Fin de l’exil en Egypte
וַיֹּ֤אמֶר ﭏהִים֙ אֶל־מֹשֶׁ֔ה אֶֽ־הְיֶ֖ה אֲשֶׁ֣ר אֶֽ־הְיֶ֑ה וַיֹּ֗אמֶר כֹּ֤ה תֹאמַר֙ לִבְנֵ֣י יִשְׂרָאֵ֔ל אֶֽ־הְיֶ֖ה שְׁלָחַ֥נִי אֲלֵיכֶֽם׃
« D.ieu dit à Moché : ‘Je serai ce que Je serai’ ainsi tu diras aux enfants d’Israël : Ehkiè m’a envoyé vers vous … » (Chémot 3, 14).
Hachèm apparaît à Moché dans le buisson ardent et lui confie une mission. Mais Moché, anticipant la situation à laquelle il sera confronté une fois devant les Hébreux, demande : הִנֵּ֨ה אָֽנֹכִ֣י בָא֮ אֶל־בְּנֵ֣י יִשְׂרָאֵל֒ וְאָֽמַרְתִּ֣י לָהֶ֔ם ﭏהֵ֥י אֲבֽוֹתֵיכֶ֖ם שְׁלָחַ֣נִי אֲלֵיכֶ֑ם וְאָֽמְרוּ־לִ֣י מַה־שְּׁמ֔וֹ מָ֥ה אֹמַ֖ר אֲלֵהֶֽם׃ « Voici, je vais vers les enfants d’Israël et leur dit : le D.ieu de vos pères m’a envoyé vers vous. Et s'ils me disent: ‘Quel est Son Nom ?’, que leur dire? » (Chémot 3, 13). Notons que la question de Moché contient une réponse: le Tétragramme est inscrit dans les dernières lettres de certains mots du verset (encadrées ci-dessus).
Ce passage porte un autre enseignement sur la durée de l’exil en Egypte, comme l’enseigne R’ Ya’akob Abou'hatséra זצוק"ל [1]. Mais, faisons le point, auparavant, sur la durée annoncée de la servitude des descendants d’Abram sur une terre étrangère. Le temps de l’esclavage devait durer 400 ans (Béréchit 15, 13) [2] et même plus puisqu'une durée de 430 ans est indiquée ailleurs (Chémot 12, 41) [3]. Rachi relève : « On ne peut pas soutenir que ce nombre d’années est celui du temps passé en Egypte... [un simple calcul montre que cet exil n’a pas pu durer plus de quatre siècles...] d’où la nécessité de considérer les autres séjours comme autant d’exils… » (Rachi) [ 4].
Durée de l’exil en Egypte
430 ans - Promulgation du décret : formulation, lors de « l’alliance d’entre les morceaux ». | - Cette durée apparaît dans les versets suivants :וּמוֹשַׁב֙ בְּנֵ֣י יִשְׂרָאֵ֔ל אֲשֶׁ֥ר יָֽשְׁב֖וּ בְּמִצְרָ֑יִם שְׁלֹשִׁ֣ים שָׁנָ֔ה וְאַרְבַּ֥ע מֵא֖וֹת שָׁנָֽה׃. Les enfants d’Israël ont habité l’Egypte pendant quatre cent trente ans (Chémot 12,40) ; - וַיְהִ֗י מִקֵּץ֙ שְׁלֹשִׁ֣ים שָׁנָ֔ה וְאַרְבַּ֥ע מֵא֖וֹת שָׁנָ֑ה « Et c’est, au terme de quatre cent trente ans » que les enfants d’Israël sortent du pays d’Egypte (Chémot 12, 41) ; |
400 ans - Prise d’effet du décret : à la naissance de Yiss’hak. | - וַיֹּ֣אמֶר לְאַבְרָ֗ם יָדֹ֨עַ תֵּדַ֜ע כִּי־גֵ֣ר ׀ יִֽהְיֶ֣ה זַרְעֲךָ֗ בְּאֶ֨רֶץ֙ לֹ֣א לָהֶ֔ם וַֽעֲבָד֖וּם וְעִנּ֣וּ אֹתָ֑ם אַרְבַּ֥ע מֵא֖וֹת שָׁנָֽה׃ « Il dit à Abram : ‘tu sauras, que ta descendance sera étrangère sur une terre [qui ne sera] pas sienne, ils l’asserviront, ils l’opprimeront quatre cent ans’ » (Béréchit 15,13). |
L’exil en Egypte a manifestement duré moins que ces durées : les informations que donne la Torah permettent de calculer une durée de 210 ans. On sait que Kéhat faisait partie de ceux descendus en Egypte ; il a vécu 133 ans ; son fils ’Amram – le père de Moché – a vécu 137 ans ; quant à Moché, il avait 80 ans lors de la sortie d’Egypte.
