La nouvelle sortie d’Europe

"La nouvelle sortie d'Europe

par Hillel Bakis

La commémoration du départ de l'Exodus s'est terminée il y a quelques semaines (1). 70 après que ce navire, affrété par l'Agence juive se fut éloigné d'un quai de Sète, son nom hébraïque - Sortie d'Europe (2) -  retrouve une actualité inattendue pour les Juifs européens. 

Les Juifs de France et d'autres grands pays européens prennent conscience que les Etats qu'ils ont loyalement servis pendant des générations ne méritent plus leur confiance. Ces Etats ont voté ou contribué à faire adopter des résolutions révisionnistes réécrivant l'histoire de Jérusalem et de Hébron dans les organisations internationales (ONU, UNESCO). Ils ont formulé à maintes reprises des condamnations déséquilibrées à l'encontre d'Israël. Ils se sont tus depuis une vingtaine d'années devant l'antisémitisme islamique qui a tué Ilan Halimi et bien d'autres Juifs, jusqu'à la défenestration de Sarah Halimi. Les autorités politiques continuent à vivre dans le déni alors que leurs pays changent sous leurs pieds, et pas seulement pour les Juifs. 

L'environnement humain et culturel a tant changé en quelques décennies en France, en Allemagne, en Belgique et ailleurs que, pour les Juifs, les mots 'sortie d'Europe' n'évoquent déjà plus le nom du bateau qui joua un rôle-clé dans l'histoire de l’alya d'après-guerre et dont le drame contribua à la renaissance d'un Etat juif en 1948.

Après la sortie d'Orient dans les années 50, après la sortie du Maghreb des années 50 à 70, après la sortie d'URSS qui a commencé dans les années 80 et se poursuit de nos jours, une nouvelle 'sortie d'Europe' a commencé. La tendance au départ des Juifs  est sensible dans toutes le communautés. Il ne concerne plus seulement des amis, des parents... C'est devenu un projet d'avenir pour un nombre croissant de familles, de retraités et de jeunes gens (3). 

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Notes

(1) Sur la commémoration du 70ème anniversaire du départ de l'Exodus, voir les autres articles de l'auteur parus dans Actualité juive  sur ce sujet :

(2) "Yetzi'at Eropa Tashaz", c'est-à-dire "Exode d'Europe 5707"

(3)  Voir par exemple l'analyse de Frank-David Cohen. l’Etat "ne sera peut-être pas toujours en mesure de nous protéger. Je me souviens encore de l’été 2014 où des manifestations dites de 'soutien à la Palestine' ont finit par des prises d’assaut de synagogues en plein Paris et de quartiers juifs notamment à Sarcelles. Nous n’étions pas loin d’un massacre… ". Il constate la passivité  de la société française.... "alors que des enfants venaient d’être exécutés à bout où étaient les 4 millions de personnes avec qui j’ai manifesté le 11 janvier 2015 ?..."  Il anticipe la dégradation de la situation. "En plus des actes de violence répertoriés, il y a les actes antisémites du quotidien auxquels nous sommes tous confrontés à des degrés différents en fonction de notre exposition. Je ne suis ni croyant ni religieux, je ne vais jamais à la synagogue et pourtant, avec mon nom de famille, Cohen, j’y suis aussi confronté. Si j’ai le malheur de faire un commentaire public sur Facebook, 9 fois sur 10, quel que soit le sujet, je me prends une remarque antisémite malgré la modération des commentaires. Depuis 2 ans, je ne peux plus commander sur Internet à mon nom si je veux que le colis arrive intact, je commande à présent au nom de ma femme pour ne plus avoir de problème".  Frank-David Cohen (2017), "Français juifs : où serons-nous en 2020?", http://frblogs.timesofisrael.com/francais-juifs-ou-serons-nous-en-2020/ 

 

La première édition de ce texte est parue dans Actualité juive, n° 1444, du 27 juillet 2017, p. 8. 

Ce texte a été mis en ligne le 2 novembre 2017 et complété le 5 novembre 2017.  

(c) Hillel Bakis, 2017