Sous les missiles de Gaza. Témoignages -2019-2022
Pages choisies du Journal de Yaël
Par Yaël Bensimhoun, Ashkelon
Nous avons le plaisir de vous présenter ici quelques billets écrit par Yaël Bensimhoun. Licenciée ès lettres, elle enseigne le français en Israël où elle habite depuis plus de 20 ans.[1]
Nous avons sélectionné quelques textes sur les alertes aux missiles tirés de Gaza sur le Sud d’Israël. Rappelons que, périodiquement, des missiles frappent les villes et régions limitrophes de la bande de Gaza[2] depuis le désengagement unilatéral de 2005 et l’expulsion des résidents juifs. Et ce, sans que le pouvoir politique ne veuille mettre fin à cette menace récurrente.
Pendant la guerre de Gaza de 2008-2009, 1528 obus de mortier furent tirés contre Israël[3], jusqu’à ce que soit lancée l’opération Plomb durci (27 décembre 2008). Pendant toute l’année 2014, plus de 4000 roquettes et missiles[4] furent tirés contre Israël[5] (2879 en juillet). L’opération Barrière protectrice (dite Guerre de Gaza) a été lancée en réaction. Lors de la première semaine de mai 2019, 600 roquettes furent tirées contre Israël[6]. En mai 2021, plus de 4300 missiles ont été tirés de la bande de Gaza (12 morts israéliens). Une guerre de 11 jours y a mis fin (Opération "Gardien des murs"). Fin juillet 2022 et pendant les premiers jours du mois d'août, le Jihad islamique a lancé plus de 1000 roquettes en moins d’une semaine dont le plus grand nombre est tombé à la périphérie de la bande de Gaza, y compris Ashkelon, et jusqu’à Tel Aviv et Jérusalem. D'autres sont retombés sans passer la limite de la Bande de Gaza, tuant des enfants.
Comme en ses autres écrits publiés sur internet[7], les pages choisies présentées ci-après plaisent et informent. Elles relèvent à la fois de la littérature et du journalisme, du journal intime et du reportage. Elles font comprendre le vécu des "gens du Sud" qui, depuis des années, subissent une situation insupportable. Ces pages font aussi naître des émotions par un contenu admirablement servi par un style remarquable.
Avec beaucoup de vérité, Yaël Bensimhoun se décrit elle-même comme « l’amoureuse des phrases »[8]. Avec autant de vérité, un de ses lecteurs lui écrit : « Je vous lis avec délices. C’est drôle, parfois grave, parfois léger. Toujours juste et plein de vie »[9]. Espérons qu’elle trouvera bientôt le temps de donner naissance à l’œuvre qu’elle porte déjà au bout de ses doigts.
Nous vous invitons à prendre connaissances de ces pages d'histoire (Hillel Bakis).
10 août 2018 - Ben ça alors !
Stupéfaction ! Là, à l'instant, en découvrant qu'une des vitres de la balustrade de mon balcon a tout bonnement... disparu ! Des débris de verre jonchent le sol et je ne vois ni pierre ni projectile à l'intérieur susceptible d'avoir engendré ça. La seule explication possible que j'entrevois pour l'instant est la détonation provoquée par le missile lancé hier sur Ashkelon.
Si quelqu'un a une meilleure idée, je serais ravie de la connaître, d'autant que je croyais ce verre incassable ! Mes amis, ne vous appuyez plus jamais sur le rebord et faites attention aux petits qui peuvent passer à travers !
12 novembre 2018 - Merci pour tous vos mots[10]
Tout va bien pour moi et ma petite famille, mes amis. Merci pour tous vos mots angoisses et vos invitations. Ça fait chaud au cœur. Là, la fréquence c'est toutes les 5 minutes. On a un mamad à l'étage pour tous les locataires, même si la porte ne ferme plus. Les ambulances sont partout, les alarmes crient... C'est peut-être ça le plus dur à supporter, l'inquiétude qu'on se fait pour les autres... Pourvu que... les prières sont sur toutes les lèvres, les regards tournés vers le ciel et les sourires éclosent, comme pour conjurer le mauvais sort. Nous sommes un peuple exceptionnel. Que D. nous protège tous.
