Avec l’aide de D.
L’alphabet fragmenté à sa plus simple expression
Par Shmouel Darmon
Nos maîtres enseignent qu’il est possible de couper, pour en faire apparaître des points (youd) et des lignes (vav), ce que l’on appelle « l’alphabet ‘nitoua’h’ (découpage) », ce qui a donné lieu à des commentaires inédits[1].
Franchissons un pas de plus dans l’exploration des 22 lettres. Il s’agit de prendre conscience du fait suivant : avant même que les lettres ne se structurent en lignes continues, leur graphie résulte de l’assemblage d’un certain nombre de points (youd). Ainsi, nos maîtres (en particulier Rabbi Moché David Walli dans le Sefer haLikoutim, tome 1, page 188) nomment « l’alphabet ‘pérour’ » cette nouvelle dimension des 22 lettres.
Le mot ‘pérour’ signifie réduire en miettes, ce qui sous-entend la réduction de la lettre à son caractère le plus simple : un assemblage de plusieurs Youd. Il est alors possible de dresser
un tableau synthétique dans lequel chaque lettre de l’alphabet se voit attribuer un nombre précis de Youd [de points].
Aleph : 5
Beit : 9
Guimel : 3
Dalet : 6
Hé : 9
Vav : 3
Zain : 3
‘Heit : 9
Teit : 12
Youd : 1
Caf : 9
Lamed : 12
Mem : 12
Noun : 4
Samekh : 12
‘Aïn : 9
Pé : 9
Tsadé : 9
Kouf : 12
Rech : 6
Chin : 9
Tav : 9
Ce qui donne un total de 172 Youd.
Hidouch 1 :
L’expression en hébreu « 172 Youd » constitue une autre lecture du mot Ya’akov. En effet, 172 Youd s’épelle « Kouf Aïn Beit Youd », ce qui correspond exactement aux lettres du prénom Ya’akov, soit « Youd ‘Aïn Kouf Beit ». Notre Patriarche possède deux noms : Ya’akov et Israël. Si Ya’akov est en rapport avec le monde des points (172 Youd/ 172 points), Israël est relatif au monde des lignes, car Israël signifie « Yachar – E.l », droit (avec) D., et le mot « yachar » (droit) renvoie à la notion de ligne. Nous déduisons donc que Ya’akov est connecté à l’alphabet ‘pérour’, tandis qu’Israël est en relation avec l’alphabet ‘nitoua’h’, dans lequel on fait apparaître des lignes.
Hidouch 2 :
La lettre Mem sofit a la forme d’un carré. Elle n’est pas sans rappeler le boîtier des Téfilines qui est lui aussi carré. Dans l’alphabet ‘pérour’, la lettre Mem sofit est composée de 12 points/Youd. Il existe une Halakha qui remonte à Moché au Sinaï, selon laquelle le boîtier des Téfilines doit posséder 12 points de couture. Il y a là un lien à établir avec les 12 points de la lettre Mem sofit.
Hidouch 3 :
Au début de la paracha Vayétsé, Ya’akov s’apprête à passer la nuit dans un lieu appelé Beit El. La Torah signale qu’il place une pierre sous sa tête. Rachi explique que le Patriarche cherche ainsi à se protéger des bêtes sauvages. Cette remarque semble a priori étonnante : on se serait attendu à ce que Ya’akov s’entoure d’une muraille, faite d’un assemblage de pierres, tout autour de lui, ce qui aurait constitué une protection bien plus efficace ! Nos maîtres nous disent qu’il s’agissait en fait de 12 pierres qui se sont ensuite unies pour n’en former qu’une seule. Dans le Tikouné Zohar, il est dit que la lettre Youd est appelée une pierre. En se basant sur ce constat, la lettre Mem sofit est donc composée de 12 Youd/points/pierres. Dans l’alphabet ‘pérour’, le Mem sofit apparaît comme séparé, puisque sa forme résulte de l’assemblage de 12 points. En revanche, la forme du Mem sofit est constituée de traits continus, ce qui confère à la lettre une unité d’un point de vue graphique. De même, les 12 pierres de Ya’akov fusionnent pour ne former qu’une pierre unique, à l’instar du Mem sofit, carré, qui rappelle une enceinte de protection qui entoure le Patriarche de toute part.
