Des miracles discrets.

 Dernières modifications: 8 juin 2012

 

I-8* ’Hanouka, premier chabbat

 

Haftara commune aux différentes coutumes (Zakharia 2, 14 - 4, 7)

 רָנִּ֥י וְשִׂמְחִ֖י

 

 

DES MIRACLES DISCRETS!

Dans la suite de cette haftara, on lit:     וְהִנֵּ֣ה מְנוֹרַת֩ זָהָ֨ב כֻּלָּ֜הּ  « Et voici,  un chandelier tout entier d’or » (Zakharia 4, 2).

Si la haftara mentionne la ménora du Temple, elle ne mentionne pas le miracle de l'huile. La vision du prophète Zakhahria annonce cependant d'autres faits miraculeux :

- la proximité retrouvée entre Hachèm et Son peuple et le pardon des fautes:

- la future restauration de la royauté avec l'avènement du Messie descendants de Yéhouda. 

Il s'agit des thèmes centraux de ce texte choisi comme Haftara du (premier) chabbat de 'Hanouka qui ont été abordés dans la dracha précédente.

 

Le parallèle avec la fête de ’Hanouka

La troisième partie de la haftara (Zakharia 4, 1-7) mentionne une ménora. Un ange la montre à Zéroubabel.

La ménora est inséparable de l'huile, son combustible. Hanouka qui tombe lorsque se lit la paracha mikets, commémore notamment un miracle: celui d'une fiole d’huile pure. Ce petit récipient a pu fournir un volume d’huile supérieur à celui qu’il était censé contenir lors de la nouvelle inauguration du Bet hamikdach, par les Makabim (Maccabées). Il en sortit assez d’huile pour alimenter la ménora pendant les huit jours nécessaires à ce qu'une nouvelle huile pure soit fabriquée.

Après leur victoire il a fallu remettre en service le Temple volontairement saccagé et souillé par l'ennemi, d’où le nom de la fête : ‘Hanoukat habayit signifie : inauguration du Temple. Et, lors de cette inauguration, l’unique fiole d’huile conservée pure, permit l’allumage miraculeux de la ménora pendant la semaine nécessaire à la production d’huile pure destinée au Temple.

 

A HANOUKA: UN MIRACLE DISCRET 

On peut s’interroger sur la nature du « miracle » de ’hanoukaOn sait que Hachèm a fixé des lois à la nature et ne souhaite pas particulièrement les modifier (comme il est écrit: חָק־נָ֝תַ֗ן וְלֹ֣א יַֽעֲבֽוֹר׃ Téhilim 148,6). Lorsque Hachèm intervient directement par un miracle apparent, c’est parce que cela est absolument nécessaire, les hommes n’ayant pas pu, par eux-mêmes, se placer dans une situation où le miracle aurait été inutile. Tel était le cas lors de la Sortie d’Egypte : les Hébreux ayant atteint le 49ème niveau d’impureté, ils n’étaient pas en mesure d’obtenir par eux-mêmes leur libération.   Ainsi, l’intervention publique de Hachèm était nécessaire avant la sortie d'Egypte (plaies) ou lors du passage de la mer Rouge.

 

La re-création permanente du monde

Le principe de non intervention divine apparente dans la marche du monde n'exclut pas une présence voilée permanente de Hachèm. Au contraire les Sages חז"ל enseignent que Hachèm intervient sans cesse, ce qui permet au monde de ne pas disparaître : il est affirmé que cela correspond à une RE-création permanente du monde, mais que le monde récréé paraît dans la continuité logique avec ce qui préexistait à la fraction de seconde précédente. Un observateur extérieur ne perçoit donc aucune RE-création. Tout semble respecter les lois établies de la nature. C’est là une catégorie particulière de miracles cachés.

