Le prélèvement sur la pâte (’hala)
Une partie de la pâte pétrie était destinée au Cohen. Cette loi fit partie de celles édictées dans cette paracha et devant entrer en vigueur lorsque les enfants d’Israël seraient installés en Erets Yisraël[1].
C’est la loi de la ’hala : une mitsva positive de la Torah.וְהָיָ֕ה בַּֽאֲכָלְכֶ֖ם מִלֶּ֣חֶם הָאָ֑רֶץ תָּרִ֥ימוּ תְרוּמָ֖ה לַֽיְיָ׃ רֵאשִׁית֙ עֲרִסֹ֣תֵכֶ֔ם חַלָּ֖ה תָּרִ֣ימוּ תְרוּמָ֑ה כִּתְרוּמַ֣ת גֹּ֔רֶן כֵּ֖ן תָּרִ֥ימוּ אֹתָֽהּ « Ce sera, lorsque vous mangerez du pain du pays, vous prélèverez un prélèvement pour Hachèm. Comme primeur [litt. ‘en-tête’] de votre pâte, un gâteau, un prélèvement vous prélèverez, en tant que prélèvement de la grange, ainsi le prélèverez-vous » (Bamidbar 15,19-20).
Commençons par raconter un récit sur cette mitsva (et par exemple celle raconté par R’ Méïr de Mir à propos d’un juste caché qui savait éviter tout pain qui n’avait pas bénéficié du prélèvement)[2].
Cette mitsva, comme toutes les mitsvot prescrites par la Torah, est dite « déoraïta ». Le verset nous apprend aussi qu’elle doit être appliquée לְדֹרֹ֖תֵיכֶֽם « en [toutes] vos générations »[3]. Selon la Torah, la loi s’applique si l'ensemble du peuple juif se trouve sur sa terre (il est écrit : בְּבֹֽאֲכֶם֙ אֶל־הָאָ֔רֶץ אֲשֶׁ֥ר אֲנִ֛י מֵבִ֥יא אֶתְכֶ֖ם שָֽׁמָּה׃ « quand vous arriverez sur la terre où Je vous fais venir » (Bamidbar 15,17-18). Si tout le peuple ou au moins la majeure partie du peuple, n’habite pas en Israël, loi s’applique tout de même, mais elle est dite « dérabanane » c’est-à-dire qu’elle a force de loi de par l’autorité rabbinique[4].
A l’époque du Michkane ou à celle du Bet hamikdach, ces prélèvements étaient donnés aux Kohanim et consommés par eux-mêmes et leurs familles (en état de pureté). Aujourd’hui personne n’est plus en état de pureté rituelle et les Kohanim ne peuvent pas encore être purifiés par le rituel d’aspersion d’une eau lustrale contenant les cendres de la vache rousse[5]. Pour l’heure, il est donc interdit aux Cohen de consommer ces prélèvements.
Cette mitsva est toujours en vigueur de nos jours (en Israël comme ailleurs) mais au titre d’une mitsva « dérabanane »[6]. Mais on n’est pas dispensé pour autant de ces prélèvements: elle a été instituée par les Sages pour éviter que les Juifs habitant ou non le Pays d’Israël ne l’oublient. Elle est donc prescrite également hors d’Israël en tant que mitsva « dérabanane ».
Cette mitsva est relativement peu pratiquée aujourd’hui par le pétrissage et le prélèvement. Cependant, comme c’est le prélèvement de la ‘hala qui caractérise les pains du chabbat, l’usage de disposer sur la table de chabbat de ‘halot est très pratiqué. Beaucoup achètent ces pains dans le commerce lorsque c’est possible. En Israël comme dans les villes du reste du monde (là où vivent des Juifs), il est assez facile de se procurer des ‘halot et se procurer ce type de pain constitue, en soi, un mérite certain (pain cuit dans un « four allumé » par un juif ; consommation d’un pain dont la ‘hala a été prélevée ; achat dans l’intention d’honorer chabbat). Malgré cela cette mitsva est peu pratiquée directement. Peu nombreux(ses) sont ceux et celles qui pétrissent encore leur pain en semaine ou du moins pour la table du chabbat. Or l’une des raisons de cette mitsva réside justement dans la fréquence des occasions données pour la pratiquer[7]. Les prémices sont destinées à Hachèm, pour que Sa bénédiction s’étende à tout ce qui reste[8].
Certaines familles préparent un « pain de chabbat » mais la mitsva spéciale du prélèvement de la ‘hala n’est généralement pas faite car la quantité de farine utilisée est insuffisante : pour cela, il faudrait utiliser au minimum 1,2 kg de farine (pour que puisse être effectué un prélèvement sans bénédiction) ; ou au minimum 1, 666 kg de farine (pour que puisse être effectué un prélèvement avec bénédiction). Il y a discussion sur ce qui est préférable : préparer le pain chaque chabbat (même sans ‘hala), ou préparer la quantité requise tous les quinze jours, ou tous les mois, pour prélever la ‘hala[9]. Honorer chabbat est très bien. Mais il ne faudrait pas pour cela, rendre rarissime la mitsva de ‘hala.
