'Hidouchim sur la paracha et Corona virus
"Réflexions sur la paracha de la semaine, dans le contexte de la crise du Covid-19
Eliyahou Bakis (20 mars 2020)
L’état d’urgence et le confinement de chacun dans son foyer pour cause de crise sanitaire venait juste d’entrer en vigueur en Israël (à minuit, le 20 mars 2020) [1]. J’ai alors reçu un appel téléphonique de mon fils Eliyahou [2] qui voulait me donner du courage pour supporter la situation. Il m’a montré qu’il fallait interpréter de manière positive ces nouveaux développements. Je pense qu'on peut dans une large mesure y voir des réflexions et encouragements pour l'humanité. Il m'a semblé utile de faire partager ces lueurs d'espoir à mes amis et à tout lecteur de mon site web. Hillel Bakis
Il m’a dit ceci :
« Je me suis demandé si on pouvait trouver une relation entre la paracha de la semaine [3] et la crise du corona virus. J’ai considéré le mot corona קורונה en hébreu [4]… L’équivalence numérique de ce mot (guématria) est 367. La question est : y a-t-il, dans le texte lu à la Torah demain chabbat, un mot ou un groupe de mots dont la valeur serait 367 ?
De fait, j'ai trouvé deux groupes de mots ayant cette valeur numérique.
Le premier groupe de mots וְכֹ֣ל ׀ אִ֣ישׁ « Vékhol ich » « Et tout homme » (Chémot 36, 1)
ְעָשָׂה֩ בְצַלְאֵ֨ל וְאָֽהֳלִיאָ֜ב וְכֹ֣ל ׀ אִ֣ישׁ חֲכַם־לֵ֗ב אֲשֶׁר֩ נָתַ֨ן יְיָ חָכְמָ֤ה וּתְבוּנָה֙ בָּהֵ֔מָּה לָדַ֣עַת לַֽעֲשֹׂ֔ת אֶֽת־כָּל־מְלֶ֖אכֶת עֲבֹדַ֣ת הַקֹּ֑דֶשׁ לְכֹ֥ל אֲשֶׁר־צִוָּ֖ה יְיָ׃ (Chémot 36, 1).
Dans ce verset, on trouve וְכֹ֣ל ׀ אִ֣ישׁ deux mots dont la valeur numérique est 367 [5].
On remarque que ces deux mots sont séparés d’un trait vertical, qui est le signe de cantilation « passek » qui marque une séparation forte entre deux mots. Or ces mots forment une même unité de signification. D'ailleurs, on les trouve souvent reliés par un trait d'union (makaf) plutôt que séparés par un passek. Ainsi en est-il dans cette paracha ויקהל (vayakhel): כָּל־אִ֖ישׁ ("tout homme", Chémot 35, 21).
Peut-être est-il possible d’interpréter cela de la manière suivante : il y a séparation forte entre « Et tout » d’une part et « homme » d’autre part. Chacun se trouve séparé de l’ensemble. C’est exactement la situation actuelle suite aux décrets pris à cause de l’épidémie de Covid-19 (corona virus). On peut y voir une allusion à la situation de confinement que l’on inaugure cette semaine : chaque foyer se trouve dramatiquement isolé de la société en général. Mais cela donne à penser que malgré tout, chacun reste relié à l’ensemble du Peuple juif.
Cette situation est nouvelle. Elle est difficile. Elle a même imposé à des gouvernements du monde entier des mesures radicales d'isolement de villes ou régions (Chine, Italie), et des fermetures d'établissements variés. Des rabbanim ont aussi pris la décision de fermer des synagogues pour sauver des vies [6]…
On pourrait donc être pris de doute : cette situation signifie-t-elle un abandon du peuple par son D.ieu? Eh bien non si on lit le verset jusqu'au bout. Ce même verset se termine par les mots : מְלֶ֖אכֶת עֲבֹדַ֣ת הַקֹּ֑דֶשׁ « mélekhet ‘avodat hakodech » (Chémot 36, 1). Cela semble faire allusion au fait que, même si on n'est pas ensemble, même si on ne peut prier avec un minyan [7] on accomplit tout de même la volonté de Hachem en cette période très particulière. Car, dans ce même verset se trouve l’indication d’un ordre de Hachem (אֲשֶׁר־צִוָּ֖ה יְיָ׃ "que Hachèm a ordonné"). Telle semble être la forme étonnante que doit prendre notre service religieux, en ces jours où le corona virus impose des contraintes nouvelles qui se traduisent par des recommandations médicales, des décisions rabbiniques et des décision d'Etat (Israël ou autres dans le monde [8]) .
Le second groupe de mots אִ֣ישׁ אֶל־אָחִ֑יו « Ich el-a’hiv» « chacun vers son frère » (Chémot 36, 1)
וַיִּֽהְי֣וּ הַכְּרֻבִים֩ פֹּֽרְשֵׂ֨י כְנָפַ֜יִם לְמַ֗עְלָה סֹֽכְכִ֤ים בְּכַנְפֵיהֶם֙ עַל־הַכַּפֹּ֔רֶת וּפְנֵיהֶ֖ם אִ֣ישׁ אֶל־אָחִ֑יו אֶ֨ל־הַכַּפֹּ֔רֶת הָי֖וּ פְּנֵ֥י הַכְּרֻבִֽים׃ (Chémot 37, 9).