13 novembre 2018 - 6h52
Les alarmes se sont tues une bonne partie de la nuit à Ashkelon, et on a pu dormir d'un œil. Reprise néanmoins ce matin vers 6h. En moins de 10 secondes, le visage pourtant embrumé de sommeil, tout le monde, femmes, vieux et enfants, avaient rejoint l'abri ! Il semble qu'on soit surentraînés à présent !
Kipat barzel fait sacrément bien son boulot. J'adore entendre les boums qui suivent, quand les missiles ont été tirés. Ils font naître sur les lèvres de mes voisins, des sourires ravis et entendus...
Belle journée à tous ! Encore une. Je vous laisse... Et que leur haine s'abatte sur eux.
5 mai 2019 - Prudence[11]
Bien. Alors après avoir inquiété bon nombre de mes amis par mon silence depuis hier, et sachez que j'en suis désolée même si dans le fond, je suis toute fière et sacrement touchée de votre amitié démontrée, je tiens ici à encourager tous mes amis du Sud et à leur demander de redoubler de prudence.
A Ashkelon, les sirènes ne cessent plus. Les ambulances, hier dans la nuit, m'ont fait comprendre qu'un des missiles n’avait pas été intercepté et était tombé sur un immeuble... A 5 heures du matin, j'apprenais la mort d'un père de famille.
Les sirènes ont repris. Les ambulances aussi. Et pourtant, je vois plusieurs de mes voisins, qui n'accourent plus dans les abris et restent chez eux. Dans les rues, les gens sont affolés, crient, mais oublient de se coucher par terre et de se protéger.
S'il vous plaît, ne vous habituez pas au son des azakot [sir-nes sonnant l'alarme], réagissez et allez vous protéger !
Inversement, ne restez pas pétrifiés par la peur quand vous êtes surpris à l'extérieur. Courez vous abriter ou, si ce n'est pas possible, couchez- vous bon sang !
Que D. nous protège. Am Israël haï. Et courage à nous tous !
Un commentaire de Martine S..
Hier, ça a tapé comme jamais on n'a eu depuis qu'Ashdod est sur leur carte de la terreur ! J'étais sûre que quelque chose était tombé dans la maison 'has ve 'halila. Avec Jonathan, on était au demi-étage en dessous. On a essayé de rester zen pour calmer deux voisines très perturbées. Mais b'H ça va. Le problème reste les petits enfants qui ont eu très peur de tout ce vacarme.... J'espère que la reprise des écoles va les aider à mettre tout ça de côté b'H. Yom Tov ma mie
5 mai 2019 - Azakot ou les rencontres du troisième type
Dans le billet sélectionné ci-après, on lira une prose jubilatoire où , Yaël Bensimhoun rend avec brio un vécu personnel, mais aussi une tranche de l’histoire d’Israël : l’ambiance des quelques secondes qui suivent les alertes et l’état d’esprit de tous ceux qui ont dû subir ce stress avec patience et confiance. (HB)
Le cinquième étage, où j'habite, abrite quatre appartements. Des étudiants occupent le premier. L'université ayant fermé, ces jeunes gens sont partis rejoindre leurs familles dès que les premières sirènes ont retenti.
En face vit une famille russe : un couple et leurs trois filles. Le père, un géant blond de plus de deux mètres au corps athlétique, antipathique de prime abord, et peu loquace doit avoir la quarantaine. Sa femme, une "naine" d'un mètre cinquante, boulotte, les yeux bleus délavés dans un visage ingrat de vieille adolescente, est aussi peu agréable que son époux. Prendre l'ascenseur avec ces gens-là, malgré leur regard glacial, m'a longtemps filé des suées, même en plein hiver...
Que dire de l'aînée, 13 ans, 1m 80 déjà, qui cultive, digne fille, la double antipathie de ses parents.