Ces enseignements traditionnels trouvent peut-être un écho dans les découvertes de la physique. Essayons d'illustrer la chose par un exemple. Lorsque nous sommes assis sur un banc, tout semble aller de soi: on reste assis parce que le banc est solide.  Mais, à bien y réfléchir, on peut se demander comment la matière qui constitue la base de ce banc nous empêche de tomber? Car après tout, la matière c'est du vide et de l'énergie. A la base, la matière est faite de molécules différentes, elles-mêmes composées d'atomes, eux-mêmes composés de noyaux autour desquels gravitent des électrons [1]. C'est-à-dire qu'au cœur de la matière on trouve un dispositif que l'on peut comparer au système solaire où l'espace séparant des astres est bien plus volumineux que la matière de ces astres. Vu sous cet angle, le siège sur lequel on repose nous retient certes mais en interposant entre nous et le sol un matériau principalement fait de vide !   Cette plongée vertigineuse au cœur de l'infiniment petit peut se poursuivre encore puisque dans l'exploration du monde subatomique: dans la même famille que l'électron, on rencontrera le muon et le  tauon (ce sont des leptons qui diffèrent des quarks - autres constituants de la matière).  On a parlé de noyau. Mais on n'a pas, pour autant, atteint un "grain de matière" indivisible. Le noyau n'est pas un objet mais une "région" située au centre d'un atome. Cette région a une taille environ 100 000 fois plus petite que celle de l'atome (10-10 mètres) concentre presque toute la masse de l'atome. Le noyau est constitué de nucléons (les protons et les neutrons) entre lesquels s'exercent des forces énergétiques considérables qui en assurent la cohésion: forces à peu près un million de fois plus grandes que celles qui s'exercent entre les atomes ou les molécules. L'interaction électromagnétique entre particules nous permet donc de reposer sur notre siège sans même nous rendre compte des phénomènes énergétiques en cours. On se rend compte que la matière n'est pas constituée de "grains" de matière élémentaire, indivisible. Ce qui était la vision des choses exprimée dans l’antiquité, le mot grec άτομος  ("atomos") signifiant littéralement « que l'on ne peut diviser ». Mais l'atome, on l'a vu, est loin d'être "indivisible"! Il comprend des particules subatomiques, étudiées par une branche de la physique qui s’intéresse à ces composants de la matière dont la taille est inférieure à celle d’un atome (électrons, photons...). Notons que le mot particule est inadéquat : même s’il est utilisé par les physiciens, il pose problème car les objets décrits obéissent aux principes de la mécanique, c’est-à-dire que ces particules ne sont particules que dans certaines conditions expérimentales, alors qu’elles sont des ondes dans d’autres conditions expérimentales : c’est la dualité onde-particule (ou onde-corpuscule) de la physique quantique 

L’histoire de la physique montre que les aspects corpusculaires ou les aspects ondulatoires de la matière ont été privilégiés dans les théories. Au 17ème siècle, deux théories concurrentes s’affrontaient à propos de la lumière qui était considérée, pour l’une comme étant composée d’ondes (Christian Huygens), alors que pour l’autre la lumière était constituée d’un flot de particules (Isaac Newton). Ce débat a débordé la seule question de la nature de la lumière pour s’étendre à tous les objets (à l’échelle microscopique) car l’état actuel de la science ne permet pas de mieux cerner la réalité des phénomènes.    

Une fois de plus, on se rend compte que la science grecque qu'on a voulu nous imposer au temps des Makabim (Maccabées), s'avère fort éloignée de la représentation du monde que se font les physiciens actuels. Ces derniers pourraient trouver des principes encore valides dans les enseignements de nos Sages חז"ל impliquant la mise en oeuvre d'une énergie colossale au sein de la matière, la maintenant en permanence dans sa cohésion et sa "solidité" apparente. On retrouve la RE-création permanente du monde par Hachèm, telle qu'enseignée par nos maîtres חז"ל  [2 .

 

Le miracle de 'hanouka était-il nécessaire?

Mais, à ’hanouka, le miracle de la fiole d’huile pure était-il utile ? On peut se poser la question car il existe en effet un principe qui veut que, lorsque la majorité du peuple est impur, la pureté n’est plus requise pour la réalisation de certaines tâches du Temple. Or, après la guerre de libération contre les gréco-syriens, les Hachmonayim avaient directement combattu, et s’étaient souillés au contact de la mort. Comment, dans de telles conditions, ces Kohanim pourraient-ils effectuer le service du Temple ? Cela était impossible, puisque l’on sait que la halakah interdit aux Kohanim (sauf de très cas rares) d’entrer dans un cimetière, ou de s’approcher d’un cadavre.  Aussi, la halakha n’aurait nullement interdit que les Kohanim allument la ménora avec une huile ordinaire et en état d’impureté rituelle. Il leur aurait suffit de prendre le temps (les sept jours nécessaires) pour fabriquer de l’huile nouvelle, respectant les conditions nécessaires pour qu’elle soit rituellement pure. L’intervention d’Hachèm par le miracle de la fiole d’huile qui fournit l’huile nécessaire pour huit jours n’était pas indispensable. Pourquoi donc nous parle-t-on depuis notre enfance du grand miracle de l’huile pure survenu à ’Hanouka ? 

On peut aussi se demander si ce miracle était vraiment utile. Il est bien différent des autres miracles apparents : les plaies frappant l’Egypte ou le passage de la mer Rouge par exemple, qui se sont produits devant un très grand nombre de gens (toute la population de l’Egypte qui subirent les effets des plaies, ou tout le peuple Hébreu qui traversa la Mer). Avec le miracle de la fiole d’huile, on a affaire à un miracle apparent mais plutôt confidentiel : on peut s’interroger sur l’ampleur de sa publicité alors qu’il est apparu à l’intérieur du Temple, devant quelques Kohanim ! Certes, il a été rapporté, mais on conviendra que l’on est au degré minimal du miracle public.