Hidouch 4
En explorant le début de la paracha Vayétsé, des allusions en rapport avec la récitation du Chéma du soir apparaissent en se servant de cette nouvelle grille de lecture.
Le verset indique : « vayasem méraachotav vayichkav bamakom hahou » (Il plaça [la pierre] sous sa tête et il se coucha dans ce lieu).
Vayasem : Vav (6) Youd (1) Chin (9) Mem sofit (12) : en faisant le compte des Youd qui interviennent dans ces quatre lettres, on obtient un total de 25 Youd, ce qui n’est pas sans rappeler les 25 lettres qui composent la phrase du Chéma : « Chéma Israël Hachem Elokénou Hachem E’had ». Méraachotav : Mem (12) Rech (6) Aleph (5) Chin (9) Tav (9) Youd (1) Vav (3) : on obtient 45 Youd. Remarquons que la lettre Mem (12) et la lettre Youd (1) conduisent à 13 Youd. Le nombre 13 renvoie au mot E’had. Ce mot, épelé Aleph ‘Heit Dalet, rappelle une union (Aleph/un) de douze (‘Heit 8 Dalet 4) éléments, ce qui constitue une allusion aux douze pierres qui se sont unies pour n’en former qu’une seule. En isolant ainsi les lettres Mem et Youd du mot « méraachotav », nous constatons que les lettres restantes (Rech Aleph Chin Tav Vav) totalisent 32 Youd. Le nombre 32 correspond à la valeur
numérique du mot « lev », le cœur. Ainsi, « méraachotav » correspond à 45 Youd, soit la somme de 32 et 13, ce qui renvoie à l’expression « lev [32] é’had [13] », un seul cœur. Il s’agit là de toute l’intention à avoir lorsque l’on récite le Chéma du soir : avoir un cœur uni dans la foi en D. On rappellera ici avec intérêt que d’après nos sages, c’est le Patriarche Ya’akov qui a instauré la prière du soir et c’est également lui qui est mis en scène dans un dialogue avec ses enfants qui répondent à ses doutes : « Ecoute Israël ! [Ya’akov s’appelle aussi Israël], Hachem est notre D., Hachem est Un ! ». Cette explication ouvre la porte sur le mot suivant : Vayichkav : d’après nos maîtres, il faut lire « véyech kaf beit », « et il y a 22 [lettres] ». D’après cette explication, il convient donc de séparer ce mot en deux parties : « vayich » et « kav ». Vayich : Vav (3) Youd (1) Chin (9) : on obtient 13, comme la valeur numérique du mot E’had. La syllabe « kav » a une valeur numérique égale à 22. Or, lorsque nous déterminons le nombre de Youd du Nom divin Tétragramme, nous obtenons ce qui suit :
Youd : 1
Ké : 9
Vav : 3
Ké : 9
Ainsi, les quatre lettres totalisent 22, ce qui renvoie à la syllabe « kav » du mot « vayichkav ». En y associant la première partie du mot « vayichkav », nous aboutissons à ce qui suit :
Vayich : 13 – E’had.
Kav : 22 – Tétragramme.
On déduit donc que « Vayichkav » correspond à « Hachem E’had », D. est Un. Ce sont les derniers mots de la phrase du Chéma.
De plus, l’expression « vayichkav bamakom hahou » (il se coucha dans ce lieu) s’éclaire d’une nouvelle dimension. En effet, le mot « vayichkav » est alors lu « véyech Hachem », « et il y a Hachem » [puisque la syllabe « kav », de valeur numérique 22, renvoie aux 22 Youd du Tétragramme] dans ce lieu !
Baroukh Hachem léolam amen véamen !
© Hotsaat Bakish et/ou Shmouel Darmon
Institut Rabbi Yesha’ya Bakish zts’’l
Kiryat Ata, Israël
Mise en ligne : le 24 janvier 2025.
[1] Voir Hillel Bakis, avec la participation de Shmouel Darmon (2025), Une dimension méconnue de l’infini de la Torah : les lettres hébraïques et leurs ko’hot, Hotsaat Bakish.