Et puis... Et puis il y a ces deux gamines souriantes 3 et 6 ans. Deux petits cœurs qui ont dû se tromper de parents.
Évidemment, il y a un chien. Celui-là, il fait assurément un pied de nez à la logique. Car, quand on est si petit, théoriquement, on doit être silencieux et raser les murs. Que nenni ! Ce roquet tout poilu, ressemblant tellement aux pitchaks de mon enfance, qu'on a envie de shooter dedans, a dû être chanteur d'opéra dans une autre vie...
Mais il est temps à présent de vous présenter mes voisins directs de palier, dont je n'avais jusqu'à ce jour jamais entendu le son de la voix. Ceux-là sont relativement insignifiants malgré une volonté affichée du père de famille, 35 ans, de faire croire qu'il joue dans "Il était une fois l'Amérique". Rouleur de mécaniques, "crayko", un fanfaron dans toute sa splendeur, il empoigne par les épaules dans le couloir et à chaque fois que l'alarme retentit, sa jolie petite femme, jusqu'au mamad (chambre forte aux murs de béton). Mes yeux effarés rencontrent alors ceux désolés de la dulcinée. Puis gênées, elle et moi, nous détournons aussitôt le regard.
Leur fille, une future bombe israélienne de 14 ans, est toujours la première à rejoindre la chambre forte. Je ne plaisante pas, sitôt l'alarme déclenchée, la voici qui est déjà en lieu sûr. A croire qu'elle a un don de prophétie ou bien alors, elle fait le pied de grue devant la porte d'entrée. Possible aussi. A moins qu'elle soit Speedy Gonzalez réincarnée[12].
Cette nuit, tout ce petit monde s'est retrouvé coincé avec moi et le troisième des amours de ma vie, dans cette chambre forte. Un mamad ma foi très confortable, le géant blond ayant eu la bonne idée vendredi de rendre coquet cet endroit. Presque un salon... Oui, oui...
Entre deux salves, je l'ai félicité. Timidement, il a ébauché quelque chose qui ressemble à un sourire.
A la seconde alarme, il m'a offert de m'asseoir sur le siège le plus confortable. Les enfants ne pipaient pas mot. Speedy, la gracieuse prophétesse était terrorisée. Elle tremblait de tous ses membres chaque fois qu'un boum retentissait tandis que l'adolescente russe, imperturbable, haussait bien haut les épaules.
Mon fils 15 ans, futur Premier ministre d'Israël au moins, étourdissait la femme-glaçon de ses considérations politico-militaires. A la troisième alarme! ces deux-là étaient devenus les meilleurs amis du monde. Un glaçon devenu feu de joie dans un mamad durant la nuit, ça mérite qu'on s'intéresse de près à mon garçon quand même non?
Plus tard, l'athlète osa prendre sa douche. Interrompu par une nouvelle alarme, il n'eut le temps d'enfiler que le bas de son pyjama et tout naturellement, confia à nos regards, comme un secret, la ! qu'on ne distinguait pas sous sa chemise.
Nous avons donc passé la nuit dernière tous ensemble. A 3 h du matin, deux fillettes courageuses à moitié endormies poursuivaient leurs rêves sur des sièges d'appoint. Elles furent réveillées plusieurs fois. Ce fut la seule fois où j'eus envie de pleurer. Elles, elles me souriaient.
Au fil de la nuit et aujourd'hui plus encore, nos échanges se firent fraternels. Des blagues furent jetées, des oeillades, des compliments même. Ce mamad devenait assurément une maison.
Tout à l'heure lorsque l'alarme à nouveau a retenti, nous n'étions plus que deux familles. Mes beaux voisins quelconques, sans nous dire au revoir, étaient partis sous des cieux plus cléments. Cela nous a un peu attristés. Ils nous manquaient.
A peine sortis du mamad, voici que l'alarme nous y reconvoque aussitôt. Le départ de nos acolytes conjugué au toupet du 'Hamas, pour le coup, ça nous a contrariés
Personne n'avait plus envie de blaguer.