En tout cas, la tradition juive enseigne que le respect de cette mitsva apporte de grands bienfaits à qui la pratique.
Le prélèvement de la 'hala est un mérite pour la femme. Certains disent que cette mitsva « lui permet d'enfanter facilement et tranquillement » d’où la coutume de cuire du pain en l'honneur du chabbat pour que la femme puisse accomplir cette mitsva.
Le moment où l'on prélève la h'ala est particulièrement propice à la prière. On pensera alors à dire des prières personnelles ou des bénédictions pour les enfants, la famille, etc. Des femmes ont pour habitude de prier après avoir prélevé la ‘hala afin que Hachèm leur donne, par le mérite de cette mitsva, des enfants et petits-enfants talmidé ‘ha’hamim (sages de la Torah)[10], mais aussi toute autre prière (santé, parnassa, mariage des enfants, etc.). Aujourd’hui - en Israël mais aussi ailleurs - des femmes essaient de propager la mitsva de la ‘hala[11]. Lors de maladie (ou d’autres problèmes graves), des femmes se mobilisent afin d’accomplir cette mitsva en ayant l’intention qu’elle profite à qui en en a besoin (et en en prononçant le nom).
Le prélèvement de la ‘hala est une des trois mitsvot spécifiques des femmes – avec l’allumage des bougies du chabbat et la purification mensuelle. Dans la michna il est enseigné : על שלוש עבירות נשים מתות בשעת לידתן--על שאינן זהירות בנידה, ובחלה, ובהדלקת הנר. « Pour une de ces trois transgressions, les femmes peuvent mourir en accouchant : si elles ne font pas attention à [ce qui concerne] Nida [l’impureté périodique], ‘Hala [le prélèvement d’un morceau de pâte] et Hadlakate haner [l’allumage des bougies de Chabbat] » (Chabbat, 2, 6). Dans les familles séfarades, avant le mariage, est organisée la cérémonie du henné (dans les pays arabes on attribue au henné une action contre le mauvais œil). Selon certains, la cérémonie du henné fait allusion à ces trois mitsvot spécifiques de la femme mariée, et sert de rappel discret de ces mitsvot à la jeune fille. On constatera que les lettre initiales du mot henné en hébreu (‘hana חנה) sont, justement : הדלקת הנר נידה חלה. Cette cérémonie comprend trois étapes :
- une pâte de henné est préparée (parfois décorée de dragées) ; c’est de cette pâte que l’on prélève un morceau pour l’appliquer dans la paume de la main droite de la future mariée… On reconnaît là une allusion à la mitsva de la ‘Hala ;
- un louis d’or (ou un bijou) est posé sur le henné de la main de la kala. L’or est une allusion au feu, et donc à la mitsva de l’allumage de la veilleuse (ou des bougies) de chabbat ;
- un ruban rouge vient recouvrir la main de la future mariée. Cette couleur est une allusion au sang et donc à la mitsva de la pureté familiale (mikvé).
Pour les aspects pratiques, voir sur ce site la page "Pain de maison, ou "'hala" dans la rubrique "Cuisine et pâtisserie juives"
Voir aussi:
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Références
- Bakis Hillel (2013), Commenter Bamidbar, chap. 37, Hotsaat Bakish, Montpellier (et sur ce site: https://editionsbakish.com/node/1690)
Bakis Hillel (2013), Commenter Bamidbar, chap. 37 (et sur ce site; "Cacherout pratique. Comment prélever la 'hala sur les pâtes" https://editionsbakish.com/node/1691
- R' Cohen-Arazi, Azriel (2012), Cours sur le sujet. Et réponse 2149 sur http://www.techouvot.com/comment_faire_le_prelevement_de_la_halla-vp34315.html
- jewishladymag (2012), "Le prélèvement de la 'halla, 305 ème Mitsva", http://jewishladymag.com/prelevement-de-la-halla/
NOTES
[1] Avec : la libation de vin (Bamidbar 15,7) ; la non-discrimination envers l’étranger (Bamidbar 15,13-16).
[2] Raconter – Pas de ce pain là ! Plusieurs Juifs pauvres entrèrent dans une auberge tenue par un Juif pour mendier. Un rav était alors présent dans l’auberge (c’était R’ Meir de Mir). Les pauvres furent invités par une personne assise à une table qui commanda pour chacun d’eux un repas chaud et du pain. Ils furent très heureux de cette invitation car ils n’avaient pas bien mangé depuis très longtemps. A peine servis, ils commencèrent leur repas en l’accompagnant de gros morceaux de pain. Le rav constata que l’un d’eux se distinguait par son comportement très digne. Il l’observa et constata qu’il ne touchait pas au pain posé devant lui mais se contentait d’un simple quignon de pain sec tiré de son sac. R’ Meir de Mir fut soudain traversé par un doute ; il alla interroger le propriétaire de l’auberge. Il lui demanda : « La h'ala a-t-elle été prélevée sur ta pâte ? » Le propriétaire alla poser la question à sa femme qui reconnut que non ; elle avait été trop occupée et avait oublié le prélèvement qu’elle faisait pourtant régulièrement !
