Roch 'hodech Nissan - La Bssissa: une coutume pour le début de ce mois
Roch ‘hodech Nissan (à la tombée de la nuit) est un nouvel an juif. Il est fêté la veille au domicile [1].
Recette de la Bsissa (coutume tunisienne) et cérémonie de la veille de Roch 'hodech nissan (Sud de la Tunisie)
on dit aussi Pchicha ou Psissa
Eléments à réduire en poudre
BASE CEREALES: blé (1kg ; ou 250 gr.); orge ; « on prend toutes les céréales, on les fait griller et on les moud »
LEGUMES SECS : petites fèves sèches (ou 250 gr. ; 60 gr.) ou fève dégarnies de leur pelure; pois chiches (ou 250 gr. ; 60 gr);
EPICES : coriandre en poudre (ou grains pilés) ; anis (grains pilés ou poudre) ; écorce d’orange sèche ou de citron (non traitée) ; autres selon les préférences (cannelle ; cumin, grains de carvi grillés et pilés).
Passer au four. Piler ou moudre (mortier ou moulin électrique).
Verser dans un saladier et mélanger la poudre recueillie.
Ajouter du SUCRE en poudre et HUILE D'OLIVE (obtenir la consistance du sable mouillé)
Eléments à incorporer dans la poudre
SUCRE en poudre
FRUITS SECS : Dates (enlever le noyau et bien vérifier l’absence d’insectes, couper en 1/2 dates qui serviront de cuillères pour manger la pâte de la psissa) ; Figues ; Raisins secs ; on peut décorer avec des morceaux de fruits secs (amandes, noisette). Certains ajoutent de la ‘halwa.
PARFUMS (selon goût) : fleur d’oranger ; cannelle ; sucre vanillé [2].
Origine
Une tradition rapporte que le nom psissa vient de bsissa.
Du point de vue phonétique, cela se comprend car les Tunisiens utilisaient le son « b » au lieu du son « p », comme dans : Bin’has (au lieu de Pin’has), Bissa’h (au lieu de Pissa’h) ; Kebour (au lieu de Kippour) ; Bourim (au lieu de Pourim).
Du point de vue historique, cette cérémonie commémore la séouda de l’inauguration du beth hamikdach : בסיסה Bsissa signifierait « base ». Une personne originaire de Djerba explique que cette coutume concerne « la veille du 1e Nissan en souvenir de la fondation (bassis) du 1e Temple. Le mois de Nissan est le premier mois de l'année, on fait donc une fête à la 'base' de l'année pour recevoir toutes les fêtes qui auront lieu cette année» [3].
Ce qui explique peut-être qu’à propos de la psissa une personne de Sousse (née en 1923) affirme qu’en n’en donnait pas aux non-juifs (« On n’en donne qu’aux Juifs ») ; ce qui est très extraordinaire car pour de nombreuses autres préparations culinaires les Juifs en offraient volontiers aux non-juifs (y compris pour Pessa’h où des matsot étaient offertes aux voisins Chrétiens qui les appréciaient beaucoup [4]).
La cérémonie familiale consiste
- à allumer la veilleuse de Roch ‘hodech nissan (eau et huile d’olive de préférence dans un verre).
- On ajoute de l’or au fond du verre. Selon les coutumes soit la maîtresse de maison verse de l’or au fond du verre, soit chaque participant glisse au fond de la veilleuse un peu d’or (bague, boucle d’oreille, etc.) en formulant des vœux pour sa famille ou lui-même (santé, ressources, etc.) - attention lorsqu’à la fin de la fête on vide le verre... Certains ajoutent du lait dans la veilleuse afin de se souvenir que cette veilleuse est différente des autres et se souvenir qu’il y a de l’or dedans. On raconte qu’il est arrivé dans certaines familles que tout le contenu de la veilleuse a été jeté par inattention lors du lavage du verre. Et tout le contenu a été perdu. Il est précisé que ce sont les femmes qui mettent le bijou car elles n'ont pas succombé à la faute du veau d'or après le don de la Torah [5]. Cet or nous rappelle aussi l'or qui a été offert en abondance par les enfants d’Israël à la demande de Moché Rabbénou pour la construction du sanctuaire du désert (michkan) [6].
