Anthologie de contes et récits juifs d'Afrique du Nord.
Vol. 4. A travers l'Histoire.
editionbakish.com. (c) Hillel Bakis, 2011
Rabbi ‘Akiba et l'impie
Récit talmudique
Le récit ci-après présente un dialogue entre R’ Akiva et un tyran : le gouverneur romain Tinnius Roufous (Tournus Roufous) qui écrasa la révolte de Bar Kokhba une soixantaine d’années après la destruction du Temple de Jérusalem. Celui que les Juifs ont surnommé Tiranous a interdit l’enseignement de la Torah et le respect des mitsvot (notamment la circoncision et l'étude de la Torah).
Avec arrogance, Tiranous se permit de dénigrer la Torah et les mitsvot, pensant détenir la Vérité grâce à sa logique. A travers l’histoire, bien des gens n’ont pas agi autrement en s’appuyant sur la « science » de leur temps pour tenter de prendre en défaut la Torah, ou pour contester les pratiques de la religion juive {C}[1]{C}. Tournuos Roufous tenta de démontrer le ridicule de sa foi à Rabbi ‘Akiva qui accepta le débat avec l’oppresseur, comme il l’avait fait à maintes reprises {C}[2]{C}.
L’histoire est tragique car bien après ce dialogue, le tyran va faire torturer à mort Rabbi 'Akiva, parce qu'il avait continué à enseigné la Tora malgré l'interdiction par les autorités romaines.
Tiranous l'impie s'adressa à Rabbi ‘Akiva: « Lequel des actes est le meilleur : l'acte divin ou l'acte humain ? »
La réponse fut évidemment : « L'acte divin ».
Tiranous interrogea de nouveau : « Pourquoi pratiquez-vous la mila ? »
Rabbi ‘Akiva lui présenta alors des épis de blé et des pains. « Les épis sont le produit du Saint béni soit-Il et les pains sont le produit de l'homme. N'est-il pas vrai que les pains sont mieux que les épis ? » [3]
Alors Tiranous répliqua : « Si donc Dieu veut la mila pour quelle raison l'enfant ne naît-il pas circoncis ? » Rabbi ‘Akiva répondit : « La mila n'a été recommandée par le Saint béni soit-Il à Israël que pour les affiner et les épurer. R’ ‘Akiva illustre cela par un exemple (machal). Le blé, à l'état brut, ne saurait répondre aux besoins de l'homme : il nécessite diverses opérations - pour réparer, grâce aux efforts fournis, la faute d'Adam : « C'est à la sueur de ton visage que tu mangeras ton pain » (Béréchit 3, 19) [4]
Rabbi ‘Akiva offre une plus large perspective. Il enseigne ici que le monde nous a été confié par D.ieu, mais qu’il nous reste à le perfectionner. Notre mission est aussi de nous transformer par un travail permanent sur nos traits de caractères (midot) pour atteindre la perfection spirituelle. {C}[5]{C}
[1] De nos jours encore, certains tentent de faire interdire la ché’hita (l’abattage rituel) et de mettre la circoncision hors la loi.
[2] Tiranous ironisa aussi sur le fait que Hachèm, pendant le chabbat, déplace les nuages dans le monde alors que la Torah prescrit de ne pas déplacer des objets dans le domaine public.
[3] Or Ha'haïm (Wayikra 12, 3) explique que la réponse de R'Akiva était une réplique habile à un Romain « qui voyait le monde sous la forme de grains de blé et de petits pains, de matières premières brutes et de biens de consommation. » Cit. R’ Krohn & R’ Scherman (2003), La circoncision, p. XXII.
[4] D’après Midrach Tan’houma' , cit. R’ D. Sabbah, Min’hat ‘Omer, La Bible. Le commentaire de la Tora, Montréal, vol 3, p. 125.
[5] Texte au 9 décembre 2012.