R’ Meir de Mir comprit que les pains servis à table étaient impropres à la consommation. Il devina qu’il venait de voir un tsadik qui se cachait parmi des mendiants. Lorsque le groupe de pauvre s’en alla, il se joignit à eux pour tenter de converser avec le tsadik qui avait l’extraordinaire capacité à reconnaître un pain qui n'a pas reçu la mitsva de 'hala. Mais, ne le voyant pas, il se renseigna à son propos. On lui répondit « notre compagnon n’est avec nous que depuis peu. Il y a quelques jours, alors que nous traversions un fleuve gelé, il a cassé la glace et s’est trempé dans l’eau! Et il ne mendie jamais ! Il disparaît parfois pour s’isoler dans la forêt ; comme à présent car après être sorti de l’auberge, il est parti sur ce petit chemin ». Rabbi Méïr partit à la recherche du tsadik et le trouva bientôt, adossé à un arbre, les yeux fermés : tout dans son aspect montrait que son corps seul était là mais que son âme s’était élevée vers son Créateur. Rabbi Méïr se tint près de lui jusqu’à ce qu’il ouvre les yeux. Alors, il dit : « Rabbi, bénissez-moi !» Le tsadik lui répondit : « donne-moi une tsédaka (aumône) et je pourrai te bénir ». Rabbi Méïr donna une tsédaka et mérita de recevoir une belle bénédiction.
Lorsque Rabbi Méïr raconta à son maître ce qui venait de lui arriver, ce dernier lui dit : « Heureux sois-tu, Rabbi Méïr ! Tu as eu le mérite de rencontrer le Rav Hakadoch le Saint Rabi, le juste caché Rabbi Leib Sarsse ». C’était l’un de ces justes cachés qui, à chaque génération, permettent au monde de tenir. - Rédigé à partir d’une version publiée par l’Institution Yad Mordékhaï (2009), « La ‘hala », La Mitsva et son histoire. Paris, juin, pp.1-2.
[3] מֵֽרֵאשִׁית֙ עֲרִסֹ֣תֵיכֶ֔ם תִּתְּנ֥וּ לַֽיְיָ תְּרוּמָ֑ה לְדֹרֹ֖תֵיכֶֽם׃ (Bamidbar 15, 21).
[4] A « notre époque, même en Erets Israël, l'obligation de prélever la 'hala de la pâte ne relève que d'une ordonnance rabbinique (car tous les bnei Israël ne sont pas revenus en Erets Israël à l'époque d'Ezra ». R’ Shmouel Melloul (5768), Les sentiers du savoir. La chacherout des aliments, Jérusalem, 481 p. (voir p. 148).
[5] La tradition enseigne que cela sera de nouveau possible.
[6] Il y a plusieurs raisons qui font que la mitsva ne peut être appliquée au titre de « mitsva déoraïta ».
[7] La Torah nous l'ordonne pour le pain qui est la nourriture quotidienne de l’être humain tout au long de sa vie, comme il est écrit וְ֝לֶ֗חֶם לְֽבַב־אֱנ֥וֹשׁ יִסְעָֽד׃ « le pain nourrit le cœur de l'homme » (Téhilim 104, 15). Ainsi, « la Torah a cherché à nous faire bénéficier chaque jour et toute notre vie » de cette mitsva en nous ordonnant de donner un prélèvement de notre pâte au Cohen. D’après le Sefer Ha’hinoukh, cité par : R’ Sh. Melloul (5768), p. 155 ; et Institution Yad Mordékhaï (2009).
[8] C’est le cas aussi de la térouma pour la récolte, du premier-né pour le bétail, des prémices des fruits (bikourim).
[9] Aujourd’hui, la plupart des ménages pourraient congeler le surplus.
[10] R’ Sh. Melloul (5768), p. 162.
[11] Raconter – Une guérison miraculeuse – Une femme habitant en Israël avait très mal au poignet. Le médecin, constatant que ses traitements ne suffisaient pas à supprimer la violente douleur, décida d’organiser une opération. Alors qu’un rendez-vous avait été pris avec le service chirurgical, la patiente raconta ses soucis à une des ses amies qui lui conseilla de pétrir elle-même son pain de chabbat de manière à pouvoir accomplir la mitsva du prélèvement de la ‘hala. Le conseil fut accepté avec reconnaissance et, chaque semaine, tout en prélevant un morceau de pâte, la femme pria pour la guérison de son poignet. Elle constata trois semaines plus tard, que sa douleur avait disparu. Or, le moment était venu pour se rendre à l’hôpital ce qu’elle fit. Le médecin fut étonné de constater que la radiographie du poignet ne montrait aucune anomalie. Il confirma que l’opération était inutile dans ces conditions. Rédigé d’après un témoignage reçu par l’Institution Yad Mordékhaï (2009), « La ‘hala », La Mitsva et son histoire. Paris. Juin. 2 pages.