Le Chien du bey, Lion et Renard
Fable rabbinique
Une personne discutant avec un rabbin se vanta de son illustre généalogie. Il parla de son père, de son grand-père, de son arrière-grand-père… Tous érudits reconnus. Effectivement, le rabbin connaissait certains des écrits des ancêtres de son visiteur. Il cita certains de leurs écrits, et évoqua un de leurs enseignements : un ‘hidouch particulièrement profond. Mais, à sa grande surprise, il constat que son visiteur ne suivait pas du tout. Il ne comprenait pas car il ne connaissant pas grand-chose en matière religieuse.
Alors le rav lui dit, « Je vais te raconter une histoire : celle du chien du bey de Tunis » [1]
Le bey avait ce chien depuis longtemps et il l’aimait, allait chasser avec lui, etc. Une fois devenu vieux, ce chien faisait mauvais effet à la porte du palais. Pourtant, le bey ne pouvait supporter l’idée de le faire piquer. Il ne pouvait non plus l’abandonner dans la steppe car il n’aurait pu survivre livré à lui-même.
Son conseiller lui indiqua une solution qui lui plut. Aussi ordonna-t-il à des artisans de confectionner divers accessoires et d’en habiller le chien.
Bientôt la tête de l’animal fut ornée d’une majestueuse crinière de lion, pendant que son dos était couvert d’une impressionnante peau de tigre, et que des pattes d’ours recouvraient ses propres pattes. Une peau de loup compléta l’accoutrement en recouvrant le ventre du chien… Métamorphosé, le vieux chien fut lâché dans la steppe. Là, il pourrait vivre tranquille, pensa le bey, car qui irait chercher querelle à cette impressionnante créature ?
Bientôt, dans la steppe, la nouvelle se répandit : un nouvel animal était apparu dans la région, doté d’un physique impressionnant. L’information parvint aux oreilles de Sire Lion qui chargea Renard d’aller se renseigner.
Renard alla se présenter devant le nouveau-venu, et lui demanda pour faire connaissance : « Qui êtes-vous, Messire ? »
Le chien qui avait retrouvé des forces avec sa nouvelle panoplie, répondit enhardi :
« Le grand-père de mon grand-père était un lion puissant ! » Et il montra la crinière de lion qu’il agita majestueusement.
« Certes, répondit Renard, qui voulait en savoir plus. Mais encore… » Le chien poursuivit l’exposé de sa glorieuse généalogie :
« Le père de mon grand-père était un tigre vigoureux ! » Et il montra la peau de tigre qui lui couvrait le dos.
« Certes, répondit Renard, qui voulait en savoir plus. Mais encore… » Le chien poursuivit l’exposé de sa glorieuse généalogie :
« Mon grand-père était un ours très fort ! » Et il montra les pattes d’ours recouvrant ses pattes.
« Certes, répondit Renard, qui voulait en savoir plus. Mais encore… » Le chien poursuivit l’exposé de sa glorieuse généalogie :
« Mon père était un loup féroce ! » Et il montra la peau de loup qui couvrait son ventre…
Agacé, Renard demanda : « Oui, mais qui tu es, toi ? »
Alors le chien chuchota, conscient de sa propre faiblesse : « Je suis un chien ! »
Renard comprit que le monstre dont on parlait dans toute la steppe, était vraiment inoffensif. Il retourna voir le lion et lui dit : « Ne t’inquiète pas, le nouveau-venu n’est pas venu contester ton trône. Ce n’est qu’un chien ! ».
Le visiteur apprécia l’histoire mais il en comprit aussi le message. Il avait follement agi en se glorifiant de sa généalogie. Il pouvait en être fier, si cela l’aidait à apprendre leur sagesse. Mais s’en vanter comme il l’avait fait fait était ridicule. Il prit une bonne décision : pour être digne de ses ancêtres, il allait commencer à étudier auprès d’un maître. Peut-être, un jour, aura-t-il le plaisir de comprendre les enseignements que le rabbin lui avait exposés, mais qui lui étaient passés, très au-dessus de sa tête.