Choisir le penchant au bien…

 בס״ד

Choisir le penchant au bien… Sur la paracha de ekev

par Shmouel Darmon

Dracha en l’honneur du ‘hatan bar mitsva, qu'Hachem lui assure la vie et la protection, amen.

17 aout 2022

 

Si l'on observe l'ensemble des controverses entre Hillel et Chamaï, on remarque que l'école de Hillel se distingue par une approche moins stricte de la Halakha. Hillel hazaken déclare dans les Pirké avot : « Soyez des disciples d'Aharon ! Aimez la paix, poursuivez-la, aimez les créatures et rapprochez-les de la Torah ». On en déduit que Hillel est associé à la mida de Hessed. A l'origine de cette bonté, se trouve Avraham avinou, alav hachalom.

La paracha de la semaine, ekev, fait elle-même référence à Avraham. Nos sages déclarent qu'Avraham connut son Créateur à l'âge de 3 ans. Il vécut 175 ans, et la valeur numérique du mot « ekev » est 172. Il y a un lien à établir entre le premier verset de la paracha et le verset de la paracha Toldot (Gen. 26,5) : « ekev acher chama Avraham békoli ».

Le mot ekev est lu ‘aïn-kev. La lettre ‘aïn signifie une source d'eau, alors que les lettres kouf et beit renvoient à la émouna, car ces deux lettres ont la même valeur numérique que ce mot, soit 102. Ainsi, ekev est la source de la foi, de même qu'Avraham instilla la émouna à Yits'hak et à ses descendants.

Rachi explique que le mot ekev fait allusion aux mitsvot qui semblent mineures à nos yeux. Ces mitsvot que l'homme a l'habitude de fouler aux pieds, font allusion à la lettre Youd, la plus petite des lettres de l'alphabet. Pourtant, sans cette lettre, le sofer ne pourrait pas façonner la forme de toutes les autres lettres... Ceci est en rapport avec le verset : « Even maassou habonim, hayta léroch pina ». La pierre (c'est-à-dire la lettre Youd, les lettres étant appelées « pierres » dans le Sefer Yetsira, et la lettre Youd est effectivement qualifiée de « pierre » par les Tikouné Zohar) a été dédaignée par les constructeurs : il s'agit des enfants d'Israël qui construisent le monde par leur service divin. Cette pierre, ce petit Youd insignifiant, est pourtant destiné à devenir la pierre angulaire, qui fait tenir tout l'édifice... Ainsi, Rachi nous montre, dès le départ, qu'il manque quelque chose : il évoque des mitsvot foulées au talon (ekev). Dans ce cas, le Youd disparaît du nom Yaakov. Yaakov devient alors ekev, un talon. Or, étant donné que le talon est considéré comme une partie grossière du corps, puisqu'il est presque en contact avec le sol, le juif se trouve alors aux prises avec la matérialité. Si le Youd représente aussi la Sagesse, cela signifie que le juif perd aussi sa sagesse. Dans ce cas, il ne lui reste plus que la foi ; plus exactement, la source de la foi, ekev. Il lui faut donc partir à la recherche de ce Youd, pour retrouver l'éclat de Yaakov. C'est le secret de la bar mitsva.

En effet, sa célébration se fait à 13 ans. Le nombre 13 est 10 et 3. Le chiffre 3 est Guimel, ce qui est lié au fait de donner (gomel). Le nombre 10 renvoie au Youd. Ainsi, 13 signifie « donner le Youd ». Avant la bar mitsva, le juif est en quelque sorte un « talon » : il est encore très proche de la matérialité, et il lui faut prendre son envol dans la spiritualité. Toutefois, le talon marque le début de la stature d'un homme : c'est en quelque sorte le point de départ, la source de la foi (Ekev) sans laquelle aucune construction digne de ce nom n'est possible. Sur la base de la émouna, il est possible d'y ajouter la Sagesse (Youd), celle de la Torah, pour transformer le talon (Ekev) en Yaakov, l'homme de Torah.

