Les animaux consommables
וַיְדַבֵּ֧ר יְיָ אֶל־מֹשֶׁ֥ה וְאֶֽל־אַהֲרֹ֖ן לֵאמֹ֥ר אֲלֵהֶֽם׃ דַּבְּר֛וּ אֶל־בְּנֵ֥י יִשְׂרָאֵ֖ל לֵאמֹ֑ר זֹ֤את הַֽחַיָּה֙ אֲשֶׁ֣ר תֹּֽאכְל֔וּ מִכָּל־הַבְּהֵמָ֖ה אֲשֶׁ֥ר עַל־הָאָֽרֶץ׃
« Et Hachèm parla à Moché et à Aaron, pour leur dire: ‹ Voici l’animal que vous mangerez, parmi toute bête qui est sur la terre…» (Vayikra 11, 1-2) [1].
Dans la paracha Chémini se trouvent les commandements à l’origine de nombreuses lois de cacheroute. D’après la tradition les choix alimentaires des Juifs ne relèvent pas d’une quelconque préférence gustative ou bien d’habitudes liées à des conditions d’hygiène prévalant à l’époque de leur promulgation. Comme l’enseigne R’ Bruno Fiszon, Docteur en médecine vétérinaire, « la consommation de nourriture relie l’homme à son milieu et lui donne un sens. Le type de relation avec les aliments traduit sa place et son rapport dans l’univers. Le règne végétarien n’a pas permis l’élévation de l’homme, il faut donc une nouvelle pédagogie : l’alimentation carnée. L’homme, en consommant les êtres inférieurs, les intègre et élève l’ensemble de la création vers sa source céleste. »[2].
Parmi les aliments interdits par la Torah, certains peuvent être savoureux et dénués de tout danger pour l’homme (comme en témoignent aussi bien ceux qui en mangent que les vétérinaires): cela n'est pas un argument contre la Torah car le commandement ne dit rien sur la qualité de ces aliments. Ils sont juste interdits. Inutile de s’exclamer « C’est dégoûtant ! » ou « Comment peut-on avoir envie de manger de cela ! », inutile aussi de tenter de justifier ces interdictions par de pseudo raisons médicales ou hygiéniques : l’ordre divin est de la catégorie du ‘Hok, du décret que l’intelligence humaine ne peut comprendre complètement[3].
La cause à ces interdictions tient aux interférences préjudiciables entre le corps et l’âme, causées par les aliments interdits[4]. L’interdiction de consommer du sang vient de là, car : « dam néfech », « le sang c’est l’âme ». L’absorption d’aliments interdits peut dégrader le corps humain devenu impropre aux fonctions spirituelles. Comme il est enseigné dans l’école de R’ Yichma’el : une faute obstrue le cœur de l’homme, comme il est écrit וְלֹ֤א תִֽטַּמְּאוּ֙ בָּהֶ֔ם וְנִטְמֵתֶ֖ם בָּֽם׃ « ne vous souillez point par elles, vous vous souilleriez par elle » (Vayikra 11, 43). Il ne faut pas lire « vous vous souilleriez par elles » (car il manque la lettre aleph dans וְנִטְמֵתֶ֖ם) mais « vous vous boucheriez le cœur » en relation avec la racine timtoum, « être bouché » (TB Yoma, 39a) [5]. La tradition affirme que ‘immonde’ désigne un animal impur « dont la consommation affecte l'âme dans ses capacités spirituelles et morales » (R’ ‘Ovadia Sforno זצ"ל) et dont les « effets nocifs se produisent quand bien même la consommation aurait eu lieu par erreur ou par inadvertance » (R’ Ben Attar זצוק"ל[6]). Ces effets nocifs causent la perte de toute aptitude aux fonctions spirituelles. Alimente-t-on une centrale nucléaire avec des barres de chocolat ? Certainement pas ! Si on tient à produire de l’électricité, il faudra l’alimenter en uranium. Alimente-t-on une automobile en glissant dans le réservoir des piles électriques, du sable ou des morceaux de charbon ? Certainement pas ! On utilisera le type de carburant recommandé par le fabricant (essence ou diésel par exemple). Dans le cas contraire, l’automobile pourra toujours avancer - si on la pousse - mais elle n’atteindra jamais les vitesses prévues par le constructeur. De même, le Juif qui ne mange pas kacher pourra toujours continuer à respirer et il pourra même sembler en bonne santé ; pourtant, il aura perdu son potentiel spirituel ! Aussi faut-il veiller à ce que l’alimentation soit bien kachère, si on tient à atteindre le potentiel spirituel prévu par le Créateur. De la sorte, on évitera les « effets nocifs » à propos desquels nous met en garde R’ Ben Attar זצוק"ל .
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Notes
[1] Voir aussi : Dévarim 14, 3-8.
[2] Il poursuit: « Bien évidemment ce projet, aussi spirituel soit-il, ne peut s’accomplir qu’avec des règles très strictes et très précises qui permettent à l’homme de transformer l’acte banal de manger de la chair animale en un geste spirituel et pédagogique. » Dr. R’ Bruno Fiszon, (2008), conférence à l’Académie Vétérinaire de France.
[3] Voir Rachi sur Vayikra 20,26 qui cite R‘ El‘azar ben Azaria dans Torat Cohanim.
[4] RACONTER : sur le thème de cette paracha, on peut raconter :
- l’histoire de Daniel (Daniel 1, 1-15 ; voir « Manger cacher donne bonne mine », dans notre ouvrage Katamar Yifra’h, 2006, p. 153).
[5] Cit. R’ M. Berros chelita (2004), Le verger consolateur, Lévitique, p. 254. Les insectes ailés sont définis comme étant « abominables » ou « immondes ». Le terme שֶׁ֥קֶץ est répété comme pour accentuer cette idée כֹּ֚ל שֶׁ֣רֶץ הָע֔וֹף הַֽהֹלֵ֖ךְ עַל־אַרְבַּ֑ע שֶׁ֥קֶץ ה֖וּא לָכֶֽם׃ (Vayikra 11, 20). Notons l’insistance du ta’am yétiv venu peut-être réveiller les assoupis du fait de sa cantilation vive, sur le mot כֹּ֚ל « Tout ».
[6] R’ Ovadia Sforno זצ"ל et R’ ‘Haïm Ben Attar זצ"ל, cit. R’ E. Munk, Kol hatorah, Vayikra, p. 87.