En fait, ce miracle apparent était utile. Car le problème s’est posé aux Sages de savoir s’il fallait commémorer les événements de cette guerre de libération nationale dans le calendrier religieux. Car si toute victoire s’inscrit dans l’histoire et dans le calendrier des commémorations nationales, elle ne devient pas une fête religieuse à portée spirituelle.

Le miracle de la fiole d’huile apparaît donc nécessaire : il fallait indiquer que les victoires militaires des Hasmonéens n’étaient pas dues à la force des armes mais à une intervention divine : elles étaient miraculeuses, même si le miracle était caché (derrière les interprétations naturelles qu’il était possible de donner à ces victoires) [3]. On peut toujours en effet se demander si la victoire n’a pas été obtenue par la force des armes, par l’habileté d’un stratège mettant en œuvre une tactique supérieure à celle de l’ennemi. La victoire, dans ce contexte, ne peut directement être attribuée à Hachèm, même si rien ne se fait en ce monde sans qu’Hachèm ne le permette ou ne le favorise.

D’où ce miracle halakhiquement inutile, mais indispensable pour révéler la très haute dimension spirituelle de la fête de ’hanouka : une victoire sur la tentative d’assimilation du peuple juif à la culture environnante [4].

Car ces manœuvres d'absorption idéologique sont plus redoutables encore que les actions criminelles directes contre la survie physique du peuple juif [5].

 

 

"Ni par force, ni par puissance, mais par Mon Esprit"

Lisons une partie de l’un des versets de cette haftara : זֶ֚ה דְּבַר־יְהוָ֔ה אֶל־זְרֻבָּבֶ֖ל לֵאמֹ֑ר לֹ֤א בְחַ֨יִל֙ וְלֹ֣א בְכֹ֔חַ כִּ֣י אִם־בְּרוּחִ֔י אָמַ֖ר יְהוָ֥ה צְבָאֽוֹת׃ «  C’est ici la parole de Hachèm à Zéroubabel, disant : Ni par force, ni par puissance, mais par mon Esprit, dit Hachèm des armées » (Zakharia 4, 6).

Une interprétation historique est présentée par le R’ E. Munk זצ"ל : « De même que les olives mûrissent d’elles-mêmes… ainsi, l’édification du Temple ne sera pas l’œuvre des hommes, mais de l’esprit » dont l’Eternel animera le rois perses Korech et Artahshasta qui prodigueront tous les moyens politiques et matériels nécessaires à la construction [6].

 

Cette haftara va au-delà d'un simple parallèle entre le thème de la fête de 'hanouka (la restauration du deuxième Temple par les Makabim) et la construction du deuxième Temple suite au décret du roi Korech. Elle se projette vers le futur, évoquant la construction et l’inauguration, du troisième Temple.

 

En attendant, il est possible de résister, aujourd'hui encore, aux insidieuses tentatives d'anéantissement spirituel mises en oeuvre par les Greco-Syriens et leurs imitateurs, à travers toutes les époques historiques. Le meilleur moyen de prolonger la restauration spirituelle dûe aux Makabim, c'est d'étudier encore et toujours la Torah. Que Hachèm nous en facilite l'étude. Amen!

 


[1] Au début du 20e siècle (1914) la structure de l'atome a été identifiée comme composée d'un noyau positivement chargé entouré d'électrons. Suite aux recherches d'Albert Einstein notamment, les théories scientifiques actuelles considèrent que TOUS les objets ont à la fois une nature d'onde et de particule.

[2] Que le corps "fonctionne" sans même que l'on s'en rende compte est une autre catégorie de miracles cachés qu'on ne découvre hélas que lors d'un problème de santé,  ח"ש.

[3] « Notre tradition distingue habituellement entre deux sortes de miracles, le miracle apparent et le miracle caché… la fête de Pourim commémore un miracle caché » rappelle R’ J. Kohn (2009), « Un tison sauvé de flammes », téchouvot.com, 6 déc. Messages: 2422.

[4] Le miracle était utile aussi pour une autre raison : les Kohanim ont souhaité faire plus que ce que prescrivait la stricte application de la halakha ; une sorte d’embellissement de la mitsva comme on dirait aujourd’hui.

[5] La Shoah qui s’est produite pendant la Seconde Guerre mondiale est prolongée de nos jours, par une autre Shoah, insidieuse et massive celle de l’assimilation et des naissances perdues suites aux foyers mixtes créés par les jeunes hommes juifs. Ces évolutions interviennent dans le cadre des consciences individuelles et des choix de modes de vie dans le domaine privé régi par le libre arbitre: chacun devant librement choisir de rester ou non sur la voie de la halakha et de la tradition. On constate que ces choix ont des conséquences démographiques de la même importance quantitative que les pertes subies par le peuple juif pendant la Seconde guerre mondiale.

[6] Voir R’ Munk  זצ"ל  qui va au-delà de cette interprétation (Kol hatorah, sur Chémot 25, 31, p. 314). 

 

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