La couronne de son mari

 

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La couronne de son mari

Sur l’importance du respect des lois de pureté familiale

  par Eliyahou Bakis[1]

Résumé - L’auteur présente une introduction aux lois juives sur la « pureté familiale ». Il met l’accent sur l’importance fondamentale de cette mitsva. Parfois, les couples doivent repousser la reprise des relations conjugales à cause de circonstances variées (abstinence prescrite par la halakha comme après une  naissance ; accès impossible à un mikvé en temps de persécution, de guerre, d’épidémie…). Malgré ces difficultés, les couples sont encouragés à rester fermes dans leur respect de la Torah. A leur intention, l'auteur développe des remarques utiles psychologiques et halakhiques. Il présente ensuite certaines lois qu’il importe de réviser fréquemment.

Her Husband's Crown - Abstract - The author explains the laws of Niddah, or “Jewish family purity” in a practical and spiritual way, highlighting the importance of this “mitzvah” under various angles. Sometimes couples must postpone the resuming of conjugal relations due to various circumstances (for example after having given birth). Some other times a kosher Mikveh is not accessible (wars, curfews, epidemics, etc). Despite these hardships, couples are encouraged to remain firm in their observance of the Thora and the author develops useful psychological and halachic remarks serving this purpose. He then offers a summary of the laws of family purity.

 

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INTRODUCTION

 

Comme toutes les mitsvot de la Torah, celle qui prescrit à  une femme nida de se tremper au mikvé est importante [1].

Cet ouvrage a pour but d’encourager les couples juifs dans leur respect des lois de la pureté familiale [2] y compris lors de circonstances difficiles. Sa lecture de temps en temps pourra se révéler utile afin de renforcer le respect de la halakha, de réviser les lois sur ce sujet et de préserver notre spiritualité et nos générations. La rédaction de cet ouvrage a été motivée par les fermetures de mikvés à l’occasion de la crise du corona virus (Covid-19), dans de nombreuses communautés dans le monde, notamment en Israël et en France [3]. Après une première partie de "renforcement" sur le sujet pour inciter à la patience, le texte a évolué en y associant une partie halakhique sur certaines de ces ces lois (har'hakot) car le moussar sans la connaissance des lois ne peut être efficace.

 

Dans les siècles passés, il est arrivé que d’héroïques femmes juives ont dû briser la glace de l’hiver pour se tremper dans l’eau de rivières ou lacs afin de retrouver leur pureté rituelle. A certaines époques, le  respect de cette mitsva a demandé aux femmes juives une force exceptionnelle. Il n’existait pas, alors, des bains rituels [4]  modernes et confortables.

En dehors de ces cas extrêmes, nombreux furent les obstacles dressés en travers du chemin permettant la réunion des époux. On m’a raconté qu’il y a une trentaine d’années, dans une ville moyenne des Pays-de-la-Loire disposant d’une synagogue, la femme du rabbin devait aller jusqu’à Paris pour faire sa tévila [5] et revenir le lendemain. En golah, il est d’innombrables villes où les juifs qui y habitent n’ont pas de bain rituel à leur disposition ; les femmes doivent parcourir de longues distances pour trouver une ville en disposant.

Dans tous ces cas, et malgré les difficultés, l’importance des lois de pureté familiale reste entière et l’abstinence n’est souvent que l’unique solution compatible avec la halakha. Le  respect de la mitsva exige alors des couples juifs une grande patience, jusqu’à ce que les conditions soient remplies pour que l’accès à un mikvé kacher soit possible.

Un autre cas d’accès difficile - voire impossible - à un mikvé se présente lors des épidémies, alors que la mitsva prioritaire consiste à sauver sa vie face à un risque vital. Ce genre de situation s’est produit à de nombreuses reprises à travers l’histoire chaque fois que l’on pouvait craindre une contamination suite à la fréquentation du mikvé. Chaque fois, aussi, que les autorités interdisent aux populations civiles de sortir hors de leurs domiciles pour des raisons et durées variables (couvre-feu lié à une insurrection, une guerre ou une épidémie).

Certes, l’amélioration des conditions sanitaires a pratiquement annulé ces craintes en temps normal. Mais ce n’était plus le cas avec la pandémie du coronavirus, née en Chine à la fin de l’année 2019, qui  a causé des centaines de milliers de morts dans le  monde. Les pertes humaines ont été considérables en Europe occidentale et en Amérique du Nord. Il en a découlé, pour un temps et en beaucoup d’endroits, une décision rabbinique de fermeture des bains rituels [6]. En outre, les autorités civiles ont interdit toutes sorties vers les espaces publics (en dehors de certains cas dérogatoires). Or, la fermeture des mikvés et l’interdiction de sortie, signifient forcément, pour les couples juifs religieux en attente du processus de purification, une pause dans leurs relations conjugales [7].

L’abstinence imposée n’est pas seulement la conséquence de circonstances extérieures ; c’est parfois une exigence halakhique. Ainsi en est-il de la période d’impureté menstruelle, aux séparations suivant la naissance d’un enfant [8] et à toute période de très grande détresse (pendant le déluge au temps de Noa’h, pendant les guerres [9] et les famines [10]).

Ce texte est principalement destiné aux couples qui respectent en général les lois de la pureté familiale et ceux qui ont besoin de découvrir ce sujet essentiel de l’identité juive. Il présente quelques éléments d’encouragement puis un résumé halakhique  sur les lois de la pureté familiale [11]. La lecture de ce texte de temps en temps pourra se révéler utile afin de renforcer le respect de la halakha, de réviser les lois sur ce sujet [12] et de préserver notre spiritualité et nos générations.

