Pureté et Impureté
עשה רצונו כרצונך, כדי שיעשה רצונך כרצונו; בטל רצונך מפני רצונו, כדי שיבטל רצון אחרים מפני רצונך.
« ‘Fais la volonté de D.ieu comme la tienne, afin qu’Il considère ta volonté comme la Sienne. Annule ta volonté devant Sa volonté, afin qu’Il annule la volonté des autres devant ta volonté » (Michna Avot 2, 4).
Rabban [1] Gamaliel fils de Rabbi Yéhouda le Prince enseigne ici qu’il convient de faire la volonté de D.ieu comme si c’était notre propre volonté. Cet enseignement peut être mis en relation avec un sujet présent dans les parachas Tazria’ et Métsora’, ainsi que dans la paracha Chémini lue la semaine précédente.
Le sujet de la pureté est impossible à comprendre à partir de l’entendement humain. Ce qui n’est pas pur est généralement traduit par impur, mot connoté négativement. Le mot touma devrait plutôt être traduit « non pur » car en hébreu il ne décrit ni saleté, ni matière répugnante mais chaque fois que s'arrête le processus qui développe la vie : après une grossesse, avec la naissance de l’enfant, « il y a un arrêt de ce développement dans le corps de la mère et il y aura alors une période de "non-pur" et de purification ». C’est aussi le cas chez l’homme lorsqu’un processus devant déboucher sur la vie est dévoyé (vaine émission séminale). La pureté et la non pureté sont liées à la finalité de vie, et concerne tant l'homme que la femme [2].
Comme si c’était ta propre volonté. Lorsque l’on obéit au commandement לֹ֥א תִרְצָ֖ח « Tu ne tueras pas » (Chémot 20, 12), on observe un commandement divin. Mais encore faut-il que l’on ait l’intention de ne pas tuer, parce que telle est la volonté de Hachèm ית"ש et non par « simple » crainte de peines formulées par les tribunaux ou de la vengeance des proches de la famille de la victime - voire d’un remords éventuel.
Certaines lois juives obligent à faire prévaloir la volonté de D.ieu plutôt que la nôtre. Ainsi en est-il pour les lois relatives aux questions d’impureté. Doit-on se laver les mains avant de manger du pain ? La réponse est oui, mais elle n’est pas évidente à expliquer à un enfant qui vient de se laver longuement les mains au savon ! En fait, la notion juive d’impureté n’a pas de rapport direct avec l’hygiène : des mains propres ne sont pas pures pour autant ! Le respect des lois relatives aux questions d’impureté implique une soumission à la volonté divine, même si leur bien-fondé n’apparaît pas évident.
Huit animaux communiquent l’impureté à ceux qui les portent ou les touchent [3]. Il s’agit notamment de [4] : הַחֹ֥לֶד (loutre [5], belette [6], taupe [7]) ; וְהָֽעַכְבָּ֖ר (souris [8], rat [9]); וְהַצָּ֥ב (crapaud [10], agame [11] ; lézard [12], furet [13], tortue[ 14]) ; וְהָֽאֲנָקָ֥ה (hérisson [15], tarente [16], lézard gémissant [17], castor [18]); וְהַכֹּ֖חַ (crocodile [19], varan [20], espèce de lézard [21], caméléon [22]); וְהַלְּטָאָ֑ה (lézard [23] ; espèce de lézard [24]) ; וְהַחֹ֖מֶט (escargot [25], limace [26], scinque [27]) ; וְהַתִּנְשָֽׁמֶת (taupe [28], caméléon [29]).
Cette impureté physique [30] peut être effacée par un acte de purification [31]. Or, comme le fait remarquer le R’ Munk זצ"ל: « De toute évidence, les prescriptions relatives aux huit reptiles font ressortir le caractère irrationnel des lois de pureté » [32]. Cela est encore plus net qu’avec les prescriptions relatives à la consommation. On est confronté à une volonté à laquelle il faut obéir, et que l’on doit appliquer comme si c’était la notre !
