Cont&r JAfN – 4. Les zouaves, en première ligne

 

A TRAVERS LES GUERRES

XXe siècle

 

Les zouaves, en première ligne 

 

Récit familial. Sur le front, France, 1914 [1]

 

Shim'on Khalifa n'avait pas encore trente ans. Il fut mobilisé comme tant de ses amis à Bône car la guerre avait éclaté, quelque part entre la France et l'Allemagne. Mima, sa jeune femme, l'accompagna au bateau. Elle ne devait plus jamais le revoir car Shim'on fut tué dans la première phase de la Grande guerre. Son bataillon de zouaves maghrébins avait reçu l'ordre de lancer un assaut à la baïonnette contre les troupes allemandes, fortement retranchées sous le couvert d'un bois. Les compagnies de première ligne furent envoyées pour la sale besogne.

 

L'engagement est décrit dans  le Journal de Marche du 6e Bataillon du 4e Zouave:

« 16 sept.

... Le Bataillon bivouaque à proximité de la maison de Commandement du Général sur la route de Béthune. Aucun abri, aucune distribution.

« 17 sept.

Vers 0 heure [2], le Bataillon s'est formé en colonne double... A 7 heures du matin le Bataillon recevait l'ordre suivant: marcher à l'attaque de la position... Vers 9h 30, les compagnies de première ligne étaient déployées à la lisière du bois de Crosny. Après une tentative infructueuse au débouché du bois le Bataillon stoppe à son emplacement... Vers 11h. ... une attaque à la baïonnette est décidée. Cette attaque est arrêtée à quelques mètres de la lisière par un feu violent de mitrailleuses et fusils Allemands. L'ennemi est fortement retranché dans les ouvrages de siège... Le Commandant du 2e Tirailleur me donnait l'ordre de replier mon Bataillon sur la position qu'il avait au moment du départ. Au même instant, plusieurs rafales d'Artillerie allemande tombaient sur le Bataillon» ... La retraite fut exécutée en bon ordre, parfois par petits groupes, sous les shrapnells allemands et la poursuite des fantassins ennemis. A 20 heures le Bataillon se portait sur la route où il passait la nuit à droite d'une Compagnie du 8e Tirailleurs...»

Note en marge: « 1 officier tué. 1 officier blessé. 49 tués. 192 blessés. 61 disparus». Shim'on Khalifa était l'un des 49 tués de ce 17 septembre. Après la Bataille de la Marne, le commandement français avait cherché à exploiter au maximum la victoire. Il n'y était pas parvenu.

La boucherie avait commencé. La guerre de position devait durer jusqu'en 1918. Les fameuses tranchées furent creusées. Les zouaves maghrébins (juifs et arabes), les tirailleurs sénégalais, les marsouins de tout l’Empire français, commencèrent à tomber dans les bataillons de première ligne.  Nombreux furent aussi les soldats venus de France métropolitaine tués pendant ces années terribles... La boucherie dura longtemps...

Mima, hélas, ne fut pas la seule veuve de guerre, parmi les juives de Bône, parmi les femmes de cette triste époque...

 


[1] Information familiale (collecte: 1985); Journal du Bataillon consulté aux Archives de l’Armée de Terre, Fort de Vincennes.

[2] Le Journal indique "Le 16 sept. vers 0 heure" mais il faut lire "Le 17 sept. vers 0 h." puisque le rapport de la veille indique que le 16 était une "journée sans incident".

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