« Le roi du silence »

Sur la parachat Kora'h. "Le roi du silence"

par R' Eliyahou Bakish

La paracha relate la révolte de Kora’h contre ses cousins Moché et Aharon. Érudit en Torah et immensément riche, il en tira de l’orgueil. Hélas ! « Une richesse gardée par son maître pour son malheur » (Kohelet 5, 12 ; Pessahim 119a).

Son épouse, sœur des querelleurs notoires Datan et Aviram, le poussa à la dispute (Rav Chabazi, ‘Hemdat yamim). Il convoita même le poste de Cohen gadol, attribué à Aharon ! Le premier des Téhilim, enjoignant à ne pas côtoyer les railleurs, fait référence à Kora’h. Orateur hors pair, il dilapida sa dernière nuit sur terre en moqueries. Il présenta le cruel destin d’une veuve croulant sous le poids de taxes exigées par Moché : dîmes aux Cohen et Lévi, don au Cohen du premier né, de la première tonte et de certaines parties de la bête après l’abattage. Elle finit ruinée. Propagande déplacée, car Moché n’inventait rien : il n’était pas législateur, mais transmetteur de la loi divine.

Même un malade a une mission et du mérite : faire méditer sur leur fragilité ceux qui le visitent. Moché réclama une peine empêchant Kora’h d’acquérir ce mérite, réservé à ceux qui acceptent leur condition de vie en silence (keli yakar). Il sera englouti par la terre qui « ouvrit sa bouche », punissant ainsi la mauvaise langue. Ses alliés, notables de la tribu de Réouven, périront consumés de l’intérieur par un feu céleste.

Et que fit Aharon pour défendre sa place ? il ne dit mot, connaissant déjà la grandeur du silence. À la mort de ses fils, il avait accepté le jugement céleste en silence. D.ieu l’avait récompensé par un dévoilement prophétique : « D.ieu parla à Aharon pour dire » (Vayikra 10, 8). Savoir se taire c’est aiguiser son aptitude à entendre.

Le choix d’Aharon comme Cohen gadol fut confirmé par les prémices qui ornèrent son bâton, et non ceux des princes des tribus. Fine allusion au pouvoir du silence : le végétal, silencieux par nature, fournit au monde sa subsistance.

Mais ne nous y trompons pas ! Aharon s’exprime lorsqu’il le faut : face à l’ange de la mort, il débat afin de sauver le peuple d’une épidémie (Rachi 17, 13).

Tout Israël est saint et doit s’efforcer de l’être. L’ambition pure, sans jalousie, cupidité, ni soif de pouvoir, est une vertu louable. Mais seul Hachèm distingue la position de chacun. « Par ton nom tu seras appelé, à ta place [tu seras] installé, et ce qui te reviens te sera octroyé » (Yoma 38b).

 

(c) Eliyahou Bakish, juin 2024. Texte publié dans Actualité juive (juillet 2024).