- On pose le plat de psissa sur la table [7] ;
- On verse l’huile en remuant la préparation (certains avec la clé) - voir ci-après;
- On tourne autour de la table en chantant « Dawar dawar yah Nissan ; Bel ‘ham ou bel ‘hasbanne" (tourne, tourne, oh Nissan ! Avec de la viande et du ‘hasbanne) ;
- puis tous se régalent en mangeant la psissa. Certains commencent à la manger avec la clé, puis continuent à la cuillère ;
- repas de fête ensuite.
Traditions
Une tradition de Sousse [8] :
1) Verser l’huile d'olive.
2) on met une clé (clé de la parnassa) dans la pâte. Bien sûr on aura lavé la clé auparavant.
3) les personnes présentes font plusieurs tours autour de la table où est placé le plat contenant la psissa. Une personne originaire de Djerba précise : « On va tourner la clé, chacun son tour et du plus jeune au plus vieux, dans le mélange de la pchicha.. Mais on ne tourne pas dans le vide, car, la mère de famille verse de l'huile en abondance au dessus de la main du chanceux pour lequel on souhaitera toutes sortes de bonnes choses en fonction du cas ( que tu réussisse TES ETUDE , mazal, santé, Gueoula !!!!!!!) » [9].
Les personnes présentes chantent : « Dawar dawar yah Nissan ; Bel ‘ham oubel ‘hasbanne (tourne, tourne, oh Nissan ! Avec de la viande et du ‘hasbanne) » [10]
Autre tradition [11]:
1) Les présents montrent le plat de psissa de l’index. Le chef de famille trempe un doigt dans le saladier en tenant une clé (néfta’h dkar/ Clé mâle pour simple mesure d’hygiène).
2) Le chef de famille verse de l’huile sur ses doigts, huile qui coule sur la pâte de la psissa.
3) tout en remuant la pâte on chante ou on formule des souhaits:
. « pta’h lanou chana ‘hadacha ou méborékhèt, chnat briout, ‘ocher véocher ; harékna el bsisssa bénéftah, khel ‘alina ya fatah » [12]« Ouvre-nous une année nouvelle et bénie, une année de santé, richesse et prospérité. On a remué la psissa avec la clé, ouvre pour nous [une bonne année de santé, richesse et prospérité], oh la clé ».
. Parmi les phrases dites alors, citons celles-ci (Djerba) :
khalat el abchich bèl neftah' ya fetah' h'one âlina ya moulana ya razak Dont la traduction serait : « Toi O notre D... qui ouvre tout sans clé donne avec bienfaisance, donne nous afin que nous puissions à notre tour donner et aider les autres... » [13].
. tous mélangent la bshisha et l'huile en prononçant la phrase suivante : " Khalat el Abshisha bel neftah ya fetah hon alina ya moulana ya razak ", que l'on peut ainsi traduire ; mélangeons la bshisha avec la clé, pour toi l'Eternel qu ouvre les portes du Bien. Offre-nous Ta grâce, Toi Notre Créateur miséricordieux " (Kissé rahamim et Victor Hayoun).
4) Puis tous mélangent et mange de cette pâte. Certains utilisent d’abord la clé pour prendre de la pâte.
Cette préparation est très nourrissante. Après le dégraissage des mains, on peut passer ... à tâble ! [14]
On consommera un repas de fête (couscous boulettes par exemple).
Références
. Enquêtes auprès de personnes originaires de Tunisie (Djerba, Gabes, Sfax, Sousse).
