captivité par une compagnie de ton espèce! Mais cela n'a pas été possible. A peine capturé, ton semblable perdit la vie et j’ai dû m’en débarrasser ». Il lui raconta aussi dans quelles circonstances et ce qui était survenu dans la forêt.

 

Le lendemain, lorsque la princesse vint visiter son oiseau favori. Elle le trouva inerte et le pensa mort.

« Qu'ai-je à faire d'un perroquet, mort !, annonça-t-elle à son serviteur.  Il faut m’en débarrasser sans tarder ! ».

Le serviteur attristé saisit le corps du pauvre perroquet et détacha la chaîne qui le liait au perchoir. Aussitôt dit, aussitôt fait, il jeta le perroquet par la fenêtre. Une fois en l'air cependant, celui-ci prit son envol et s'élança, libre, en direction de la forêt.

 

Ce n'est qu'à ce moment que le serviteur comprit quel avait été le  conseil du perroquet de la forêt à son congénère privé de sa liberté.

Il se réjouit alors d'avoir contribué au bonheur d’un être vivant. [2]





[1] Conte marocain, d'après Rabbi Raphaël Ohana. Cité par P. Sadeh, (1989, p. 165-166, The Parrot Advice). Ce conte pourrait avoir pour origine le Mathnavi, long chef d’œuvre poétique perse de Djalal Al-Din Dûmi (1207-1273). Dans ce texte de quelque 25000 vers, le poète expose notamment ses réflexions philosophiques en les déduisant d’anecdotes variées tirées du folklore islamique (Comparer aussi avec: « Le perroquet du commerçant » in  Raïd A. &  Raïd L., Demain vient le printemps et je ne le verrai pas et autres histoires traditionnelles d’Afghanistan, op. cit. 1988, p. 163-164).

[2] Texte au 9 décembre 2012.

 

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