Halakha. Reconnaissance

ב"ה

Halakha. Reconnaissance

par R' Eliyahou Bakis*

Depuis le 7 octobre dernier, nous éprouvons des sentiments variés : incompréhension, incertitude, peur, colère, besoin de vengeance, compassion, envie de fraternité en Israël… et bien sûr, un fort sentiment de reconnaissance envers nos soldats, leurs familles (hakarat hatov).  Une réflexion sur cette vertu s’impose.

L’acquisition de cette vertu n’est pas chose simple. Bien souvent, l’être humain a du mal à témoigner sa reconnaissance. Offrir un cadeau (même avec un mot de remerciement) ne suffit pas. L’acte doit être précédé par un travail sur soi. Se sentir redevable doit venir du cœur. En donnant à l’autre, on comprend le bien qui nous a été fait[1].

Notre journée commence par un mot de reconnaissance à D.ieu qui nous rend notre âme tous les matins : « Modé ani … ». Le but ultime est de remercier Hachem. Celui qui ne reconnaît pas le bien fait par son prochain finira par nier le bien que nous fait Hachem[2]. Pour cela, nous nous devons de toujours être conscients et reconnaissants du bien reçu de Hachem, de nos parents[3], de tous nos bienfaiteurs, etc.

Pendant les plaies du, sang, des grenouilles, et des pustules, Hachem a ordonné que ce soit Aharon qui frappe et non Moché[4] ; le Nil avait sauvé Moché ; la terre l’avait aidé à cacher la dépouille de l’égyptien mécréant. Bien que le fleuve et la terre ne ressentent rien, on se doit de leur témoigner de la reconnaissance afin de ne pas s’écarter des bonnes vertus[5].  Une parabole célèbre enseigne qu’un voyageur épuisé trouva un arbre qui lui procura de l’ombre et des fruits délicieux. De plus il put s’abreuver, car un cours d’eau passait sous cet arbre. Avant de continuer son chemin, il bénit l’arbre…[6].  Le Talmud raconte aussi : une personne qui invita un Rabbin à sa table installa son chien à ses côtés. : « Ce chien a sauvé la vie de mon épouse des mains de ravisseurs. Je lui suis reconnaissant » [7]. À l’inverse, on ne fait pas de mal à qui nous a fait du bien : « Ne jette pas une pierre dans le puits qui t’a permis d’étancher soif »[8]. Un mari reconnaissant considèrera tout ce que fait son épouse comme une attention à son égard. Il ne dira pas : « Mon épouse ne fait rien pour moi spécifiquement : elle devait préparer son repas et n’a qu’ajouté un peu de nourriture ; elle devait laver ses habits et a ajouté les miens pour ne pas faire tourner la machine à vide » ![9]

Notre reconnaissance envers nos soldats et leurs familles se doit d’être forte. Toutefois, si cela est tout particulièrement vrai en cette période, cela l’est aussi toute l’année où des efforts gigantesques et des sacrifices sont faits par nos forces militaires et policières !

Le Roi David, comme Moché, répartissait ses soldats en deux groupes : un pour combattre pendant que l’autre étudiait et priait pour sa réussite. Car la guerre doit se mener sur deux fronts : avec des armes et avec la Torah[10] ! La plus forte armée du monde doit savoir que c’est Hachem qui donne la victoire.  Aujourd’hui encore, cette répartition existe. Même ceux qui ne savent pas combattre se mobilisent pour la réussite de notre armée. Je pense à celles et ceux qui lisent les psaumes, qui prient pour les soldats. Je pense aux rabbins, aux jeunes qui intensifient leur étude de la Torah en yéchiva ; à tous ces volontaires même âgés qui offrent leurs services ; aux femmes qui prélèvent la ‘hala ; à ces enfants qui accomplissent de bonnes actions « pour le mérite du peuple juif » - comme ce petit garçon de huit ans qui a fait réciter le chéma à son petit frère avant de dormir… Notre reconnaissance va aux soldats ; à leurs familles, à tous ceux qui influencent spirituellement le cours des évènements. TODAH !