Kéhat fils de Lévi
| 133 ans | וְאֵ֨לֶּה שְׁמ֧וֹת בְּנֵֽי־יִשְׂרָאֵ֛ל הַבָּאִ֥ים מִצְרַ֖יְמָה יַֽעֲקֹ֣ב וּבָנָ֑יו * "Voici les noms des enfants d'Israël venus en Egypte: Ya‘akob et ses fils..." (Béréchit 46,8) ; וּבְנֵ֖י לֵוִ֑י גֵּֽרְשׁ֕וֹן קְהָ֖ת וּמְרָרִֽי׃ * "Les fils de Lévi: Guerchone, Kéhat et Mérari" (Béréchit 46,11); וּשְׁנֵי֙ חַיֵּ֣י קְהָ֔ת שָׁלֹ֧שׁ וּשְׁלֹשִׁ֛ים וּמְאַ֖ת שָׁנָֽה׃ * "Les années de la vie de Kéhat [furent de] cent trente-trois ans" (Chémot 6,18). |
‘Amram fils de Kéhat | 137 ans
| וַיִּקַּ֨ח עַמְרָ֜ם אֶת־יוֹכֶ֤בֶד דֹּֽדָתוֹ֙ ל֣וֹ לְאִשָּׁ֔ה וַתֵּ֣לֶד ל֔וֹ אֶֽת־אַהֲרֹ֖ן וְאֶת־מֹשֶׁ֑ה וּשְׁנֵי֙ חַיֵּ֣י עַמְרָ֔ם שֶׁ֧בַע וּשְׁלֹשִׁ֛ים וּמְאַ֖ת שָׁנָֽה׃ ‘Amram prit pour femme, pour lui, sa tante Yokhèbèd. Elle lui enfanta Aharon et Moché. Les années de la vie de ‘Amram [furent de] cent trente-sept ans" (Chémot 6,20). |
Moché fils de ‘Amram | 80 ans | וּמֹשֶׁה֙ בֶּן־שְׁמֹנִ֣ים שָׁנָ֔ה "Et Moché avait quatre-vingt ans" (Chémot 7,7). |
| 350 ans |
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En additionnant le nombre d'années vécues par Kéhat et ’Amram ainsi que celles vécues par Moché jusqu'à la sortie d'Egypte on obtiendrait 350 ans (133+137+80). Mais ce total est supérieur à la durée effective séparant l'arrivée de Kéhat en Egypte de la sortie d'Egypte. En effet, il ne déduit pas le nombre d’années qu’avait Kéhat lors de son arrivée en Egypte et il comptabilise doublement les années vécues à la fois par les pères et les fils (il faudrait déduire les années de Kéhat après la naissance de son fils ’Amram ; et celles de ’Amram après la naissance de Moché). On le constate: le séjour en Egypte a duré moins de 350 ans. Mais ce total est inférieur aux durées annoncées de l'exil (430 ans ou 400 ans). Pour expliquer cette réduction de la durée initiale, on peut avancer plusieurs explications :
- des 400 années indiquées par le décret, 190 ans (60+130) s’étaient écoulées hors d’Egypte depuis la naissance de Yiss’hak et avant la descente en ce pays. Yiss’hak avait 60 ans à la naissance de Ya’akobוְיִצְחָ֛ק בֶּן־שִׁשִּׁ֥ים שָׁנָ֖ה׃ (Béréchit 25,26) ; Ya’akob est descendu en Egypte à 130 ans וַיֹּ֤אמֶר יַֽעֲקֹב֙ אֶל־פַּרְעֹ֔ה יְמֵי֙ שְׁנֵ֣י מְגוּרַ֔י שְׁלֹשִׁ֥ים וּמְאַ֖ת שָׁנָ֑ה (Béréchit 47,9) [5] ;
- les enfants d’Israël ont « crié » vers Hachèm ית"ש car ils n’étaient pas seulement asservis [6], ils étaient brutalisés et persécutés [7] ! וַיְמָֽרְר֨וּ אֶת־חַיֵּיהֶ֜ם בַּֽעֲבֹדָ֣ה קָשָׁ֗ה בְּחֹ֨מֶר֙ וּבִלְבֵנִ֔ים וּבְכָל־עֲבֹדָ֖ה בַּשָּׂדֶ֑ה אֵ֚ת כָּל־עֲבֹ֣דָתָ֔ם אֲשֶׁר־עָֽבְד֥וּ בָהֶ֖ם בְּפָֽרֶךְ׃ « et ils leur rendirent la vie amère par un dur travail d’argile et de briques, et par toutes sortes de travaux dans les champs : tout le travail dans lequel on les asservissait l’était avec brutalité » (Chémot 1, 14). Aussi, Hachèm ית"ש les a-t-Il entendus dans sa grande miséricorde, et Il a modifié la durée de l’exil ;
- les enfants d’Israël ont été exploités jours et nuits, faisant en une journée plus du double de l’horaire de travail d'un esclave: en conséquence, la durée initialement prévue pour leur exil s'est écoulée plus rapidement ;
