Psaume 119 - ALEPH (versets 1 à 8)
extrait de
Hillel Bakis (2014), Pour lire les Psaumes. Etude de l’Alphabéta (Ps. 119). Texte. Phonétique et rythme. Nouvelle traduction. Commentaires. Abrégé grammatical, X-294 p. Editions Bakish, Montpellier, déc.
La valeur numérique de cette lettre est UN. Aleph désigne Celui qui est UN[1] et fait allusion à l’âme humaine qui se tourne vers le haut pour recevoir les enseignements divins[2].
Cette lettre évoque aussi la vérité (émet / אמת). Sa forme démontre que la vérité tient debout (sur ses deux « jambes »)[3]. Mais la Vérité elle-même, c’est le Tout-Puissant, comme il est écrit לְעוֹלָ֗ם וֶֽאֱמֶת־יְיָ « et la vérité de D.ieu pour toujours » (Ps. 117). La vérité est donc obtenue en suivant la voie de D.ieu et par l’étude de Sa loi.
Ce huitain sert d’introduction au plus long des psaumes. Ses premiers mots affirment le bonheur de qui est parfait dans la voie divine, observant Ses commandements.
Il a pour thème l’obligation de l’étude de tous ceux « qui marchent dans la Torah de D.ieu » (v. 1) ; « qui suivent Ses lois » (v. 2) car « Tes prescriptions » (v. 4) et « Tes préceptes » (v. 5) doivent être gardées.
א אַשְׁרֵ֥י תְמִֽימֵי־דָ֑רֶךְ
הַהֹֽלְכִ֗ים בְּתוֹרַ֥ת יְיָֽ ׃
Haholékhim[6] bétorat[7] Ado.naï[8]
1- Heureux[9] ceux dont la conduite est intègre [10]
Qui suivent[11] la Torah d’Ado.naï[12]
ב אַ֭שְׁרֵֽי נֹֽצְרֵ֥י עֵֽדֹתָ֗יו
בְּכָל־לֵ֥ב יִדְרְשֽׁוּהוּ׃
Achré[13] notséré[14] ‘édotav[15]
Békhol[16] - lév yidréchouhou[17]
2- Heureux ceux qui observent[18] Ses lois[19]
De tout cœur ils le recherchent[20]
Af[21] lo[22] - fa’alou[23] ‘avla
3- Même[26] s’ils ne commettent[27] pas d’injustice[28]
Sur Ses voies ils iront[29]
Atta[30] tsivvita[31] fikkoudèkha[32]
Lichmor[33] méod
4- Toi Tu as donné Tes directives
A observer[34] strictement[35]
A’halay[36] yikkonou[37] dérakhay[38]
Lichmor ‘houkkèkha[39]
5- Ah ![40] Qu’ils soient fermes mes pas[41]
Béhabbiti[45] él - kol[46] - mitsvotèkha[47]
6- Alors je n’aurai pas honte[48]
En portant mon regard vers tous Tes commandements[49]
ז אֽ֭וֹדְךָֽ בְּיֹ֣שֶׁר לֵבָ֑ב
בְּ֝לָמְדִ֗י מִשְׁפְּטֵ֥י צִדְקֶֽךָ׃
Odékha[50] béyochèr[51] lévav[52]
Bélomdi[53] michpété[54] tsidkèkha
7- Je Te remercie[55] d’un cœur droit[56]
En m’instruisant[57] des jugements [58] de Ta justice
Et[59] - ‘houkkèkha èchmor[60]
Al - ta’azvéni[61] ‘ad - méod
8- Tes décrets je garderai parfaitement[62]
Ne m’abandonne pas
[1] Sens - א Cette lettre est tracée par une ligne diagonale (waw) entourée en haut et en bas de deux youd-s. Le total des valeurs numériques des trois lettres nécessaires pour dessiner l’aleph fait 26 (6+10+10) soit l’équivalent de la somme des valeurs des lettres composant le Tétragramme.
[2] Sens - Le youd du bas est tourné vers celui du haut. R’ Pin’has Pachter (2001), p. 9. Noter par ailleurs que la racine du mot aleph renvoie à l’étude en général comme on s’en rend compte avec un mot oulpan (lieu d’apprentissage de la langue hébraïque).
[3] אוֹתִיוֹת דְּרַבִּי עֲקִיבָא (Midrach Alphabet de Rabbi Akiba).
