Le fils du commandant
Récit rabbinique (Union soviétique, vers 1975)
Ce récit a été raconté au nom d'un rabbin ayant exercé ses fonctions au temps de l'Union soviétique. Sans être formellement interdite, la pratique de la circoncision était mal vue et les Juifs étaient souvent amenés à ne pas la faire parce que les conditions n'étaient pas réunies pour cela.
Comme le texte précédant, ce récit témoigne de l’attachement pour la mitsva de la circoncision que ressent tout juif, même extrêmement éloigné de toutes les autres mitsvot.
Le mohel entendit frapper à sa porte. Qui pouvait bien venir chez lui? se demanda-t-il. De fait, rares étaient ceux qui osaient braver la morale communiste de l'époque. Encore plus rares étaient ceux qui osaient faire circoncire leur fils. Il alla ouvrir et se retrouva devant un officier russe dont le gabarit était imposant. Il lui demanda ce qu'il lui voulait avec une certaine appréhension. Même en étant en règle, il était toujours possible d'être pris en défaut par suite de l'interprétation tatillonne et mal intentionnée de la loi.
L'officier le rassura: il n'avait rien contre lui. Il était seulement venu lui demander de circoncire son fils. La stupéfaction du mohel était grande, mais il posa les questions qu'il fallait: obtenant toute les assurances nécessaires sur la qualité de juive de la mère, il poursuivit la discussion et s'enquit des modalités pratiques pour circoncire l'enfant. L'officier lui indiqua l'adresse: l'appartement aurait la porte ouverte.
Inquiet par cette procédure peu usuelle susceptible de cacher un piège, le mohel n’avait pas avoir le choix. Il ne pouvait se soustraire à ses obligations : il lui fallait faire entrer cet enfant dans l'alliance d'Abraham. Secondé par un de ses amis, il trouva l'appartement, y entra, et procéda à la circoncision.
Quelques temps plus tard, l'officier frappa de nouveau à sa porte. Il le remercia pour la circoncision bien faite et n'ayant posé aucune complication médicale.
Alors, le mohel tint à lui poser une question qui le tracassait.
"Expliquez-moi pourquoi vous vous préoccupez de la circoncision de votre fils alors que vous êtes un important officier soviétique et comme tel, peu enclin à respecter les différentes mitsvot de la Torah? "
L'officier lui répondit laconiquement. C'était très simple. « Je suis juif et mon fils aussi. C’est pourquoi je le fais circoncire à huit jours, car c'est une vieille tradition familiale ».
Le mohel fut très ému de constater la force de l'attachement à cette mitsva particulière même chez des personnes très éloignées de la religion juive.