Et puis. Et puis le géant s'est levé, signalant par là qu'on pouvait rejoindre nos appartements. C'est trop tôt non ? Objecte-je... Oui répondirent en cœur le père et ses filles, mais nous, on a faim !
Et là, je ne sais pas exactement pourquoi, on s'est tous mis à rire
12 mai 2019 - Le Monsieur très bien[13]
Einstein donnait cette définition de la folie : La folie, disait-il, c'est de répéter toujours les mêmes choses et de s'attendre à un résultat différent.
En remettant mon cœur à sa place ce matin, aux aurores, parce que cet idiot d'organe avait sauté du lit avant mon corps, cette vérité m'a aussi traversé l'esprit. Puis j'ai oublié.
Mes voisins, en nuisette ou torses nus, chez lesquels je ne suis jamais allée, mais dont l'anatomie n'a pour moi plus de secrets, m'informaient dans un bâillement réjoui, qu'un chef du jihad islamiste avait rejoint les 70 vierges. Opération ciblée ! En voilà un qui aurait mieux fait de ne pas dormir cette nuit. Trop bons, les Israéliens ! On est des as.
Passées les congratulations et les blagues oiseuses et osées, nous avons rejoint nos pénates respectifs... pour évidemment nous retrouver quelques minutes plus tard.
Mais l'euphorie du premier rendez-vous était tombée. On s'est tous regardé tristement : on se savait condamnés à vivre ensemble cette journée inutile. On s'est revus 5 ou 6 fois ce matin, je ne sais plus. Presque indifférents à ce qui se passait autour de nous. C'est terrible l'habitude. Mais l'habitude de l'inacceptable, quand on y pense, c'est encore pire.
Et moi aujourd'hui, j'ai eu le temps de penser.
Comme un fait exprès, sur le coup de 17h, Radio Shalom me demande de témoigner, moi l'habitante d'Ashkelon.
Pourquoi pas après tout ? Ça me changera les idées...
Nous sommes deux sur les ondes. Un monsieur très bien qui affirme qu'il a confiance, qu'on ne peut rien faire de plus, surtout pas la guerre, parce que la guerre ma foi c'est sale. Ce monsieur très bien va chaque jour sur le terrain et réconforte les enfants du Sud, ceux qui tremblent de peur.
J'entends ses mots sans les comprendre : « Tout va bien aller, dit-il, mais on ne peut rien faire. On a les moyens de tout raser en deux jours, mais on ne peut quand même pas tuer des innocents... »
Pourtant, cher monsieur très bien, de tout temps, les guerres ont fait des morts. Mais vous avez raison, Israël a réussi un coup de maître : faire presque la guerre sans faire de morts dans le camp ennemi.
Quant à nous les gens du Sud, au bout de près de 15 ans d'allers et venues dans les abris, je crois, j'espère, qu'on est encore à peu près vivants. "
Pas le choix", a répété le monsieur très bien qui attend pourtant le changement.
Einstein avait raison. La folie nous guette. Vive les opérations ciblées, vive le dôme de fer, vive les abris, vive nous...
Quand l'humanisme remplace le bon sens et s'oppose à l'instinct de survie, quand on offre sur l'autel de l'humanisme, presque sans sourciller, les peurs de nos petits, quand on sacrifie la quiétude à laquelle l'enfance a naturellement droit, peut-on encore jouer les grands cœurs auprès du camp ennemi ?
J'ai horreur comme vous tous des mots que j'écris là. Mais il faut bien que ça s'arrête un jour .
Ce soir la sirène une fois de plus a retenti et c'est la première fois que je n'ai pas rejoint l'abri.
Pour une fois, ça m'a semblé moins fou que de courir avec une serviette autour des reins ...
Ps : A MES AMIS: pas d'inquiétude, promis, à la prochaine azaka, je recommence à être folle.
Un commentaie de C.R.