[4] Prononciation (voyelles) - Des différences de prononciation existent tant chez les Sépharades que chez les Achkénazes. Pour que chaque lecteur puisse utiliser ce livre conformément à la prononciation des voyelles selon sa coutume, nous figurons en italique le ségol par « é », le tséré par « é » et le chéva na’ prononcé selon la règle 3 du chéva na’ par un petit « é ». Quant au chéva na’ prononcé en application des autres règles, nous le représenterons par un « é » non en italique (voir les explications données ci-dessus, page X). De la sorte, notre transcription phonétique pourra être utilisée par chacun, selon sa coutume : ce n’est pas une prescription de prononciation.
[5] Accent tonique - L’accent est milé’el*. La syllabe* accentuée est soulignée dans la transcription phonétique. Dans le texte hébreu elle est représentée en gras et avec une taille un peu supérieure.
Grammaire - Darèkh et non Dérèkh - mot ségolé en grande pause (ta’am* atna’h).
Prononciation (voyelles) - Noter qu’il existe des pratiques différentes sur la prononciation du ségol*. Certains tiennent à distinguer entre le ségol* et le tséré* (ici par exemple mèlèkh et non mélékh).
Grammaire - Etat construit* : les deux mots sont articulés comme s’ils n’en formaient qu’un seul (état construit*). D’où des changements de vocalisation : la terminaison d’origine du premier mot est יִם (תמים) mais le mem final disparaît.
Grammaire אַשְׁרֵ֥י תְמִֽימֵי־דָ֑רֶךְ - On constate que le taw et le dalet ne comportent pas de daguèch* (contrairement à ce qui est la règle pour bet, guimel, dalet, kaf, phé, tav (dites bégedkéfet*) en position initale. Ils sont « adoucis » après un mot terminé par une lettre composant le Nom de D.ieu (hé, waw et yod du Tétragramme et aleph / Un. Ces lettres sont dites אֶהֱוִ״י éhévi*).
Traduction - תְמִֽימֵי־דָ֑רֶךְ « les intègres du chemin », « intègres dans leur voie ».
[6] Prononciation (chéva*) - הַהֹֽלְכִ֗ים haholkhim. Certains lisent haholékhim (Ps. Ich Maçlia’h ; Abraham Shmueloff) ; d’autres lisent « haholkhim» (pas de « é »). Les premiers considèrent que le chéva* est précédé d’une voyelle* longue (règle 3 du chéva na’). Mais le ‘holam ‘hasser n’est pas une voyelle longue et la règle 3 ne devrait pas s’appliquer. Or, ils considèrent que la présence de la ga’ya* sous la consonne dotée du ‘holam ‘hasser freine la lecture « allongeant » cette voyelle. Voir : ‘holam et ga’ya*. Autre raison : le chéva* est entouré de deux signes (ici הַהֹֽלְכִ֗ים ). Comme il y a controverse sur la vocalisation, nous ne plaçons pas de chéva en gras comme le font tant d’éditeurs orientant la lecture selon leur tradition. Laissons nos lecteurs appliquer leur propre coutume.
Texte - Noter rabia’ gadol (הַהֹֽלְכִ֗ים) dans Sidour téphilat ha’hodech (T h’H), Livourne. Mais on trouve rabia’ mougrash (הַ֝הֹֽלְכִ֗ים) dans le texte d’autres éditeurs dont PIM ; Mechon Mamré, PMDT ; Keren, PCh’H, KNR. Le rabia’ est disjonctif. Le rabia’ gadol est plus disjonctif que le rabia’ mougrach.
Grammaire (pronom) -הַהֹֽלְכִ֗ים ce hé remplace le pronom relatif אֲשֶׁר.
הֹֽלְכִ֗ים - Troisième personne, inaccompli* (masc. plur.) ; pa’al *; racine : הלך).
[7] Prononciation (voyelles) - Le « è » du ségol * est légèrement distingué du « é » du tséré par certains lecteurs.
Grammaire (lettres prépositions) - בְּתוֹרַ֥ת Vocalisation des lettres prépositions* ב, כ et ל : ces trois lettres prépositions prennent un chéva* sauf cas particuliers.
Grammaire (état construit)- בְּתוֹרַ֥ת Le tav final marque un état construit* (la Torah de Hachèm).
[8] Cantilation - ta’am* silouk (sof passouk).