. Hayoun Monique (vers 2009), « Recette de la bsissa telle qu’elle m’a été communiquée par une cousine qui me l’envoie tous les ans depuis que j’ai perdu ma mère. Elle en prépare 5 kg qu’elle distribue à la famille et aux amis... », http://www.harissa.com/coutumes/labsissaavraham.htm.
. Kisse Rahamim & Victor Hayoun (consult. 2014), "Roch hodesh nissan", http://www.terredisrael.com/rosh-hodesh-nissan.php
. Nadia (2010),Bssissa D'Orge aux Dattes, http://confessionsduneaccroducooking.blogspot.fr/2010/12/bssissa-dorge-aux-dattes-ma.html
. Swira Mamou z''l (vers 1980), communications.
. X, http://www.tunecity.net/forum/viewtopic.php?t=2893, recette
. X (5768), « La bchicha, c'est à roch ‘hodech nissane (nichane) », http://mikadu75010.skyrock.com/2160974995-La-bchicha-c-est-a-roch-h-odech-nissane-5-AVRIL-LA-VEILLE-AU-6.html
. X, (2009), « Les coutumes et les traditions », 25 mars, http://horizons.over-blog.net/article-29471259.html
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NOTES
[1] Cérémonie fêtée en famille.
[2] Autres recettes
- « Composants : 500 grammes de blé ; 165 grammes de fèves sans la pelure ; 333 grammes de pois chiches ; 83 grammes de grains de coriandre ; 83 grammes de grains d’anis ; 17 grammes de carvi ; 17 grammes de cumin ; 1 pelure d’orange séchée. Préparation : Griller au four le mélange et moudre. Ajouter de l’huile, faire une pâte et servir. Pour ceux qui aiment, y mélanger des fruits secs et des dattes Degla Nur », X (2009).
- 1 kg de bssissa (préparation vendue prête en Tunisie; composition : Orge: 5 kg; graines de coriandre: 1 livre; graines de fenouil: 1/2 livre; sel: 15g (plus éventuellement Marjolaine et fenugrec) . et 200 gr. amandes; 250 gr. 'hawa aux amandes, 150 gr. sucre cristalisé, 200 g. miel liquide, 250 ml huile d'olive, Nadia (2010).
- "mélange, moulu très fin, de blé et d'orge additionné d'épices coriandre et fenouil (anis). Certaines communautés ont coutume d'ajouter des dattes, des amandes, des noix, des raisins secs, etc... " (Kissé Rahamim et Victor Hayoun)
3] X (5768).
[4] Notamment à Bône, Algérie.
[5] X (5768). Par ailleurs, à Tunis la coutume est décrite comme suit: "l'épouse allume la veilleuse d'huile à mèche de coton comme chaque veille de Roch Hodech. Puis chaque membre de la famille, par ordre d'âge , glisse un bijou en or ou en argent, en faisant un voeu , pour que l'année soit prospère. Les femmes glissent leur alliance et tous font bien attention de ne pas éteindre la veilleuse,lors de cette cérémonie. Puis on se régale avec une bkaëlla et du nougat en déssert pour que l'année soit douce" (Kissé Rahamim et Victor Hayoun).
[6] X (5768).
[7] Une personne originaire de Sfax indique que la « même Pchicha est servie au festin d’Itro qui se situe un mois et demi auparavant, mais alors, on y ajoute des dates Degla Nur, des amandes et chaque fruit sec que l’on désire », X (2009).
[8] Communication orale, S.W. née en fév. 1923 (vers 1980).
[9] X (5768).
[10] Communication orale, S.W. (vers 1980). Viande et ‘hasbanne (saucisson de tripes) étaient des ingrédients de fête particulièrement consommés lors de Pessa’h (une semaine de fête en Nissan).
[11] D’après Hayoun Monique (vers 2009 ).
[12] D’après Hayoun Monique ( vers 2009 ).
[13] X (5768).
[14] D’après Hayoun Monique ( vers 2009 ).
Compléments avril 2014