5.5.2. La mobilité du ségol dans la Torah - avant les grandes poses
Règle
Le ségol subit une mobilité en situation de grande pause dans le texte de la Torah. On ne lit plus « é » mais « a ». Le sujet est développé dans le chapitre suivant. Indiquons ici succinctement que lorsqu’un mot est en grande pause, la syllabe portant le ton doit avoir une voyelle longue. Si elle est courte lorsque le mot est en milieu d’énoncé, la voyelle accentuée de ce mot doit donc être allongée en grande pose[1].
Il en résulte qu’il est correct, dans les textes ci-après, de lire :
- nafèch au lieu de : dans וְנָֽתַתָּ֥ה נֶ֖פֶשׁ תַּ֥חַת נָֽפֶשׁ׃ (Chémot 21,23);
- ‘hobaret au lieu de ‘hobéret dans וְעָשִׂ֜יתָ חֲמִשִּׁ֣ים לֻֽלָאֹ֗ת עַ֣ל שְׂפַ֤ת הַיְרִיעָה֙ הָֽאֶחָ֔ת הַקִּֽיצֹנָ֖ה בַּחֹבָ֑רֶת וַֽחֲמִשִּׁ֣ים לֻֽלָאֹ֗ת עַ֚ל שְׂפַ֣ת הַיְרִיעָ֔ה הַחֹבֶ֖רֶת הַשֵּׁנִֽית׃ (Chémot 26, 10);
- וְשַׂמְתָּ֤ אֹתוֹ֙ עַל־פְּתִ֣יל תְּכֵ֔לֶת וְהָיָ֖ה עַל־הַמִּצְנָ֑פֶת אֶל־מ֥וּל פְּנֵֽי־הַמִּצְנֶ֖פֶת יִֽהְיֶֽה׃ (Chémot 28,37); dans le même verset on lit d’abord hamintsnafèt puis hamitnèfèt;
- bala‘hbarèt au lieu de ha’hobérèt dans : וַיַּ֜עַשׂ לֻֽלָאֹ֣ת חֲמִשִּׁ֗ים עַ֚ל שְׂפַ֣ת הַיְרִיעָ֔ה הַקִּֽיצֹנָ֖ה בַּמַּחְבָּ֑רֶת וַֽחֲמִשִּׁ֣ים לֻֽלָאֹ֗ת עָשָׂה֙ עַל־שְׂפַ֣ת הַיְרִיעָ֔ה הַחֹבֶ֖רֶת הַשֵּׁנִֽית׃ . « il fait des brides, cinquante, sur le bord de la tenture extrême, à l’assemblage, et cinquante brides, il les fait sur le bord de la tenture du deuxième assemblage » (Chémot 36, 17) ;
- Kasèf au lieu de késèf dans וָֽוֵיהֶ֣ם כֶּ֔סֶף וְצִפּ֧וּי רָֽאשֵׁיהֶ֛ם וַחֲשֻֽׁקֵיהֶ֖ם כָּֽסֶף׃ (Chémot 38, 19) ;
- Zamer וָזָֽמֶר׃(Débarim 14, 5) au lieu de zémer[2] ;
- Naga’ אֶת־הַנָּ֑גַע (Wayikra 13,13) remplace néga’ הַנֶּ֔גַע (Wayikra 13,12).
Exceptions - En principe cette règle ne s’applique qu’aux grandes pauses, c’est-à-dire à l’atna’h et au sof passouk.
Notons une exception dans le dernier verset de la paracha Mikets. Nous constatons la mobilité du ségol de ‘ébed devenu ‘abèd, sur un mot pourtant affecté d’une pause secondaire, le signe “zakef katone”. וַיֹּ֕אמֶר חָלִ֣ילָה לִּ֔י מֵֽעֲשׂ֖וֹת זֹ֑את הָאִ֡ישׁ אֲשֶׁר֩ נִמְצָ֨א הַגָּבִ֜יעַ בְּיָד֗וֹ ה֚וּא יִֽהְיֶה־לִּ֣י עָ֔בֶד וְאַתֶּ֕ם עֲל֥וּ לְשָׁל֖וֹם אֶל־אֲבִיכֶֽם׃ (Béréchit 44, 17). Mais, si la Torah est éclairée par la connaissance des règles de grammaire, les indications des Massorètes, provenant de la tradition orale qui nous vient du Sinaï, prévallent toujours.
Notons que le mot mélèkh n’est jamais à la forme pausale[3].
Attention
Cette règle est très utile pour le lecteur de la Torah. Dans la paracha Métsora’, à plusieurs reprises les mots suivants apparaissent עַד־הָעָֽרֶב׃ « jusqu’au soir » (Wayikra 14,46 ; 15,5 ; 15,6 ; 15,7 ; 15,8 ; 15,10 ; 15,11 ; 15,16 ; 15,17 ; 15,18 ; 15,19 ; 15,21 ; 15,22 ; 15,23 ; 15,24) ; ou עַד־הָעָ֑רֶב (Wayikra 15,10). Ils seront évidemment lus ‘ad-ha’areb le mot ségolé ‘érev « soir » étant en position pausale.
L’apparition de mot « ‘érev » (se lisant ‘érev) à la fin du chapitre 13 (paracha Tazria’ qui est d’ailleurs souvent lue avec la paracha Métsora’ et sa série de 16 répétitions dans les deux chapitres suivants) pourrait perturber le lecteur peu méticuleux lors de la lecture du verset suivant : וְאִם֮ רָאָ֣ה הַכֹּהֵן֒ וְהִנֵּה֙ כֵּהָ֣ה הַנֶּ֔גַע אַֽחֲרֵ֖י הֻכַּבֵּ֣ס אֹת֑וֹ וְקָרַ֣ע אֹת֗וֹ מִן־הַבֶּ֨גֶד֙ א֣וֹ מִן־הָע֔וֹר א֥וֹ מִן־הַשְּׁתִ֖י א֥וֹ מִן־הָעֵֽרֶב׃ « Si le Cohen voit, et voici, la plaie s’est atténuée après avoir été lavée, il la déchirera du vêtement ou du cuir, ou de la trame » (Wayikra 13,56). Pourtant la règle est parfaitement respectée même si ‘érev est en position pausale ; en effet le mot n’est pas le mot « soir » effectivement ségolé, mais le mot « trame » dont le ‘ayin porte un tséré et non un ségol.
Le contexte du verset interdit de comprendre « soir », et de prononcer le mot de manière erronée. Quel sens y aurait-il de comprendre « il la déchirera du vêtement ou du cuir, ou du soir » ?
Règle selon les Achkénazes
Ceci dit, dans l’usage de l’hébreu en-dehors des versets de la Torah, on constate une divergence enter Séfarades et d’autres coutumes. Les Séfarades limitent l’emploi de cette règle au texte de la Torah alors que les Achkénazes maitiennent que la règle ci-dessus a une valeur générale (y compris pour le texte de la prière par exemple). Ils disent donc:
- pour la bénédiction sur le vin: “boré péri hagafèn” alors que les Séfarades disent: “boré péri hagéfèn”;
- dans la lecture des dix-huit bénédictions: “morid hagachèm” alors que les Séfarades disent: “morid haguéchèm”.
[1] Lorsque le mot termine un membre de phrase « on a tendance, en lisant à haute voix, à prolonger la syllabe accentuée du dernier mot de l’énoncé, c’est-à-dire du mot ‘en pause’ ». Weingreen J. (2004), Hébreu biblique. Méthode élémentaire, p. 30. Voir aussi: pp. 138-141.
[2] Voir dracha sur la paracha Chémini sur la discussion sur la traduction de Zémer)