[9] Sens - אַשְׁרֵ֥י Ce mot ouvre aussi les Téhilim (Ps. 1,1). L’initiale renvoie à l’étude.
[10] Sens - תְמִֽימֵי־דָ֑רֶךְ - dont la conduite est droite. Le mot תמ signifie « simplet » dans la haggadah de Pessa’h (tam ma hou omer). Il est utilisé dans un autre sens pour qualifier Ya’akob étudiant la Torah des patriarches Chèm et’ Eber וְיַֽעֲקֹב֙ אִ֣ישׁ תָּ֔ם יֹשֵׁ֖ב אֹֽהָלִֽים׃ « Et Ya’akov, homme simple » (Béréchit 25, 27). Rachi explique qu’il est appelé ainsi parce qu’il ne savait pas tromper les autres (Rachi), d’où la traduction par « intègre ». Ce premier verset du psaume 119 indique que ce niveau est atteint en orientant sa vie vers l’étude de la Torah - Chlah hakadoch, commentaire des Téhilim, Amsterdam (5476) ; Vilna (5689).
Vivre selon la loi de D.ieu est inséparable de la perfection… Dès le début de ce psaume, est utilisé le qualificatif que D.ieu avait attribué au patriarche Abrahamהִתְהַלֵּ֥ךְ לְפָנַ֖י וֶֽהְיֵ֥ה תָמִֽים׃ « Marche devant Moi et sois intègre » (Béréchit 17,1). Une fois pris cet engagement l’être humain peut s’appuyer sur D.ieu et le prier de ne pas le laisser s’égarer loin de Ses commandements (מִמִּצְוֹתֶֽיךָ, v. 10), de lui enseigner Ses décrets (חֻקֶּֽיךָ, v. 12), qu’Il lui fasse comprendre Ses préceptes (פִּקּוּדֶ֥יךָ, v. 27) et lui accorde Sa Torah, par grâce (וְֽתוֹרָֽתְךָ֥ חָנֵּֽנִי׃, v. 29). La démarche prônée par le roi Chélomo dans ses Proverbes est similaire: בְּטַ֣ח אֶל־יְיָ בְּכָל־לִבֶּ֑ךָ וְאֶל־בִּ֥֝ינָתְךָ֗ אַל־תִּשָּׁעֵֽן׃
בְּכָל־דְּרָכֶ֥יךָ דָעֵ֑הוּ וְ֝ה֗וּא יְיַשֵּׁ֥ר אֹֽרְחֹתֶֽיךָ׃ « Confie-toi en Ado.naï de tout ton cœur mais ne t’appuie pas sur ton intelligence. Dans toutes tes voies reconnais-Le et Il aplanira ton chemin » (Michlé 3, 5-6) ; d’après Emmanuel, 1963, p. 323.
Bien avant le Psalmiste, Moché avait demandé à Israël d’être intègre תָּמִ֣ים תִּֽהְיֶ֔ה עִ֖ם יְיָ אֱלֹהֶֽיךָ׃ « Soyez intègre envers D.ieu » (Dévarim 18, 13). Le Midrach Cho’her Tov explique que cette qualité d’intégrité caractérise l’œuvre divine elle-même, comme il est écrit : הַצּוּר֙ תָּמִ֣ים פָּֽעֳל֔וֹ « Il est le Rocher, parfaite est Son œuvre » (Dévarim 32, 4).
Sens - תְמִֽימֵי - Ce mot rend l’idée d’une perfection absolue. On le retrouve dans תּ֘וֹרַ֤ת יְיָ תְּ֭מִימָה « la Torah de Hachèm est parfaite » (Ps. 19, 8).
[11] Sens - הַהֹלְכִים « marchent ». « Qui suivent » est plus élégant en langue française : « Heureux ceux dont la voie est intègre, qui suivent la Loi de l’Eternel! » (BdR). Noter que le psaume ne s’adresse pas à une seule personne. Le verbe est au pluriel en effet. Contre-sens - Des traducteurs prennent des libertés avec le Texte : ainsi La Bible. Nouvelle traduction traduit : « qui se dirige…. Il avance » (Bayard, 2001, p. 1388). Aussi convient-il d’être très prudent avec les traductions. Il vaut mieux se détourner de certaines traductions non rabbiniques et au minimum, de toujours se référer à l’original.
