Une bénédiction pour Ali, l’apprenti boulanger
Récit populaire (Tunisie, 19ème siècle) [1]
Une nuit de chabbat, un jeune apprenti boulanger arabe prit l’initiative d’aider un vieux rabbin en panne de lumière.
En se rendant à son travail, il passa comme à son habitude devant le domicile du rabbin. Mais contrairement aux autres nuits, aucune lumière ne filtrait de la fenêtre. Or, il était de notoriété publique que ce sage se levait après un court sommeil pour prolonger son étude jusqu’à l’aube. Ali décida de frapper à la porte. Lorsque le rabbin vint lui ouvrir, il le salua respectueusement et sans que rien ne lui soit demandé, il alluma la lampe qui s’était éteinte prématurément et s’assit un peu pour profiter lui-même de cette lumière. Le rabbin, reconnaissant, bénit le jeune Ali : grâce à lui, il pourrait continuer son étude malgré un malencontreux courant d’air.
Quelques temps plus tard, Ali hérita d’un oncle parti dans un pays lointain et ses affaires prospérèrent. Il devint négociant et s’établit en Egypte. Des années plus tard, le rabbin et ses disciples voyageant vers Jérusalem, firent halte en Egypte. Or, le chemin d’Ali croisa celui du vieux rabbin. Reconnaissant sans peine dans le vieillard qui passait, ce même rabbin qui l’avait béni dans sa jeunesse - et à qui il savait devoir toute sa réussite - il décida de prendre à sa charge l’hébergement et la nourriture (cachère) des voyageurs pendant leur séjour dans sa ville. Il insista pour qu’ils restent plus longtemps que prévu, car les juifs de la ville souhaitaient entendre ses enseignements. Lorsque les voyageurs décidèrent de continuer leur pèlerinage, Ali prit en charge l’organisation du voyage et les confia à son homme de confiance qui les conduisit jusqu'au port de Jaffa.
Ce conte (comme les précédents) rappelle le temps où les bonnes relations
judéo-arabes étaient non seulement fréquentes, mais allaient de soi, dans le
respect mutuel.
[1] Source orale de Tunisie. Voir aussi P. Sadeh, 1989, pp. 112-117 et note p. 428