« Mon Dieu c'est un véritable plaisir que de vous lire... talentueuse, de l'intelligence, du bon sens, de la Grâce, de la bienveillance et du courage ...... une FEMME ! Félicitations et merci du fond du cœur ! »
5 avril 2021 - Les sirènes d’Ashdod
Dans son article intitulé « Ashdod, ma ville », Yaël Bensimhoun revient sur les alertes[14].
Cette dernière année notamment a été un peu particulière : Les gens d’Ashdod ont accédé à la notoriété ! Si si de vraies vedettes (mais uniquement nationales hein… faut tout de même pas rêver…).
C’est vrai, on a parlé de nous dans les journaux, à la télé, à la Ména… Nous n’avions rien fait pour cela évidemment, mais dans les 40 kms du pourtour de Gaza, on n’a pas eu le choix.
Maudite sonnerie. Trente secondes pour se planquer dans les cages d’escaliers au beau milieu de la nuit dans le meilleur des cas, (ou, dans les moins bons, à moitié nus et dégoulinant de savon et de shampoing devant les voisins auxquels on adresse un sourire gêné). Trente secondes pour choisir l’emplacement le mieux adapté et se coucher sur le ventre dans la rue (comme pour se faire bronzer, sauf que là, on garde le manteau et on se terre entre deux voitures) ; trente secondes pour cavaler sur des talons-aiguilles, d’un arrêt de bus à l’immeuble le plus proche (souvent d’ailleurs, il ne reste plus qu’un seul des deux talons-aiguilles à l’arrivée) ; trente secondes pour accepter d’abandonner sur la table le steak-frites à peine entamé qui nous a tant fait saliver (ça, ça fait mal)… Trente secondes, enfin, que l’on n’a pas le droit de perdre quand on ne veut pas perdre la tête, pour saisir bébés et enfants endormis et se ruer dans les miklatim, les abris.
J’ai vu des gens littéralement tétanisés quand le cri strident de la sirène retentissait soudain, des vieillards résignés, attendant craintivement le bruit de l’impact des roquettes, des femmes enceintes, fort pâles, les deux mains croisées sur leur ventre dans un réflexe dérisoire de protection.
J’ai entendu des enfants rire en pleurant dans les bras rassurants de leur père tandis que des chiens tremblants comme des humains, accompagnaient les sirènes de leurs hurlements. Mais ce que j’ai vu et ressenti surtout, c’est cette entraide, amitié, et complicité qui nous ont tous unis dans ces moments difficiles. « Le ciel est par-dessus le toit, si bleu, si calme… » chantait Verlaine en regardant à travers les barreaux de sa cellule. De ma fenêtre, je vois la mer. Elle est si calme elle aussi aujourd’hui.
11 mai 2021 - Amis du Sud
En mai 2021, la guerre a duré onze jours.
Je sais que certains d'entre vous ne rejoignent pas les abris au moment où les alarmes sonnent, par lassitude, j'imagine. Ça ne s'arrête pas de tomber sur Ashkelon. Les éclats dans mon parking et en dessous mon balcon prouvent que les abris sont plus que nécessaires et qu'il faut être sérieux avec les consignes de sécurité. Je vous en supplie, rejoignez les abris!
Des milliards de bisous aux enfants et aux personnes âgées. Bon courage à tous. Et que D. Veille sur nous
11 mai 2021 - La roulette russe
Si les civils de n'importe quel pays étaient menacés, la décision serait rapidement prise d'éliminer radicalement l'origine de la menace. Mais pas en Israël. En Israël, des milliers de missiles s'abattent sur nous depuis des années et on invente kipat Barzel. Kipat Barzel, ce petit engin béni de D.ieu, qui éclate avec fracas dans les airs les missiles avant qu'ils ne tombent sur nos maisons.