[12] Traduction - Ailleurs, le Tétragramme sera rendu en principe par « mon D.ieu ».
Grammaire - bétorat ‘H : c’est un état construit* : « la loi de… »..
[13] Cantilation - Le mot אַ֭שְׁרֵֽי est affecté du signe dé’hi* (ou tif’ha). Ce ta’am* disjonctif est positionné sous la première consonne du mot. Il n’indique pas la syllabe* portant l’accent: c’est la ga’ya* (petit trait vertical à gauche de la voyelle) qui indique ici la syllabe* tonique.
[14] Prononciation (Tsadé*) - Certains juifs originaires d’Afrique du Nord prononcent Tsadé comme un « s » appuyé (Sion et non Tsion) et non par « ts » (son qui n’existe dans aucune langue sémitique comme l’a noté le Pr. Cassuto).
Prononciation (chéva*) - נֹֽצְרֵ֥י notsré ou notséré (selon la règle qui veut que le chéva* soit na’ « é » si précédé d’une voyelle* longue non ponctuée hors gutturale*. Mais il existe une controverse sur l’application de cette règle grammaticale qui ne fait pas l’unanimité. .
[15] Prononciation (waw) - Certains juifs séfarades ou orientaux prononcent le waw à la manière arabe (wi se prononce alors comme « oui » en français). Ils disent ‘édotaw. Ainsi, סוַר swar se lirait comme le mot français « soir ».
Texte - Noter rabia’ (עֵֽדֹתָ֗יו) dans plusieurs éditions dont Erez (p. 504, dans Sidour téphilat ha’hodech, Livourne) ; Institut Mamré (en ligne Mechon Mamré), du R’ Rosenberg (New York) ; du Kollel Ner Raphaël (KNR) ; du Makhon Chira ‘Hadacha (PCh’H). Mais on trouve rabia’ mougrash dans le texte d’autres éditeurs dont l’Institut Ich Maçlia’h (PIM) ; La maison du Taleth, Paris (PMDT), Keren (Psaumes avec le commentaire de R’ Na’hman de Breslev, Bet Chemech). Nous suivrons les indications du sidour Téphilat ha’hodech (qui suit la coutume des Sépharades d’Afrique du Nord).
[16] Prononciation (kamats) - בְּכָל־לֵ֥ב Le kamats* suivi du trait d’union (makaf) se prononce « o ».
Accent tonique - nous représentons en gras la syllabe portant l’accent tonique, sauf pour les mots d’une seule syllabe ne faisant pas partie d’un mot composé).
Grammaire - בְּכָל Vocalisation de la préposition* ב : un chéva (c’est le cas simple).
[17] Prononciation (chéva) - יִדְרְשֽׁוּהוּ. Le second chéva* (un signe composé de deux points superposés situés sous la lettre) se prononce. C’est le cas chaque fois que deux chéva-s se suivent (voir abrégé grammatical en fin d’ouvrage- règle 2).
Verbe - יִדְרְשֽׁוּהוּ. Troisième personne de l’inaccompli* (יִדְרְשׁוּ passé). Forme active simple pa’al (masculin pluriel); racine דרש.
[18] Sens - נֹצְרֵי Idée de préservation. Natsar : préserver.
Traduction : « les gardants » (C&L1).
[19] Sens - עֵדֹתָיו Ses lois de témoignage. Il existe trois catégories de lois dans la Torah. Voir, ci-dessus (introduction, pp. 26-28) ; voir aussi les pp. 83-84 dans Commenter Chémot, tome 2 de notre série La voix de Jacob, 2013.
[20] Traduction - « De tout cœur ils le recherchent » (R’ Benzaquen); « le recherchent de tout leur cœur » (BdR, Gal.).
[21] Cantilation - Le ta’am* disjonctif dé’hi* est prépositif (positionné sur la première consonne du mot), il n’indique pas la syllabe* tonique (pour les mots comprenant plus d’une syllabe*).
[22] Texte séfarade (Ich maçlia’h) - Le mot apparaît sans une ga’ya*, mais la ga’ya* (לֹֽא) figure à la fois dans d’autres éditions.
[23] Verbe - פָעֲל֣וּ Troisième personne de l’accompli* (passé). Forme active simple pa’al ; racine פעל.
Grammaire (suffixe)- Le suffixe est accentué, il fait « tomber » la voyelle* de la consonne précédente. Cela veut dire qu’on a un chéva ou un ‘hataf* (ici chéva pata’h) qui est un chéva vocalisé.