- les décisions de Hachèm sont Vérité, et le D.ieu de vérité ne peut se contredire. Une difficulté surgit donc : le nombre d’années exil en terre étrangère, tel qu’annoncé à Abram, ne s’était pas encore écoulé quand du buisson ardent, le Saint, béni soit-Il, annonce à Moché que le temps de la délivrance est arrivé. La réponse est pourtant donnée en ce moment précis : Hachèm indique : וַיֹּ֤אמֶר ﭏהִים֙ אֶל־מֹשֶׁ֔ה אֶֽהְיֶ֖ה אֲשֶׁ֣ר אֶֽהְיֶ֑ה וַיֹּ֗אמֶר כֹּ֤ה תֹאמַר֙ לִבְנֵ֣י יִשְׂרָאֵ֔ל אֶֽהְיֶ֖ה שְׁלָחַ֥נִי אֲלֵיכֶֽם׃ « ‘Je serai ce que Je serai’… » (Chémot 3, 14) [8]. R’ Ya’akob Abou'hatséra זצוק"ל enseigne que cela signifie que toutes les décisions de Hachem sont toujours vérité. Il n'y a pas eu de revirement, mais le respect d'une condition. « Il est vérité, il reste vérité » [9]. R’ Ya’akob Abou'hatséra זצוק"ל explique : la guématria de אֶֽהְיֶ֖ה correspond à 21 (1+5+10+5) et la guématria de אמת (vérité) correspond à 441. Le premier אֶֽהְיֶ֖ה multiplié par le second אֶֽהְיֶ֑ה = 21 x 21= 441 correspond très exactement à אמת (émet) vérité (441 = 1+40+400). « Toutes Ses décisions sont conditionnelles » [10].
Dans le cas de l’exil en Egypte, le comportement du peuple hébreu (conservant sa langue et ses noms par exemple) a suffit pour raccourcir la durée prévue initialement [11]. « ‘Je suis’ celui qui châtie l'impie et ‘Je suis’ celui qui lui pardonne s'il se repent, et inversement ».
[1] Pitou’hé ‘Hotam, trad. fr. pp. 194-195.
[2] Annonce à Abram lors de l'alliance d'entre les morceaux.
[3] וַיְהִ֗י מִקֵּץ֙ שְׁלֹשִׁ֣ים שָׁנָ֔ה וְאַרְבַּ֥ע מֵא֖וֹת שָׁנָ֑ה וַיְהִ֗י בְּעֶ֨צֶם֙ הַיּ֣וֹם הַזֶּ֔ה יָ֥צְא֛וּ כָּל־צִבְא֥וֹת יְיָ מֵאֶ֥רֶץ מִצְרָֽיִם׃ « Ce fut au bout de trente ans et de quatre cent ans, ce fut en ce jour-là même que sont sorties toutes les armées de Hachèm du pays d’Egypte » trad. R’ Jean Kohn (1999), ‘Houmach avec Rachi. Chémot. Gallia, Jérusalem.
[4] Rachi, sur Chémot 12, 40.
[5] Cela explique que les sages qui ont traduit
[6] Ce à quoi ils auraient pu se résigner car tel était le triste sort des esclaves.
[7] Et cela n’était pas dans l’ordre des choses : c’était même contre productif pour les Egyptiens qui amoindrissaient la force de travail de leurs esclaves et leur « capital humain » puisqu’ils exterminaient les garçons qui auraient travaillé pour eux.
[8] La Septante traduit Ἐγώ εἰμι ὁ ὤν· (egô eimi ho ôn) – « celui qui est : l’Etre » ou « je suis celui qui EST ». Dans ce cas, on perd de vue la répétition du futur et le sens transmis par la tradition : « Je serai avec vous, dans ce malheur et dans tous les autres malheurs qui viendront » (Rachi). La Vulgate prolongera l’erreur de la Septante en traduisant à son tour : « sum qui sum » (je suis qui je suis).
[9] Pitou’hé ‘Hotam, trad. fr. pp. 194-195.
[10] Pitou’hé ‘Hotam, trad. fr. pp. 194-195.
[11] Le décompte des années de l’exil avait commencé un 15 nissan (alliance entre les morceaux) et c’est un 15 nissan que commença la sortie d’Egypte. Mékhilta, Seder ‘olam, GRA, Rachi, cit. R’ Arye Kaplan,
Dernières modifications: 17 février 2013