Tazria’ et Métsora’ abordent d’autres cas d’impureté : ceux relatifs à des maldadies de la peau, à la lèpre des étoffes, à la lèpre des murs, à l’impureté intéressant les femmes après l’accouchement [33], ou les hommes [34].
Ces parachas précisent les procédures de purification pour chacun, indiquent quel est le rôle des Kohanim dans ces différents cas. Tazria’ commence en abordant la situation de la femme qui vient d’enfanter. Il est expliqué que la maman doit observer un temps de purification avant d’apporter une offrande de reconnaissance au Temple, étant revenue à un état de pureté [35]. La pureté et l'impureté sont liées au temps, à la vie [36]. Si les lois sur l’impureté indiquées dans les parachas Chémini, Tazria’ et Métsora’ sont appliquées par les Juifs, ce ne peut être pour leur évidence : mais bien parce que l’homme fait passer la volonté divine avant la sienne propre illustrant l’enseignement (עשה רצונו כרצונך) de Rabban Gamaliel fils de R’ Yéhouda Hanassi [ 37]. Rabbi Yéhouda haNassi résume cet enseignement [38] : « si tu as accompli Son désir comme si c’était le tien, alors tu n’as pas accompli Son désir comme si c’était le Sien ».
Cela est vrai pour tous les commandements (et notamment ceux de type ‘Hok).
[1] Les présidents du Sanhédrin étaient appelés Rabban (notre maître). Dans le Talmud, les maîtres babyloniens étaient appelés Rav, et ceux d’Israël, Rabbi. Certains grands maîtres étaient appelés simplement par leur nom, tels Hillel et Chamaï. Ont ensuite été utilisés les termes de : ‘Hakham (Irak), Ribi, Rebi (sépharades, Afrique du Nord) ; Rav, Reb (Ashkénazes) ; Rebbi ou Rebbé (‘hassidim) ; Rav (aujourd’hui, par tous).
[2] Voir : R’ Dufour Y.R., Modia’, commentaire sur Tazria’.
[3] Le cadavre de certains animaux communique une impureté physique jusqu’au soir. Wayikra 11, 29-30.
[4] וְזֶ֤ה לָכֶם֙ הַטָּמֵ֔א בַּשֶּׁ֖רֶץ הַשֹּׁרֵ֣ץ עַל־הָאָ֑רֶץ הַחֹ֥לֶד וְהָֽעַכְבָּ֖ר וְהַצָּ֥ב לְמִינֵֽהוּ׃ וְהָֽאֲנָקָ֥ה וְהַכֹּ֖חַ וְהַלְּטָאָ֑ה וְהַחֹ֖מֶט וְהַתִּנְשָֽׁמֶת׃ Wayikra 11, 29-30.
[5] Traduction J. Kohn, Gallia, 2001 ; Rabbinat français.
[6] Kaplan Arye, La torah vivante, Moznaim, New York Jérusalem, éd. 1996, p. 352.
[7] Trad. Chouraqui ; Pr. Darby.
[8] Trad. R’ A. Kaplan זצ"ל; J. Kohn, Gallia, 2001; Pr. Darby
[9] Trad. Rabbinat français ; Chouraqui.
[10] Trad. J. Kohn, Gallia, 2001 ; Rabbinat français.
[12] Trad. Pr. Darby.
[13] Trad. R’ A. Kaplan זצ"ל.
[14] Me’am lo’ez, cit.R’ Arye Kaplan זצ"ל (note).
[15] Trad. R’ A. Kaplan זצ"ל; J. Kohn, Gallia, 2001 ; Rabbinat français.
[16] Espèce de lézard de la famille des geckos. Trad. Chouraqui.
[17] Trad. Pr. Darby.
[18] Radak, cit.R’ A. Kaplan Arye (note).
[19] Trad. J. Kohn, Gallia, 2001 ; Rabbinat français.
[21] Trad. Pr. Darby.
[22] Trad. R’ A. Kaplan זצ"ל
[23] Trad. R’ A. Kaplan זצ"ל; J. Kohn, Gallia, 2001 ; Rabbinat français ; Chouraqui.