[24] Prononciation (waw) - Certains séfarades prononcent le waw à la manière arabe. Ils disent bidrakhaw.
Grammaire - בִּדְרָכָ֥יו Vocalisation des lettres prépositions* ב, כ et ל. Ici 'hirik 'hasser et non chéva car la préposition* précède une consonne* portant elle-même un chéva*.
[25] Accent tonique - L’accent tonique* ne porte pas sur la dernière syllabe (ici suffixe) ; la voyelle* de la consonne* précédente subsiste.
Verbe - הָלָֽכוּ Troisième personne de l’accompli* (passé, pluriel). Forme active simple (pa’al ; racine : הלך).
[26] Sens - אַ֭ף Cette particule vient inclure toutes les actions non fautives : cela ne suffit pas qu’elles soient sans iniquité. Elles doivent être faites dans l’esprit particulier indiqué par les mots suivants : « ils ont marché dans Ses voies » (d’après Rachi). S’ils ne commettent pas d’iniquité, ce ne doit pas être motivé par la crainte du châtiment mais le choix positif d’aller dans Ses voies. Rachi explique que, même s’ils n’ont pas commis d’iniquité, leur récompense ne sera entière que s’ils ont « marché dans Ses voies » et précise : Il en va de même pour ס֣וּר מֵ֭רָע וַֽעֲשֵׂה־ט֑וֹב « Eloigne-toi du mal et fais le bien » (Ps. 34,15) ; « Mëme si tu t’écartes du mal, tu ne peux prétendre à l’intégrité que si tu ‘fais le bien’ (Midrach Aggada, cit. Rachi). Dans notre verset, c’est l’interprétation du mot אַ֭ף, qui apporte cette idée de restriction. Sur les règles d’interprétation (inclusion, exclusion) transmises par Na’houm Ich Gamzou et R’ ‘Akiba, voir notre ouvrage Interpréter la Torah, 2013, pp. 167-174.
[27] Traductions - L’aspect verbal à l’accompli (passé) doit etre compris et traduit par un inaccompli (présent ou futur). R’ Benzaquen traduit « ils ne feront pas (par peur du châtiment) » et précise « verbe au passé, traduit au futur (selon le Meiri). La BdR utilise un participe présent : « se gardant bien de commettre »). Cependant, le passé est utilisé par R’ Rosenberg (« Not only have they committed »).
[28] Sens - אַ֭ף לֹא־פָעֲל֣וּ עַוְלָ֑ה S’ils n’ont pas commis d’iniquité uniquement motivés par la peur du châtiment, leur mérite est incomplet. C’est par idéal qu’ils doivent marcher dans les voies du Saint béni soit-Il (d’après Rachi et Méïri). Ne pas faire le mal est très insuffisant : il convient aussi d’avoir une conduite tournée vers la pratique du bien comme l’a déjà déclaré le Psalmiste : ס֣וּר מֵ֭רָע וַֽעֲשֵׂה־ט֑וֹב « Eloigne-toi du mal, et fais le bien » (Ps. 34, 15).
Traductions - L’aspect du verbe* est au passé (accompli) mais on doit le traduire par un inaccompli selon la tradition reçue de nos maîtres. Cela veut dire à l’inaccompli donc par un futur ou un présent : « ils iront (par idéal) » (R’ Benzaquen qui précise en note « verbe au passé, traduit au futur ») ; marchent dans ses voies!» (BdR) ; ou encore : « ils vont ». Mais certains s’en tiennent aux mots, conjuguant au passé : « they walked » (R’ Rosenberg) ; « sont allés » (Meschonnic).
[29] Texte - Ce verset est l’un des trois de ce psaume 119 (avec les v. 90 et 122) où ne figure aucun des huit mots-clés dont nous avons fait état dans l’introduction.
[30] Cantilation - Ta’am* disjonctif dé’hi. La ga’ya*indique ici la syllabe* tonique.
[31] Verbe - צִוִּ֥יתָה - צִוִּיתָ passé. 2ème personne de l’accompli*. Forme intensive active pi’el* (racine צוה). Noter le daguech sur la deuxième consonne de la racine.
