Le texte suivant s'intéresse à l'histoire des Juifs d'Afrique du Nord dans l'antiquité.
Les Juifs au Maghreb : deux mille ans de présence
~ Récit historique ( Libye, Touat, Maghreb, Espagne) ~
Il existe différentes légendes sur l’installation des Juifs en Afrique du Nord et en Espagne.
Les Juifs de Djerba affirment que, dans les fondations de leur sainte synagogue de la Griba, repose une pierre emportée du Temple de David. Les Juifs, fuyant devant les troupes assyriennes de Nabuchodonosor, transportèrent cette pierre de Jérusalem jusqu'à l'île de Djerba. D'autres fugitifs s'installèrent plus à l'Ouest, en Espagne où ils bâtirent plusieurs villes [1].
Certains étaient déjà installés dans les comptoirs et villes établies tant en Espagne qu'en Afrique du Nord, à Carthage et Hippone notamment. Des rabbins ont pu assimiler Tarchich, un lieu cité dans la Bible, comme n'étant autre que Carthage ou l'Afrique du nord [2]. Les écrits rabbiniques ont aussi fait une place remarquable aux communautés juives nord-africaines après la destruction du Temple de Jérusalem: on connaît grâce à eux le nom de plusieurs rabbins ayant vécu à Carthage dans les premiers siècles de l'ère courante. Le Talmud lui-même compte Rabbi Abba de Carthage parmi les Amoraïm [3].
Rome, une fois devenue chrétienne, devint hostile aux Juifs notamment en Afrique du Nord. La synagogue de Tipasa, près d'Alger [4], fut confisquée et transformée en église. St-Augustin qui comme d'autres ecclésiastiques de l'époque fut hostile aux Juifs, a signalé la présence de communautés juives en Afrique du Nord, comme celle d'Hippo Regius [5]. Tertullien parle aussi de l'influence des Juifs de Carthage. Lorsque les Vandales prirent le pouvoir en Afrique du Nord, les Juifs furent soulagés.
Les successeurs d'Alexandre le Grand, après la mort de l'empereur, organisèrent une immigration forcée de Juifs depuis Israël vers l'Egypte et la Cyrénaïque (Est de la Libye actuelle). Ptolémée, fils d'un général d'Alexandre, hérita de l'Egypte et d'Israël. Il confia aux Juifs d'Alexandrie "les places fortes de l'Egypte dans la pensée qu'ils les garderaient fidèlement et bravement; et comme il désirait affermir sa domination sur Cyrène et les autres villes de Libye, il envoya une partie des Juifs s'y établir". Les Juifs de Cyrène créèrent une des communautés les plus solides de la diaspora pourvue de privilèges accordés par Rome, et qui eut des liens serrés avec Israël. Plus tard, divers Juifs hellénisés du littoral européen de la Méditerranée se sont installés en Cyrénaïque.
A l'époque romaine, le Judaïsme africain de l'Empire était surtout d'origine italienne, peu nombreux sont alors, les familles venues directement d'Orient. La révolte contre l'Empereur Trajan causa la ruine de Cyrène. Pour certains, c'est de cette insurrection qui embrasa l'ensemble de la Méditerranée orientale de l'Empire romain (115-118) qu'il faut dater la diffusion du judaïsme en Afrique du Nord. Des Juifs traditionalistes, gardiens de l'esprit zélote, s'enfuirent de Cyrénaïque et d'Egypte allant vers l'ouest (Tripolitaine) et le sud (Fezzan) de la Libye, jusqu’au sud de la Tunisie actuelle. Ils trouvèrent un milieu particulièrement favorable en Tripolitaine et en Tunisie car ces régions étaient marquées par l’influence de Carthage. Les Africains avaient conservé la langue de Carthage proche de l'hébreu, bien des siècles après la destruction de la ville.
Quelques siècles plus tard, des communautés se développèrent dans le désert et dans les montagnes de l'intérieur. Dès le premier siècle, ils étaient installés dans Sahara algéro-marocain (région du Touat) et on parle même d'un véritable royaume au Sahel [6]. De cette époque datent des vestiges juifs signalés à Carthage, mais aussi à Sidi Brahim, et Constantine aux IIe et IIIe siècles.
[1] Le nom de Tolède semble dérivé de l'hébreu « Tolédot ».
[2] Ainsi, "Les navires de Tarsis" est traduit par les Septantes "navires de Carthage" (Isaïe 23-1; Ezechiel 27-12); le targum Jonathan traduit Tarsis par Afriqui (Chroniques 22-48 et Jérémie 10-9)
[3] Les Amoraïm sont les rabbins ayant vécu lors de la rédaction de la Guémara. Larédo, op. cit. 1978, p. 87.
[4] Colonie carthaginoise (puis romaine) située à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest d’Alger.
[5] Port romain qui succéda au comptoir phénicien nommé Hippone, et qui sera appelée ultérieurement Annaba et Bône.
[6] Voir : Kountras, n° 78, 2000, note 7, p. 51 ; Oliel Jacob (1994), Les Juifs au Sahara. Le Touat au Moyen Age, Editions du C.N.R.S., Paris. Les plus grandes villes sahariennes sont : Toggourt (56000 h.), Ghardaïa (45000 h.), Touat (35000 h.), Laghouat (18000 h.), Ouargla (10000 h.), Tindouf - R. Furon (1957), Le Sahara. Géologie, ressources minérales, mise en valeur, Payot, Paris, 300 p.