Dans ce verset, on trouve אִ֣ישׁ אֶל־אָחִ֑יו trois mots dont la valeur numérique est aussi 367 [9]. Le mot « el » marque ici la liaison, le mouvement de chacun vers son prochain. אִ֣ישׁ אֶל־אָחִ֑יו. Ce verset décrit les kérouvim (chérubins) se trouvant dans le kodech hakodachim, sur le couvercle de l’arche sainte du Beth hamikdach de Jérusalem. Ils étaient alors, selon le cas, soit l’un face à l’autre, soit détournés l'un de l'autre. Un enseignement talmudique rapporte que, lorsque les chérubins sont tournés l’un vers l’autre, cela veut dire que D.ieu est tourné vers Son peuple. Au contraire, lorsque le peuple juif s'éloignait de son D.ieu, les chérubins se tournaient le dos [10].
Dans la situation actuelle, la correspondance de la guématria du mot corona avec un groupe de mots signifiant que les kérouvim sont tournés l’un vers l’autre dans le beth hamikdach supérieur, semble nous enseigner qu'il ne faut pas voir dans les décisions prises cette semaine une punition de D.ieu à l’encontre du peuple juif. Hachèm ne s’est pas détourné de Son peuple.
Chacun est seul, mais tout en "étant ensemble malgré tout"; en restant relié aux autres. On est en confinement, mais on reste relié par les moyens de communication (téléphone, radio; etc.) ce qui nous permet de prendre des nouvelles (et d’en recevoir) des êtres qui nous sont chers et qui sont confinés en d’autres lieux.
Alors que le premier groupe de mots marque la séparation entre chacun et l’ensemble (וְכֹ֣ל ׀ אִ֣ישׁ), le second groupe de mots fait allusion à une liaison forte entre chacun et son prochain (אִ֣ישׁ אֶל־אָחִ֑יו). En ces temps difficiles de confinement, la première correspondance vient nous faire comprendre que rester isolé en son foyer est la manière actuelle de servir Hachem. En ces temps d’inquiétude, la seconde correspondance vient nous faire comprendre que Hachèm reste proche de nous, et que la liaison de chacun avec/vers son prochain sera rétablie.
Que l’on trouve dans ces allusions des raisons d’espérer et des forces pour surmonter cette situation dramatique. Ces lueurs d’espoir brillent pour le peuple; il faut espérer qu'elles brillent aussi au niveau individuel. Aussi, ces lueurs d'espoir ne nous dispensent pas d'une réflexion personnelle pour remettre en cause ce qui pourrait ne pas aller dans notre vie afin de faire téchouva. Cela permettra d'éviter, autant que possible, les drames individuels et familiaux.
Que cette crise prenne bientôt fin, en Israël et dans le monde entier. Amen !
(c) אליהו בקיש, Jérusalem, 20 mars 2020 &
(c) Hotsaat Bakish.
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NOTES
[1] La même semaine en France, le gouvernement a ordonné un confinement pour restreindre les mouvements de population (17 mars à midi). (Note de l'éditeur).
[2] R’ Eliyahou Bakis, mohel et avrekh. Voir son site : brit-milah.com. Texte établi par Hillel Bakis suite à deux conversations téléphoniques. Je me suis contenté d’être ici son secrétaire car, en confinement, il ne pouvait diffuser son texte, n'ayant pas Internet à la maison. (Note de l'éditeur).
[3] Je n'ai trouvé aucune autre correspondance avec cette valeur numérique dans les textes de la Torah ou de la haftara lus ce chabbat 21 mars 2020 (chabat ha'hodech).
[4] C’est ainsi que le mot est orthographié par le ministère de la santé et les médias israéliens (Note de l'éditeur).
[5] קורונה = 367 = 100+6+200+6+50+5 = 6+20+30+1+10+300= וְכֹ֣ל ׀ אִ֣ישׁ
[6] Le Grand rabbin de France annonce la fermeture des synagogues face au coronavirus - Le principe 'sauver des vies' (pikouah nefesh) « est au cœur du judaïsme. Nous ne pouvons pas jouer avec la vie de nos fidèles et, respecter les gestes barrières nous oblige à prendre de nouvelles mesures », a-t-il déclaré dans un communiqué publié le 17 mars 2020 dans un communiqué, et prenant effet dès le 18 mars. « “Dès demain, la norme sera donc la fermeture des synagogues sauf exception ». https://www.lemondejuif.info/2020/03/sauver-des-vies-est-au-coeur-du-judaisme-le-grand-rabbin-de-france-annonce-la-fermeture-des-synagogues-face-au-coronavirus/ (note de l'éditeur).
[7] Inexistant, dangereux, interdit par le gouvernement et les décisions rabbiniques pour des raisons de pikoua’h néfech.
[8] On connait le principe : medinat din din.
[9] קורונה = אִ֣ישׁ אֶל־אָחִ֑יו = 1+10+300+1+30+1+8+10+1 = 367.
[10] T. B. Baba batra 99a. Lorsque les chérubins se tenaient l’un en face de l’autre (ich el a’hi) : le peuple faisait la volonté de Hachem. Il en allait différemment si le peuple juif ne faisait pas la volonté de Hachem. « Quand Israël fait la volonté de H, les anges sont l’un vers l’autre et c’est le signe que Hachem aime Son peuple. L’inverse : ils détournaient leurs têtes l’un de l’autre… » (R’ Ya’akob Shulvitz de Bene Berak et R’ Yéhouda Leib Gartner, חברותא - ‘Havrouta dans le cadre de l’étude du daf hayomi - Ilan CD ROM).