[32] Prononciation (daguech) - פִקֻּדֶ֗יךָ La lettre pé (une des consonnes de type bégedkéfet*) est rafé* (se prononce « f »). Elle ne peut avoir de daguèch* faible, étant précédée d’une lettre de type אֶהֱוִ״י (éhévi*) le ta’am* étant conjonctif. On pouvait attendre un daguèch fort mais ce n’est pas un cas de Até méra’hik* (car le hé appartient à la racine verbale .צ.ו.ה).
Prononciation Le ségol (« è ») est parfois distingué du tséré. Certains ne font pas la différence.
Traduction - צִוִּ֥יתָה פִקֻּדֶ֗יךָ « Tu as fixé Tes préceptes » (R’ Benzaquen). On trouve aussi : « Tu as donné tes ordres » (Meschonnic).
Grammaire (daguèch*) - פִקֻּדֶ֗יךָ Noter le daguèch* fort dans le kouf, précédé d’une voyelle* brève non accentuée (‘hirik).
[33] Verbe - לִשְׁמֹ֥ר Infinitif* dit « construit » ou « second » (il dérive de la forme 2 de l’infinitif absolu dit « absolu » ou « premier » qui est à la forme active simple pa’al et a deux formes : 1= שָׁמוֹר ; 2= שְׁמֹר). Racine : שׁמר.
[34] Traduction - Garder (sens littéral). Infinitif. « Afin qu’ils les observent scrupuleusement » (OYY).
[35] Traductions - « très » (litt.). « Strictement » (BdR) ; « scrupuleusement » (OYY) ; « beaucoup » (C&L1) ; « infiniment » (C&L2).
[36] Cantilation - Ce mot est affecté du ta’am* disjonctif dé’hi. On notera la ga’ya qui indique ici la syllabe* tonique.
Verbe - אַֽ֭חֲלַי - impératif*, 2ème personne. Forme intensive active pi’el* (racine אחל). Pi’el, mais absence de daguèch sur la 2e consonne de la racine (gutturale).
Grammaire (interjection) - אַֽ֭חֲלַי est utilisé ici comme particule conditionnelle (suivie de יִכֹּ֥נוּ verbe* à l’inaccompli* le souhait portant sur le futur). C’est une interjection qui exprime un souhait, d’où la nécessité de rendre la nuance en donnant une certaine intonation à ce mot (ce dont nous invite le ta’am* disjonctif). Autres particules conditionnelles lorsque le souhait porte sur le futur ou même le passé : לוּ־מַ֨תְנוּ֙ בְּאֶ֣רֶץ מִצְרַ֔יִם « Si nous étions morts » = « Que ne sommes-nous morts en Egypte ! » (Bamidbar 14, 2). Voir aussi :ֽחֲלֵ֣י devant une proposition nominale (2 Melakhim 5,3).
[37] Traduction - יִכֹּ֥נוּ. « Quelles soient préparées » (C&L1) ; « affermies » (C&L2).
[38] Prononciation - דְרָכָ֗י le chéva* est posé sous la première lettre du mot : il se prononce donc (règle n°1 du chéva na’).
Prononciation (kamats*) - דְרָכָ֗י le deuxième kamats* se prononce « a » (et non « o ») car la syllabe* porte l’accent tonique.
Grammaire (pronoms*) - דְ֜רָכָ֗י Ajout d’un pronom* personnel suffixé au nom.
Traduction - « Heureux ceux dont la voie est intègre, qui suivent la Loi de l’Eternel! » (BdR).
[39] Grammaire - (ֶיךָ ). Pronom personnel suffixé au nom au pluriel (sing. ךָ).
[40] Sens - אַֽ֭חֲלַי La racine précédée du lamad signifie « féliciter » « souhaiter » (לאחל). L’interjection expressive construite à partir de ce verbe vient ici exprimer un souhait. Cela a aussi été rendu par « Ah ! » sous-entendant : « Plût au ciel ! » (C&S1) ; « Puissent… » (C&L2). Contre-sens - Le « Oh » (proposé par Godet) exprime un sentiment alors que le Psalmiste exprime une impatience, un espoir.
Traduction - « Ah! Puissent mes pas être fermes, pour que j’observe… » (BDR) ; « Ma prière… » (R’ Benzaquen) ; « affermiront mes pas » (Gal.).
[41] Traduction - voie, route (litt.). Nous pourrions rendre l’idée par « cheminements ». Nous nous en tenons à « pas » conformément au choix de la Bible du Rabbinat.