Parfois, rarement, un missile échappe à son attention et alors le boum qui s'ensuit est plus étouffé. Nos respirations s'arrêtent en même temps que se croisent les regards angoissés dans les abris. Heureusement, les cris des ambulances nous rappellent de reprendre notre souffle. On se précipite alors sur les téléphones pour rassurer les nôtres, pour apprendre où c'est tombé. Et puis on rentre chez nous pour quelques minutes. Le temps de se faire un café, de se rafraîchir le visage jusqu'a ce ce qu'une nouvelle alarme nous ramène à l'abri.
Oui, kipat Barzel fait son taf. En général. Pas toujours. C'est un peu comme la roulette russe finalement, le jeu est potentiellement mortel même s'il est vrai que la capacité de notre barillet est plus importante que celle d'un flingue. Comme me l'a dit une gentille connaissance Facebook du fin fond des Vosges, on a beaucoup de chance, on ne risque presque rien, alors pas la peine d'en faire un fromage.
C'est d'ailleurs cette conviction qui permet aux civils du Sud de garder le sourire, de faire de l'humour et d'accepter de ne pas toujours être assurés de ne pas y rester...
On accepte de courir, on accepte de ne pas dormir. On accepte de vivre enfermés dans un réduit, de s'allonger dans les escaliers. Le danger de mort est minime, on vous dit ! Alors, pourquoi le gouvernement devrait- il prendre des mesures draconiennes, hein ? Non, nous on fait des opérations ciblées, histoire de rester humains.
De mon balcon, je vois des gens abandonner leurs voitures au milieu de la route. Ils courent à la recherche de l'abri le plus proche. Ils ont 15 secondes exactement pour être intelligents et faire coordonner le cerveau et les jambes.
15 secondes, c'est une éternité quand la tête refuse de fonctionner.
J'écris tout ceci du mamad de mon étage. Pour l'heure, ça ne sert à rien de rentrer à la maison. Les alarmes sont trop nombreuses. Grâce à kipat Barzel!
Bien sûr, on ne compte pas les admissions à l'hôpital des vieilles gens en état de choc, le regard apeuré des enfants, les cauchemars des plus petits... Oui, le gouvernement israélien est humain. Un mort à Ashkelon vient de dire la radio. Oui, bah lui, il n'a pas eu de bol à la roulette russe. D'ailleurs, le second mort non plus...
19 mai 2021 - Ma tasse de thé[15]
C'est la troisième tasse de thé aujourd’hui que je me prépare et que je dois abandonner pour foncer aux abris. Et la troisième fois que j'oublie de la récupérer à mon retour!
Ainsi donc, les gredins d'en face m'auront... sucré... mon early morning tea, mon english breakfast et mon five o'clock tea. En vue de mon High tea, je songe sérieusement faire appel à la garde royale. Si, si.
21 mai 2021
L'echo des boums
Il ne suffirait que de quelques heures à Israël pour raser Gaza. Bien sûr, nous ne le ferons jamais. Nous le savons et les terroristes aussi le savent...
C'est ce qui leur permet de lancer régulièrement leurs bombes contre la population civile israélienne.
Ils savent que nous riposterons pendant un moment, que des infrastructures seulement bâties pour tuer seront détruites par Israël. Que leur importe, ils les reconstruiront avec le pognon des pays occidentaux bien pensants, argent soi-disant destiné à la reconstruction de Gaza et au bien être de sa population.
Pourquoi donc le Hamas s'acharne-t-il à tirer des missiles puisque cela est inutile et qu'on compte plus de morts côté palestinien que côté israélien ? Pourquoi ce matin, crient-ils victoire en enterrant leurs morts ? Sont-ils stupides à ce point ? Je lis des posts ironiques sur les murs de mes amis. Vous vous exclamez, et faites de l'humour à les voir se réjouir d’avoir gagné cette guerre.
Et bien, pour tout vous dire, je suis assez d'accord avec le Hamas. Car nous ne parlons pas de la même guerre.
Quand nous pleurons un seul de nos morts, eux se réjouissent d'avoir sacrifié à leur cause le plus grand nombre des leurs.
