5.6. La mobilité des voyelles
5.6.1. Lois regissant les changements de voyelles
La valse des voyelles est un sujet de perplexité pour l'étudiant débutant. Mais des lois ont été identifiées et synthétisée par les grammairiens. Nous en indiquons quelques-unes ci-après[1].
Restent invariables: les voyelles longues (ktav malé, comme dans שִׁיר, סוּס); les voyelles brèves situées devant une consonne daguéchée (comme dans צַדִּיק); une syllabe fermée non accentuée (ainsi en est-il pour tal de תַּלְמִיד).
Transformations du kamats
- chéwa na': si le kamats est sous la première syllabe d'un nom (פָּקִיד);
- 'hataf pata'h si la première lettre du mot est une gutturale aleph, hé, 'het, 'ayin (אָרוֹן);
- pata'h ou chéwa na': si le kamats est situé sous la deuxième syllabe (מוֹשָׁב);
Transformations du Chéwa et des 'Hatafim
- 'hirik : dans le cas où deux chéwa sont en début de mot, le premier est transformé en 'hirik (phénomène que les grammairiens appellent "dissimilation" הִשְׁתַּנוּת , בִּדּוּל);
Voyelles allongees (devant gutturales et rech). La voyelle (brève suivie d’un daguèch fort) est allongée devant une gutturale (et rech).
Voyelles abregees (si le mot est allongé)
Le mot se trouve allongé par l’adjonction de suffixes. Pour faciliter la prononciation du mot (allongé), il subit un changement de voyelle (s). La voyelle de la première syllabe est abrégée, et c’est parfois aussi le cas de la voyelle de la deuxième syllabe[2].
Ces suffixes viennent marquer le féminin, le pluriel ou les pronoms; ou encore les formes conjuguées).
Féminin - גָּדוֹל gadol devient גְּדוֹלָה guédola au féminin.
Futur ou impératif employés sous une forme allongée avec la terminaison kamats suivi de hé: נִשְׁמֹר nichmor (garder), devient נִשְׁמְרָה nichméra (allons, gardons!)[3].
5.6.2. La vocalisation des mots en pause
Dans le verset, il y a deux grandes pauses indiquées par les deux signes majeurs d’interruption que sont atna’h et sof passouk (ou silouk).
Lorsqu’un mot est en grande pause, la syllabe portant le ton doit avoir une voyelle longue. Si elle est courte lorsque le mot est en milieu d’énoncé, la voyelle accentuée de ce mot doit donc être allongée en grande pose[4].
Nous avons vu plus haut le cas concernant les mots ségolés. Cela concerne aussi d’autres voyelles.
La vocalisation des mots en grande pause: règle générale et quelques cas
Règle | en milieu d’énoncé | en grande pause: | ||||||||||||
Règle générale: la voyelle accentuée d’un mot est allongée lorsque ce mot est en pause. | מַים mayim = eaux (mem accentué pata’h); שָׁמַר chamar = il garda (mem pata’h/rech) Autres cas: bayit, mayim, yayin. | - מָֽים mayim (mem kamats accentué silouk; שָׁמָֽר Chamar (mem kamats accentué silouk/rech) | ||||||||||||
L’accent milra’ s’allonge remontant souvent sur l’avant-dernière syllabe. | אַתָּה ata = tu (aleph patha’h) | - אָֽתָּה ata (aleph kamats accentué silouk)) | ||||||||||||
Un chéwa composé (‘hataf chéwa) prend le timbre de la voyelle brève correspondante. Cette voyelle est allongée et porte l’accent. | אֲנִי ani = je (aleph, chéwa pata’h) | - אָֽנִי ani (aleph kamats accentué silouk) | ||||||||||||
Les noms ségolés avec ségol sur les deux premières consonnes:
| חֶרֶב ‘Hereb = épée
| - חָֽרֶב ‘Harèb (‘het kamats accentué silouk)
| ||||||||||||
| mélekh | Mélèkh n’est jamais à la forme pausale[6] |
La vocalisation des mots en grande pause: le cas des mots comportant un chéwa audible
Règle | Mot en milieu d’énoncé | En pause, le mot devient |
Un chéwa audible prend le timbre de la voyelle voisine | פְּרִי péri = fruit (pé daguèch chéwa) | - פֶּֽרִי péri = fruit (pé daguèch ségol accentué silouk) |
et se déplace sur la syllabe ainsi vocalisée | יָדֶֽךָ Yadékha = ta main (dalet chéwa/khaf final kamats) | - יָֽדְךָ yadékha (dalet ségol accentué silouk) |
La vocalisation des mots en grande pause: le cas des verbes
Règle | verbe. | verbe - avec les syllabes additionnelles des désinences | En pause, la voyelle de la seconde syllabe réapparait |
La voyelle de la seconde syllabe réapparait en pause (alors qu’elle | שָׁמַר | שָֽׁמְרָה | שָׁמָֽרָה |
tombe avec les syllabes additionnelles des désinences). | שָֽׁמְרוּ | שָׁמָֽרוּ |
La vocalisation des mots en pause moyenne
| En pause moyenne |
Parfois: effet des grandes pauses[7]. | וַתְּהִ֨י לָהֶ֤ם הַלְּבֵנָה֙ לְאָ֔בֶן (Béréchit 11, 3) |
[1] Nous empruntons nos exemples à Moché Horowitz auquel nous renvoyons le lecteur pour plus de détails (2000, pp. 31-34).
[2] Moché Horowitz, 2000, p. 31.
[3] Moché Horowitz, 2000, p. 59.
[4] Lorsque le mot termine un membre de phrase « on a tendance, en lisant à haute voix, à prolonger la syllabe accentuée du dernier mot de l’énoncé, c’est-à-dire du mot ‘en pause’ ». Weingreen J. (2004), Hébreu biblique. Méthode élémentaire, p. 30. Voir aussi: pp. 138-141.
[5] Les Séfarades disent "guéfen" et non "gafen" pour la bénédiction sur le vin puisque ce mot quoiqu'en grande pause n'est pas lu dans la Torah.Selon d'autres coutumes, il conviendrait de dire "gafen" puisque le mot est en grande pause.
[6] Kessler-Mesguich, 2008, p.368.