[42] Traduction - Comparer avec « Mon souhait fervent est que mes chemins soient dirigés par Toi afin de respecter Tes Statuts » (OYY).
[43] Texte séfarade (Ich maçlia’h) - Une ga’ya* (לֹֽא) figure dans certaines éditions.
[44] Prononciation (vét) - Certains lisent éboch. En Afrique du Nord les Sépharades ne distinguaient pas le bet du vet, prononçant indifféremment « b ». Cette prononciation tend à disparaître sous l’influence de l’hébreu israélien.
Verbe - אֵב֑וֹשׁ Inaccompli*, 1ère personne. Forme simple pa’al* (racine בוש).
[45] Verbe - בְּ֝הַבִּיטִ֗י Impératif, féminin, 2ème personne. Forme causative active hi’il* (racine נבט, avec le sens de « regarder », « observer » si elle est précédée du bet).
[46] Prononciation (kamats) - כָּל־ lire « kol» et non « kal ». Le kamats* suivi du trait d’union (makaf) se prononce « o » [sépharades].
[47] Accent tonique - Les mots reliés par un trait d’union (makaf) forment une seule unité mélodique.
[48] Traduction - « regarderai vers tous » (litt.). « Alors, je ne serai point déçu, en portant mes regards sur tous tes commandements » (BdR) ; « en regardant tous Tes commandements » (OYY). D’autres traduisent : « dans mon regarder » (C&L1) ; « lorsque je contemplerai » (C&L2).
[49] Sens - לֹא־אֵבוֹשׁ Celui qui néglige les mitsvot et transgresse la volonté de D.ieu ne peut qu’avoir honte lorsqu’il se rendra compte qu’il a négligé des mitsvot mentionnées dans la Torah (בְּ֝הַבִּיטִ֗י אֶל־כָּל־מִצְוֹתֶֽיךָ׃). D’après R’ David Kim’hi (né à Narbonne 1160-1235) ; nous utiliserons par la suite son acronyme רד"ק.
Sens - אֶל־כָּל־מִצְוֹתֶֽיךָ R’ Alchekh hakadoch enseigne que cela fait référence à la mitsva des tsitsits (cit. R’ A. Feuer, p. 1418). De fait, c’est en regardant les tsitsits que l’on se souvient de tous les commandements (Rachi). Chaque frange est faite de huit brins et de cinq nœuds, soit un total de 13. En ajoutant à ce chiffre la guématria du mot tsitsit (ציצית = 600) on parvient à 613, soit le nombre des mitsvot de la Torah.
[50] Prononciation (chéva*) - אֽ֭וֹדְךָֽ odkha. Certains lisent odékha conformément à la règle 3 du chéva na’* (« é » après une voyelle* longue - ici : ‘holam malé). Mais cette règle ne fait pas l’unanimité (Voir : ‘holam et ga’ya*). Par ailleurs, certains considèrent que le chéva est prononcé seulement lorsqu’il est entouré de deux signes (ici אֽ֭וֹדְךָֽ ga’ya sous le aleph et ga’ya sous le khaf final). Comme il y a controverse sur la vocalisation, nous transcrirons avec un petit « é », laissant le lecteur choisir selon sa coutume.
Cantilation - Ce mot est affecté du ta’am* disjonctif dé’hi. Le mot apparaît avec une ga’ya sous la dernière lettre (indication de l’accent tonique) tant dans le sidour téphilat ha’hodech que dans l’éd. Ich maçlia’h.
Verbe - אֽ֭וֹדְךָֽ - inaccompli, 1ère personne. Forme causative active hi’il* (racine ידה).
[51] Traduction - « dans droiture » (litt. ; C&L1)..
[52] Prononciation (vét) - Ceux qui ne distinguent pas le vet* du bet lisent lébab.
[53] Prononciation (kamats) - בְּ֝לָמְדִ֗י kamats ‘hatouf « o » (on le nomme kamats ‘hatouf, ou ‘hatouf).
Grammaire (voyelle)- Le kamats* suivi d’un chéva muet se lit « o ». Cette « règle » fonctionne empiriquement : le kamats* est bref (o) si la consonne qui le suit est suivie d’un chéva.
Verbe - לָמְדִי dérivé de לַמְּדִי Impératif*, féminin, 2ème personne. Forme intensive active pi’el* (racine .ל.מ.ד).
