L’invitation de Sire Lion

 

Fables d’Israël. Nouvelles fables

editionsbakish.com. (c) Hillel Bakis 2000-2012

L’invitation de Sire Lion

Fable [1]

 

La fable suivante nous enseigne que les grands personnages ne nous fréquentent que lorsqu’ils y trouvent un intérêt ! Raban Gamliel a enseigné que les grands ne se rapprochent des gens que s’ils ont besoins d’eux. Il disait : « Soyez sur vos gardes dans vos relations avec les puissants, car ils ne se rendent accessibles que lorsque leur intérêt le leur commande. Lorsqu’ils ont besoin de vous, ils se prétendent de vos amis ; sinon, ils vous refusent tout appui » (Michna Abot 2,3).

 

 

 

Un jour, Renard reçut une invitation provenant du Roi Lion : il avait le privilège d’être convié à un festin, en compagnie d’autres animaux sélectionnés pour leur importance.  Même s’il savait que le flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute, Renard ne put s’empêcher d’être flatté.

Il prit immédiatement la route. Lors que sonna l’heure dite, il se présenta au portail de la demeure  royale où il fut introduit par un valet.

Dans la grande salle à manger, plusieurs convives étaient déjà à table. Il y avait là des animaux bien différents, et il se demanda pourquoi le grand Lion avait jugé bon de les réunir tous ensemble, le même jour. Qu’avaient donc à faire ensemble le mouton, la chèvre, l’ours, la marmotte, le vison, la belette, l’hermine, la loutre, la mouflette, le lynx  et le lièvre, se demanda-t-il ? 

 

L’attention de Renard fut immédiatement attirée par les tentures qui décoraient les murs : il s’agissait de peaux de bêtes, toutes plus belles les unes des autres. Sur les murs extérieurs, s’étalaient des fourrures épaisses pour  conserver la chaleur de la pièce lors des soirées d’hiver.

L’inquiétude de Renard grandit lorsqu’il remarqua que tous les invités étaient, tout comme lui, des animaux à fourrure. Soudain, il comprit le sens de cette convocation : Lion voulait de nouvelles fourrures à l’approche de l’hiver et il allait probablement mettre à mort tous ses invités. Renard regarda avec méfiance les nourritures appétissantes déposées sur la table de manière à satisfaire aussi bien les végétariens que les carnivores. Les fruits et les viandes étaient certainement empoisonnés !

 

Renard avait pris sa décision : il devait jouer un bon tour au Lion en avertissant discrètement tous les invités. Tous devaient fuir ! Il prit la parole et demanda à Sire Lion s’il lui permettait de chanter une ballade en son honneur. Lion fut ravi et s’installa confortablement pour mieux apprécier ce spectacle non programmé.

La voix de Renard s’éleva et Lion, trop sûr de lui, se laissa bercer par la mélodie. Il ne prêta aucune attention aux paroles. Or, derrière la mélodie, Renard révélait habilement le danger que couraient tous les invités. Il décrivit longuement chaque fourrure ainsi que toutes les pièces du mobilier de la noble et riche demeure de Sire Lion. Pendant que ce dernier fermait les yeux de contentement, les animaux partirent aussi vite que leurs pattes le leur permettaient.

Alors qu’ils étaient déjà loin, Renard arrêta de chanter pour s’enfuir à son tour.

Lion, ouvrant les yeux, constata avec dépit que personne n’avait touché à la nourriture empoisonnée et que tous s’étaient enfuis. Il rugit de dépit. Il n’allait pas pouvoir compléter sa collection de fourrures précieuses ! [2]


[1] Adapté à partir d’une fable juive. Autre version : « Un déjeuner chez les lions »,

  Leo Pavlat & Helena Rysava (1986), Contes juifs, Gründ (édition 2010, pp. 190-195).

[2]  Texte au 9 décembre 2012.

 

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