Mais d’abord, voici une anecdote personnelle. Alors jeune marié, j’avais été chargé par un de mes  maîtres de donner un cours à deux touristes français venus se renforcer spirituellement lors d’un court séjour en Israël. Le sujet me fut imposé : les lois de la pureté familiale. A la fin du cours l’un des participants souhaita me parler en privé. Il me confia la véritable raison de son voyage en Israël : Son ami avec qui il avait fait le voyage avait remarqué chez lui une certaine déprime et lui en avait demandé la raison. Sans lui dévoiler les détails, il lui répondit qu’il ressentait un besoin de spiritualité. D’un commun accord ils avaient décidé de faire un « break » dans un cadre religieux. Ce monsieur au bord des larmes, m’avoua que son épouse et lui-même respectaient scrupuleusement les lois de la pureté familiale. Mais il arriva une fois où l’épreuve fut trop difficile pour lui. N’attendant pas la fin du processus de purification et l’immersion dans un bain rituel, il succomba, entraînant son épouse qui ne sut se refuser et qui conçut de cette union ! Il dit être extrêmement déçu de lui-même. A la fin de son récit, je vis que la tristesse l’envahissait, conscient de l’énorme responsabilité des parents dans la construction spirituelle de leurs enfants. J’ai donc essayé de lui remonter le moral et de l’encourager car il avait pris conscience de son erreur. Je tentais de le fortifier pour l’avenir  avec une parole du Roi Salomon : ne dit-on pas que le juste tombe sept fois, mais qu’il finit toujours par se relever ? (Michlé 24, 16).

Bien souvent l’homme ne connait pas les fruits de ses actes. Pour ma part, je ne sais pas ce qu’est devenu ce père, son épouse et leur enfant. Toutefois j’ai conscience, depuis lors, qu’il existe un besoin de toujours se renforcer dans ces sujets-là.  C’est là une des raisons qui m’ont poussé à écrire ce texte qui s’inscrit dans la logique de toujours renforcer la pratique des mitsvot en général et celle-là en particulier.

(c) אליהו בקיש, Jérusalem, 28 mai 2020

&

(c) Hotsaat Bakish

 

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NOTES

[1] Voir : Choul’han ‘aroukh, Yoré Dé’a 201, 1. Cette importance est si grande qu’il est interdit, en principe, d’habiter une ville ne disposant pas de bain rituel.

[2]  Taharat hamichpa’ha.

[3] Ecrit entre mars et mai 2020, son titre « La couronne de son mari » fait allusion au nom du virus. Il  reprenant les mots du Roi Salomon dans « Echet ‘Hayil / Eloge de la femme vaillante », texte récité tous les vendredi soir dans les foyers juifs religieux (Proverbes / Michlé 12, 4).

[4] En hébreu : mikvé (au singulier), mikvaot au pluriel. Cet ouvrage étant rédigé en français,  nous remplacerons le mot mikvaot par « mikvés ».

[5] Trempage rituel (hébreu).

[6] Ainsi, des décisionnaires et des rabbins de communautés ont dû déclarer la fermeture des mikvés en mars 2020 (Dayan Michael Szmerla, Annexe 1 ; R’ Didier Kassabi, Boulogne, Annexe 2). Le grand rabbinat d’Israël (18 mars 2020, Annexe 3) et le Consistoire central de France (23 mars 2020, Annexe 4) ont autorisé et précisé les conditions d’accès.

[7] Cela ne concerne pas les couples dont l’épouse n’a pas besoin d’aller se tremper d’après la loi juive. Par exemple, une femme enceinte qui n’a pas vu de sang, ou encore une femme dont l’allaitement interrompt totalement les écoulements sanguins, ou encore une femme ménopausée.

[8] Voir : Lévitique / Vayikra 12, 2-6.

[9] R’ Yéhouda Naki enseigne que l’interdit ne s’applique que lorsque la majorité des juifs sont dans la souffrance à cause de la guerre (communication orale, juillet 2014). J’ai eu l’occasion de poser une question écrite à ce sujet au Richon létsion, R’ Yits’hak Yossef chélita, dans le cadre d’un cours qu’il donnait au moment de l’opération Mivtsa’ Tsouk Etan, ‘Aza, juillet 2014. Il répondit que, « puisqu’il ne s’agit pas d’une interdiction absolue, celui qui, craignant de ne pouvoir résister à son mauvais penchant,  c’est permis en ces temps-ci » (voir son livre ‘Ein yits’hak, vol. 1, à la fin du livre, partie : règles générales sur le langage des poskim ; voir par ailleurs responsa Beth haoraha, ahavat chalom, vol. 2, p. 373).

[10] Voir : Genèse / Béréchit 51, 50. Sur ce verset qui mentionne la naissance en Egypte d’Ephraïm et Manassé fils de Yossef, Rachi précise : « avant que viennent les années de famine ». De là on apprend qu’il est en principe  interdit à un homme d’aller vers son épouse en temps de famine (il existe des dérogations - consulter une autorité rabbinique pour plus de détails). Voir aussi T. B. Ta’anit 11a.

[11] Le lecteur s’adressera à une autorité rabbinique compétente pour toute question particulière.

[12] L’importance de la révision des lois de prise de distance (Har’hakot) a justifié le choix de l’étude de cette partie des Halakhot Nida, plutôt qu’une autre.