[54] Prononciation (chéva*) - מִשְׁפְּטֵ֥י . Comme la lettre pé contient un daguèch*, le chéva se prononce « é » - règle 4 du chéva* na’.
[55] Traduction - « je Te rends grâce » (litt.).. L’aspect du verbe* est à l’inaccompli* (présent ou future), l’action n’est pas terminée.
[56] Sens - בְּיֹ֣שֶׁר לֵבָ֑ב Traduction littérale: « dans la droiture du cœur », rendu par « équité de mon cœur » (OYY). R’ Na’hman de Breslev enseigne qu’il est question de la concentration pendant la prière afin d’éviter que ne surviennent des pensées étrangères.
Ségoula (remède) - R’ Na’hman enseigne que, pour éviter cette confusion mentale, il convient d’étudier des décisions halakhiques (Choul’hane ‘Aroukh) avant la téphila, pour faire disparaître les pensées étrangères pendant la prière. « Crier vers D.ieu ou étudier les quatre sections du Choul’han ‘Aroukh annulent les tendances et les intérêts personnels », R’ Na’hman, Le livre du aleph-beth édition française du Séfer hamidot, Hirhourim, section A. n° 11-12, p. 66, Institut Breslev, Jérusalem, 1989). Noter que R’ Na’hman de Breslev n’a pas indiqué les sources puisées dans le Tanakh des principes qu’il révèle dans son Séfer hamidot ; cela de manière à n’indiquer juste que « ce qu’un homme a besoin pour se lancer dans le Judaïsme » (Le livre du aleph-beth édition française, Institut Breslev, Jérusalem. p. xiii). Nous retrouverons les références de certains d’entre eux dans quelques versets du psaume 119 (voir les v. 7, 32, 62, 138).
[57] Sens - בְּלָמְדִי Le verbe* étant au pi’el* (intensif actif), il décrit une étude intense.
[58] Sens - מִשְׁפְּטֵ֥י צִדְקֶֽךָ L’activité des juges se concrétise par des décisions. On parle de jugement (lorsque la décision a été prise en première instance) et d’arrêts (lorsque la décision émane de juridiction de second degré : cour d’appel ou de cassation). Mais ici les mots renvoient à d’autres notions : le Juge, c’est D.ieu. Il peut appliquer la stricte justice (michpatim), mais il peut aussi atténuer la rigueur du judement. Le Psamiste espère que l’attribut divin de miséricorde (Ra’hamim), par l’acte de tsédaka, viendra atténuer l’application rigoureuse de la stricte justice (din).
Traduction - Le mot michpat (au pluriel : michpatim) a pour sens : ordonnance ou jugement. מִשְׁפְּטֵ֥י צִדְקֶֽךָ est rendu par « Jugements de Ta droiture » (OYY).
[59] Grammaire - אֶת־חֻקֶּ֥יךָ : complément d’objet direct introduit par la particule אֶת.
[60] Verbe - אֶשְׁמֹר (inaccompli*, 1ère personne). Forme simple active pa’al* (racine .ש.מ.ר.)
[61] Verbe -תַּעַזְבֵ֥נִי (impératif*, féminin, 2ème personne). Forme simple active pa’al* (racine .ע.ז.ב)
Prononciation (vét) - אַֽל־תַּעַזְבֵ֥נִי - pour ceux qui ne distinguent pas le vet* du bet*.
[62] Sens- עַד־מְאֹֽד Cette expression n’apparaît que six fois en tout dans le sépher Téhilim, et quatre fois dans ce seul psaume 119 (versets 8, 43, 51, 107). Dans ce verset 8, elle se rattache à אֶשְׁמֹ֑ר (un peu avant dans le verset) et non à אַל־תַּעַזְבֵ֥נִי car le sens est : « Tes décrets je garderai parfaitement, ne m’abandonne pas » (d’après le Méïri, cit. R’ Benzaquen). Des rabbins traduisent cependant : « ne m’abandonne en aucun temps » (BdR) ; « Ne m'abandonne donc en aucune façon » (OYY). Ces motsעַד־מְאֹֽד ont été rendus aussi par d’autres : « entièrement ! » (Segond ; Godet) ; « tout à fait » (Darby) ; « à n’en plus pouvoir » (Meschonnic) ; « jusqu’à l’extrême » (C&L).
Traduction - « jusqu’à très » (litt.).