[24] Trad. Pr. Darby.
[25] Trad. R’ A. Kaplan זצ"ל;
[26] Trad. J. Kohn, Gallia, 2001 ; Rabbinat français ; Pr. Darby.
[27] Espèce de lézard. Trad. Chouraqui.
[28] Trad. R’ A. Kaplan זצ"ל; J. Kohn, Gallia, 2001 ; Rabbinat français
[29] Trad. Chouraqui ; Pr. Darby.
[30] Empêchant de consommer la térouma et les offrandes et d’entrer dans le sanctuaire.
[31] Contrairement à l’impureté qui fait suite à une consommation de viande non cachère affectant l’âme « dans ses capacités spirituelles et morale » (R’ Sforno זצ"ל, cit. R’ Elie Munk, Kol hatorah, Commentaire du Pentateuque, sur Wayikra, 11,11, p. 87).
[32] « Il nous faut admettre que le pur et l’impur sont des facteurs préétablis dans la nature ; ils ont une réalité objective, indépendante de l’attitude humaine », R’ E. Munk, Kol hatorah, Wayikra, pp. 89-90.
[33] Certaines périodes après l’accouchement : le texte sur lequel s’ouvre cette paracha concerne l'impureté - non pas l’impureté liée à femme en tant que femme, mais l’impureté en général. Ici, la femme est concernée du fait qu’elle expulse ce qui peut rester de la phase précédente en même temps que naît l’enfant. Et cette période se terminera par une plongée au Mikvé. Sur l’expression דְּמֵ֥י טָֽהֳרָֽה Rachi précise que c’est du sang pur - « les sangs de pureté » - net il ajoute afin d’être parfaitement clair et bien compris : « elle est pure, même s’il y a flux sanguin » (af ‘al pi chéroa téhora) « qui ne rend pas la cohabitation interdite, mais c’est à la fin de cette période que la femme est autorisée à consommer la térouma » R’ Munk זצ"לsur Wayikra 12, 4 (p. 99)
[34] Perte de semence chez l'homme et autres impuretés (zav).
[35] Or, ce temps de purification est différent selon que l’enfant est un garçon ou bien une fille (la durée est d’une semaine pour un garçon (Wayikra 12, 2) et de deux semaines pour une fille אִשָּׁה֙ כִּ֣י תַזְרִ֔יעַ וְיָֽלְדָ֖ה זָכָ֑ר וְטָֽמְאָה֙ שִׁבְעַ֣ת יָמִ֔ים ׃ et (Wayikra 12, 5). Après quoi, suit une période dite דְּמֵ֥י טָֽהֳרָֽה ("des sangs de pureté" mots généralement traduits à tort par "sangs de purification"). Cette période dure trente trois jours pour la naissance d'un garçon et le double pour une fille (Wayikra 12, 5) וְשִׁשִּׁ֥ים יוֹם֙ וְשֵׁ֣שֶׁת יָמִ֔ים תֵּשֵׁ֖ב עַל־דְּמֵ֥י טָֽהֳרָֽה וְאִם־נְקֵבָ֣ה תֵלֵ֔ד וְטָֽמְאָ֥ה שְׁבֻעַ֖יִם כְּנִדָּתָ֑הּ
[36] « Parvenir à vivre selon les rythmes optimaux de la Création et de son Créateur, est une source de bonheur. Pour faire réussir la vie, l'homme doit parvenir à discerner l'ordre bon… tout ce qui vient altérer cet ordre a besoin d'une procédure réparatrice et, surtout, éducative à notre endroit, afin de nous remettre dans l'ordre optimal…». R’ Dufour א’’שליט (2005), Modia’ sur Tazria’. A propos de l'ordre bon, il précise: « parvenir à y discerner ce qui vient avant et ce qui vient après; la question est la même dans l'ordre de la pensée, de la parole, et des niveaux de l'être »
[37] Michna Abot 2,4
[38] Avot de Rebbi Nathan Version B, Chap. 32 - p. 385 Verdier, 1983