Dans une parabole, le ‘Hafets ‘hayim raconte qu’une armée essuyait de lourdes pertes. Une investigation révéla que les soldats souffraient de malnutrition, car le cuisinier avait décidé qu’il serait plus utile au front qu’en cuisine. On lui fit comprendre l’importance stratégique de sa mission : sans son travail même les soldats les plus expérimentés ne pourraient vaincre l’ennemi. Le slogan « Ensemble nous vaincrons ! » diffusé en Israël ces jours-ci traduit un sentiment profond d’unité, fruit de la reconnaissance mutuelle que nous continuerons à cultiver après la fin de cette guerre. C’est une prise de conscience : chacun a sa mission. Chacun joue sa partition, contribue à l’harmonie de l’ensemble et est digne de reconnaissance[11].

En cette période, la lecture du psaume 100 est particulièrement bien venue. Elle a valeur d’offrande de remerciement au Beth hamikdach en l’honneur d’Hachem[12]. Ne dit-on pas que celui qui remercie D.ieu se verra accorder d’autres bonnes raisons de le remercier ?

Avec l’aide d’Hachem avec le dévouement de nos ‘hayalim et de toute la population, nous vaincrons nos ennemis, mais également le mauvais penchant qui cherche à nous diviser, jusqu’à l’avènement du Machia’h, bientôt et de nos jours. Amen ! [13]

© R' Eliyahou Bakish et/ou Hotsaat Bakish, le 24 octobre 2023.

Psaume 100                                                                   תהילים פרק ק

מִזְמ֥וֹר לְתוֹדָ֑ה    הָרִ֥יעוּ לַֽ֝יי כָּל־הָאָֽרֶץ׃
עִבְד֣וּ אֶת־יי בְּשִׂמְחָ֑ה    בֹּ֥אוּ לְ֝פָנָ֗יו בִּרְנָנָֽה׃
דְּע֗וּ    כִּֽי־יי אֱ-לֹ֫הִ֥ים
הֽוּא־עָ֭שָׂנוּ ולא (וְל֣וֹ) אֲנַ֑חְנוּ    עַ֝מּ֗וֹ וְצֹ֣אן מַרְעִיתֽוֹ׃
בֹּ֤אוּ שְׁעָרָ֨יו ׀ בְּתוֹדָ֗ה חֲצֵֽרֹתָ֥יו בִּתְהִלָּ֑ה    הֽוֹדוּ־ל֗֝וֹ בָּֽרְכ֥וּ שְׁמֽוֹ׃
כִּי־ט֣וֹב יי לְעוֹלָ֣ם חַסְדּ֑וֹ    וְעַד־דֹּ֥ר וָ֝דֹ֗ר אֱמֽוּנָתֽוֹ׃


Notes

* אליהו בקיש

[1] Rav Nissim Yagen, Nétivé or, pp 185-188.

[2] Pirké dé Rabbi Eli’ezer, ch. 7.

[3] Sefer Ha’hinoukh, Mitsva 33.

[4] Rachi sur Chémot 7, 19 et 8,12.

[5] Mikhtav mé-Eliyahou vol. 3, p. 101 d’après Hachouké ‘hemed. T.B. Bérakhot 5a.

[6] T.B. Ta’anit 5b.

[7] T.Y. Téroumot 8, 3 d’après Hachouké ‘hemed. T.B. Baba metsia 59b.

[8] Midrach rabba 22,3.

[9] Rav BenTsion Abba Chaoul, Or létsion pp. 186-187.

[10] Chémot 17, 11.

[11] Il est dommageable de ne pas éprouver de la reconnaissance envers qui a fait du bien (et pire encore si cette personne rend le mal pour le bien). Le Roi David a abordé ce sujet dans le Psaume 109. 

[12] Kitsour Choulhane ‘aroukh 14, 4.

[13] Une version courte de cet article est parue dans Futé Magazine, Mediastarsproduction, Netanya, 7 novembre 2013, page 14.