Un peu de grammaire :
faut-il dire Bamidbar ou Bémidbar ?
Comment appeler le 4ème livre de la Torah (et la première paracha de ce livre) : Bamidbar, ou Bemidbar (בְּמִדְבַּ֥ר) tel que figure le mot dans le texte [1] ?
Rappelons que le mot Midbar signifie « désert » ; qu’avec l’article défini, le mot devient hamidbar « le désert ». Bamidbar signifie « dans le désert » car sont combinés en un seul mot : la préposition « b » (dans) l’article définit « ha- », et « midbar ».
Dans le texte nous lisons וַיְדַבֵּ֨ר יְהוָ֧ה אֶל־מֹשֶׁ֛ה בְּמִדְבַּ֥ר סִינַ֖י donc : « Bémidbar Sinaï ». L’article défini est inutile puisque ce désert est défini autrement, par le mot qui vient préciser que ce désert dont on parle, c’est celui du Sinaï. Ces mots se retrouvent par exemple dans le dernier verset du chapitre 1 (Bamidbar 1, 19), et le même procédé se retrouve dans le verset cité au sujet de la tente du rendez-vous בְּאֹ֣הֶל מוֹעֵ֑דet bé-ohel non ba-ohèl (Bamidbar 1, 19). On a affaire à un état construit : les mots Bemidbar aussi bien que Bé-ohèl dans le second exemple exprimant la « smikhout ». L’article défini est inutile puisque ce désert est défini par le mot qui vient préciser que ce désert dont on parle, c’est celui du Sinaï.
Pourquoi donc la tradition veut qu’on appelle ce livre Bamidbar et non Bemidbar ?
La première raison tient justement à ce que telle est notre tradition et ce n’est que récemment que les deux formes sont utilisées indifféremment [2].
On pourrait aussi avancer que les titres (de livres ou de parachas) ne sont généralement pas vocalisés במדבר et se lisent naturellement « Bamidbar ».
Mais allons plus loin : dire « Bemidbar » (dans désert) ne serait ni élégant, ni correct du point de vue de la langue hébraïque. Aurait-on l’idée de nommer un livre « Dans le désert de » ? On pourrait nommer ce livre « Dans un désert » et « Bemidbar » serait utilisable en ce sens, mais tel n’est pas le sens dans notre texte qui défini ce désert par le mot suivant « Sinaï » : il ne s’agit pas d’un désert quelconque mais du Sinaï. Traduire « Bemidbar » peut donc induire en erreur le lecteur peu au fait de l’histoire biblique. Malgré les nouvelles tendances, il n’y a aucune raison de changer l’appellation traditionnelle : Bamidbar.
De plus, il n’y a rien de faux en cela, comme cela a été noté: le quatrième livre de la Torah parle bien d’une période passée dans le désertet le titre est donc bien plus convenable que celui de « nombres ». De plus, personne ne suggère d’appeler le cinquième livre de la Torah « Les paroles » malgré l’usage établi (et unanime) de le nommer « Paroles » [3]. Or, c’est « Les paroles » que l’on devrait choisir pour rester cohérent si on opte pour « Bemidbar » ! Car il est bien écrit : אֵ֣לֶּה הַדְּבָרִ֗ים אֲשֶׁ֨ר דִּבֶּ֤ר מֹשֶׁה֙ אֶל־כָּל־יִשְׂרָאֵ֔ל בְּעֵ֖בֶר הַיַּרְדֵּ֑ן בַּמִּדְבָּ֡ר בָּֽעֲרָבָה֩ hadevarim (Débarim 1,1).
Pour nommer ce livre, il faut donc choisir soit « Bemidbar Sinaï » (« dans le désert du Sinaï ») soit « Bamidbar » (« dans le désert »). Cette dernière formulation est préférable pour les raisons avancées ci-dessus, et parce c’est ainsi qu’a tranché une longue tradition.
Dernières mises à jour: 10 juin 2012
Hillel Bakis, editionsbakish.com
[1] Mot pouvant être transcrit avec ou sans accent selon le locuteur (Bemidbar ; Bémidbar).
[2] L’éditeur de R’ Hertz indique "Bemidbar" : R’ Dr. J. H. Hertz (1979), The Soncino Press Pentateuch & Haftorahs (p. 568). L’édition Safra du ‘Houmach préfère "Bamidbar", Artscroll (2011). Certains soi-disant puristes peuvent préférer "Bemidbar" ou Bémidbar ignorant que la tradition a toujours préféré Bamidbar et que l’usage de Bemidbar est relativement récent.
[3] Philologos (2007), « In the Desert », http://forward.com/articles/10325/in-the-desert/, march 16 (consult. mai 2012).