Les idoles de Lavane
Eli’ézer, serviteur d’Avraham, est chargé par le patriarche de trouver une épouse pour son fils Yits’hak dans sa famille[1].
Une fois arrivé à ‘Haran, Eli’ézer rencontra Rivka près d’un puits et comprit qu’elle était destinée au fils de son maître après qu’elle ait donné à boire et abreuvé ses chameaux. Il lui offrit des bijoux. Rivka alla chez elle et raconta ce qui s’était passé. En entendant son récit Lavane (Lavan), son frère, courut à la rencontre d’Eli’ézer.
Il l’accueillit en lui disant : « Viens, béni par le Seigneur » pui l’invita à entrer chez lui. Il demandaלָ֤מָּה תַֽעֲמֹד֙ בַּח֔וּץ וְאָֽנֹכִי֙ פִּנִּ֣יתִי הַבַּ֔יִת וּמָק֖וֹם לַגְּמַלִּֽים׃ « Pourquoi resterais-tu dehors alors que j ’ai débarrassé la maison ? » (Béréchit 24, 31). Cette question est expliquée par Rachi : « J’ai sorti de la maison les idoles qui s’y trouvaient »[2].
Mais cette explication n’est pas facile à comprendre. Plusieurs questions peuvent-être posée. Première question. Pourquoi cet idolâtre a-t-il éprouvé le besoin de supprimer de chez lui ses idoles ? En fait, grâce à sa proximité avec Abraham, une grande sainteté émanait d’Eli’ézer. Cela a été perceptible même par Lavan, et malgré son bas niveau spirituel. En rencontrant Eli’ézer, il l’appela « Béni par le Seigneur », et il comprit que cet homme n’accepteraît pas d’entrer dans une maison pleine d’idoles.
Autre question. Comment Lavane a-t-il pu trouver le temps de déménager ses idoles. Peut-être que la taille des idoles avec lesquelles sa famille pratiquait son culte de ‘avoda zara était grande. ? Peut-être étaient-elles loudes et donc difficiles à déplacer ? [3] Pour répondre à la deuxième question, il faut savoir que l’annulation des idoles n’impliquait pas leur déménagement. Lavan n’avait pas l’obligation de sortir les idoles de la maison. De plus, on l’a dit, il n’avait pas le temps matériel de le faire puisqu’il est sorti de chez lui immédiatement après que Rivka l’a informé de la venue d’un visiteur[4].
Pour comprendre cela, il faut savoir que nos Sages enseignent « si un idolâtre non-juif annule l’objet de son adoration, par exemple en l’ébréchant, cette idole perd son statut d’objet de culte païen prohibé »[5]. Il suffit même que l’idolâtre dise ou pense sincèrement « ‘Je lui casserai son oreille ou son nez, pour l’annuler’… En brisant une partie ; d’une idole, voire en pensant le faire, l’idolâtre fait déjà preuve de l’abandon de ce culte. » [6]
Lavan pouvait donc annuler toutes les idoles de sa maison par sa seule pensée et dire « J’ai débarrassé la maison des idoles qui s’y trouvaient ».
Apparemment, Eli’ézer avait la capacité spirituelle de savoir que sa venue avait favorablement influencé la famille de Lavane et les idoles de cette maison avaient perdu leur statut à ce moment. Il pouvait donc entrer pour menera à bien la mission confiée par son maître Avraham.
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NOTES
[1] Dracha inspire de Kountrass (2009), 501 drachoth. Compilation de commentaires sur le ‘Houmach et les ‘Haguim. Tome 1, Béréchith et Chémoth, Jérusalem, pages 68-69.
[2] Au nom du Midrach Beréchith Rabba. cit. Kountrass (2009), pages 68-69.
[3] Il existait en effet de grandes statues servant d’idoles : on se souvient qu’Avraham après avoir détruit les idoles de Téra’h avait placé son marteau dans les mains d’une grande idole.
[4] Dès que sa seur Rivka a fini de raconter ce qui lui était arrivé, Lavan est sorti vers ce visiteur. וּכְשָׁמְע֗וֹ אֶת־דִּבְרֵ֞י רִבְקָ֤ה אֲחֹתוֹ֙ לֵאמֹ֔ר כֹּֽה־דִבֶּ֥ר אֵלַ֖י הָאִ֑ישׁ וַיָּבֹא֙ אֶל־הָאִ֔ישׁ (Béréchit 24, 30).
[5] Choul’hane ‘Aroukh, Yoré Dé’a 146, cit. Kountrass (2009), pages 68-69.
[6] Kountrass (2009), pages 68-69.