Récit familial (Monastir, Tunisie, vers 1900) [1]
Madame Bourguiba habitait Monastir. Cette année-là, elle avait eu un enfant qui fut prénommé Habib.
Mais elle n'avait pas beaucoup de lait. Sa voisine et amie, Fertouna Mamou venait d'avoir un bébé. Apprenant que Madame Bourguiba ne pouvait plus allaiter, elle proposa de fournir à l'enfant le lait que sa voisine n'avait pas : « Il n'y a pas mieux que le lait des mamans pour que les bébés soient en bonne santé! Il ne faut pas que le petit Habib manque de lait ! ».
Des nourrices dans le besoin se faisaient rétribuer, mais Fertouna n’accepta le moindre sou pour son dévouement, car en ce temps-là, les voisins arabes ou juifs, se considéraient comme étant de la même famille.
C'est ainsi que le jeune Habib a eu une nourrice juive. Il allait devenir le premier Président de la République tunisienne lorsque prit fin le Protectorat de la France en 1956 [2] .
[1] Source : de Swira M., belle-fille de Fertouna (collecte vers 1980). J'ai entendu ce récit de plusieurs Juifs tunisiens, mais plusieurs ignoraient le nom et le prénom de la nourrice juive.
[2] Autre histoire populaire sur un chef d’Etat tunisien élevé par une femme juive: Oumi Couka a élevé comme son fils un enfant qui devint Bey (Ch. Haddad de Paz, 2000, pp. 210-211).