Leur combat, c'est sur le sol étranger qu'ils le font. Leur champ de bataille, ce sont les écrans de télévision, les manifestations, les réseaux sociaux... leur combat se renforce au creux des émotions, d'âmes sensibles et ignorantes, ou au sein d'unions ténébreuses et antisemitosionistes. Il gagne chaque fois du terrain et l'argent qui leur est versé ensuite vient, comme un prix, célébrer leur victoire.
Alors oui, ils ont gagné. Ils gagnent toujours. Nous ne pouvons que regretter, grâce à D.ieu, nos peu de morts, garder dans nos mémoires les traits de Ido que ses parents pleureront jusqu'à leur dernier souffle, le sourire d'Omer et des autres disparus, panser les terreurs de nos enfants qui oublieront, un peu... et tenter de reprendre le cours normal de notre vie, sans cesse interrompu. Puis vivre jusqu'à la prochaine fois, jusqu'à leur prochaine victoire.
J'ai souhaité, comme la plupart des Israéliens, qu'on aille jusqu'au bout cette fois. Mais au bout de quoi ?
Avait-on le choix ? La guerre est faussée à la base. Peut-on reprocher à notre gouvernement cette décision ? Ce sont nos dirigeants qui ont les cartes en main et on doit croire qu'ils ont fait pour le mieux. A nous, il reste le constat amer d'une situation inextricable.
Shabbat shalom à tous. Et que nous reprenions rapidement le cours de notre existence.
27 juillet 2022 - Course vers l’abris (15 secondes) entre deux quintes de toux
Plus de 1000 missiles et roquettes ont été lancés depuis la Bande de Gaza vers Israël, en quelques jours[16]. La plupart ont passé la frontière causant des dommages matériels. Environ 200 n’ont pas franchi la limites de la Bande de Gaza en tuant des enfants palestiniens.
Résultat du test corona : positif. Guerre en cours : 15 secondes pour rejoindre les abris. Entre deux quintes de toux, je devrais y arriver. Si, si... j'adore les challenges ... Shabbat shalom mes amis et que D.ieu protège nos soldats et notre peuple.
© Yael Bensimhoun et/ou Hotsaat Bakish, 2022
Mise en ligne : 16 août 2022.
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NOTES
[1] “C’est là qu’elle conjugue l’amour de sa langue d’origine et celui du pays auquel elle a toujours senti appartenir” lit-on dans Tribune juive au sujet de Yaël Bensimhoun. https://www.tribunejuive.info/2020/04/27/, Yaël-bensimhoun-rendez-vous/ le 27 avril 2020.
[2] en.wikipedia.org/wiki/Lists_of_Palestinian_rocket_attacks_on_Israel.
[3] https://www.terrorism-info.org.il/Data/pdf/PDF_19045_3.pdf .
[4] Un missile est propulsé sur toute sa course. Une roquette est propulsée en phase initiale et termine son vol à la manière d’un obus.
[5] en.wikipedia.org/wiki/List_of_Palestinian_rocket_attacks_on_Israel_in_2014.
[6] en.wikipedia.org/wiki/List_of_Palestinian_rocket_attacks_on_Israel_in_2019.
[7] Voir https://www.facebook.com/, Yaël.bensimhoun.
[8]Yaël Bensimhoun (2022), “Eythan”, 22 mai, https://www.tribunejuive.info/2022/05/31/, Yaël-bensimhoun-eythan-qui-jongle-entre-lhebreu-et-le-francais-instants-de-vie/
[9] Message de Denise D. suite à un texte de , Yaël Bensimhoun posté le 18 octobre 2019.
[10] Titre de l’éditeur.
[11] Titre de l’éditeur.
[12] Souris de dessin animé dite “la souris la plus rapide de tout le Mexique”.
[13] Titre de l’éditeur.
[14] https://dafina.net/gazette/article/ashdod-ma-ville-par-ya%C3%ABl-bensimhoun.
[15] Titre de l’éditeur.
[16] Voir: fr.timesofisrael.com, 7 août 2022.