Il s'agit là du même cheminement qu'Avraham. Il est dit à son sujet dans le livre d'Ezéquiel : E'had haya Avraham. Avraham était unique (E'had). Or, le mot E'had a une valeur numérique de 13. Il renvoie d'abord à la foi, puisqu'Avraham était avant tout l'homme de la foi et il marque le commencement et le début de la spiritualité authentique. Le Midrach enseigne que c'est par le mérite d'Avraham que la mer s'est ouverte. Il est dit que les eaux se sont fendues. Au sujet d'Avraham, il est dit qu'il a fendu le bois servant à l'holocauste. « Fendre » se dit « beit kouf ‘aïn» : on retrouve le mot « Ekev », mais à l'envers.

Avant 13 ans, l'enfant possède un yetser hara, mais aussi un yetser hatov. Or, ces deux penchants sont si proches l'un de l'autre qu'il n'y a pas de réelle confrontation. Il y a ainsi deux Youd, deux penchants, qui ne sont pas vraiment séparés. En revanche, c'est à 13 ans, qu'une séparation (béka-diviser) est créée entre les deux penchants : il y a maintenant une lutte incessante entre ces deux tendances de la personnalité. Ces deux tendances s'inscrivent en allusion dans la forme de la lettre Aleph : le Youd supérieur fait référence au bon penchant qui élève l'âme de l'homme, tandis que le Youd inférieur rappelle que le mauvais penchant a pour principal objectif de rabaisser l'âme de l'homme, jusqu'au sol... Quant au mot Ekev/Beka (la fente qui sépare les deux Youd), il fait référence à la lettre Vav qui est au centre du Aleph.

C'est là qu'intervient le choix : en effet, le Vav est situé exactement entre deux Youd ; l'un supérieur (bon penchant), et l'autre inférieur (mauvais penchant). Soit l'homme - talon Ekev - se saisit du Youd supérieur, et le mettant à sa tête, devient Yaakov, l'homme de foi et de Torah. Soit il se saisit du Youd inférieur, et le mettant à son extrémité, devient Ikvi, c'est-à-dire l'homme enfermé dans un cercle logique, où tout n'est qu'une succession de causes et d'effets. Il s'agit du monde de la Nature, où la foi semble n'avoir pas sa place.

Avraham dut sortir de sa propre logique (Ikvi) pour pouvoir avoir le mérite d'engendrer Yaakov. Il fallait passer par l'étape intermédiaire d'Yits'hak, qui correspond à Béka, la fissure, car il a fallu, à son niveau, effectuer un tri entre Yaakov (Youd supérieur/bon penchant) et Essav (Youd inférieur/mauvais penchant).

Pour résumer :

l'homme avant la bar mitsva, est assimilé à Avram (sans le Hé) et à Ikvi (Hachem a dit à Avram de sortir des cycles astrologiques, car si Avram ne peut enfanter, Avraham pourra donner la vie). Tout cela correspond au Youd inférieur.

La bar mitsva correspond à Ekev-béka, l'aspect du Vav de séparation : le Youd inférieur qui prenait jusqu'alors toute la place, laisse deviner l'existence d'un petit Youd, qui était négligé jusque-là : il s'agit du bon penchant, le Youd supérieur.

Après la bar mitsva, quand le jeune homme grandit dans la Torah et la crainte du Ciel, il s'attache alors au Youd supérieur : de ce combat (béka-fissure) qu'il mène contre le mauvais penchant, il devient alors Yaakov, en mettant le Youd à sa tête, parce que tout son esprit s'oriente vers le service du Créateur.

Que le bar mitsva se renforce constamment dans l'étude et la pratique des mitsvot, et qu'il n'oublie pas que les deux Youd représentent aussi deux juifs[1] : à chaque fois que deux juifs (deux Youd) sont unis, dans l'amitié, un espace est créé entre eux, susceptible d'accueillir en son sein la Présence divine.

Grand Mazal tov à toute la famille !

 

© Hotsaat Bakish et/ou Shmouel Darmon, Jérusalem. 17 août 2022.

 

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NOTE

[1] Enseignement de Mr Avraham Zagdoun Haïm.