Dimensions morales

 

Dimensions morales

 

Les interdictions alimentaires de l'alimentation kachère peuvent aussi se comprendre comme des allusions à des enseignements de morale et de comportement [1].

SAVOIR RUMINER - Ruminer, ce n’est pas engloutir et donc on peut voir dans ce critère, une allusion morale : il faut contenir l’impulsion et « ruminer », avant de parler ou d’agir de manière irréfléchie.

GRIFFES/SABOT - Les griffes des félins font allusion à l’agressivité, à l’amour des batailles et à un caractère cruel. L’animal qui a des sabots peut se défendre si on l’attaque. L’animal qui a des sabots fendus peut aussi se défendre, mais la division du sabot porte peut-être une allusion éducative : même si on doit être en mesure de se défendre, il convient de savoir contenir sa force au strict nécessaire. La réponse à la violence est légitime mais elle ne doit pas être excessive.

APPARENCES TROMPEUSES – L’interdiction de la viande de porc renvoie symboliquement à l’interdiction de l’hypocrisie (il semble kacher à l’extérieur, alors qu’il ne l’est pas intérieurement !) [2]. Pour d’autres animaux, c’est l’inverse : ils sont intérieurement kacher mais extérieurement non kachers. Peut-être pourrait-on déduire de cela qu’il ne convient pas de se présenter sous un jour différent de ce que l’on est. Or, l’interdiction du gamal, du chafane et de l’arnébèt est tout aussi catégorique que celle du cochon ! L’exclusion du cochon et du chameau apporte un enseignement de moussar dans un autre domaine : la manière de formuler une critique. R’ Emmanuel Chouchena זצ"ל enseigne que la Torah nous fait obligation, même pour les animaux, de dire d’abord tout le bien qu’on pense d’eux : le cochon est interdit parce qu’il a les sabots fendus et qu’il ne rumine pas ; le chameau est interdit parce qu’il rumine et n’a pas de sabots fendus [3].

ECAILLES - Elles constituent « l’armure » et « le vêtement » du poisson. Elles font peut-être allusion au fait que le Juif conserve toujours son vêtement (talit) dont les franges lui rappellent son attachement aux mitsvot. Cela est pour lui une armure qui le protège.

NAGEOIRES - Aucun homme ne doit pas rester immobile. Il doit rester dans un milieu propice à l’expression de son judaïsme [4] et à sa progression spirituelle. La présence de nageoires permet au poisson kacher, dit-on, de nager contre le courant ce que tous les autres poissons ne peuvent pas. De la même manière, un Juif est apte à aller « contre le courant » dans son comportement, malgré ses tendances naturelles : il ne va pas de soi de refuser une nourriture appétissante simplement parce qu’elle n’est pas kacher, ni de s’abstenir de travailler ou d’utiliser des objets interdits le jour du chabbat, ni encore de s’astreindre quotidiennement à l’étude de la Torah ou à la pratique de toutes les mitsvot de la Torah [5].

 

[1] Parmi les sources consultées: Commentaire de la Torah, de R’ Marc Bauer ז"ל, qui lui-même rapporte les enseignements de R’ S. Hirsch זצ"ל (paracha Chémini).

[2] Rachi compare ‘Essaw à un porc : « ‘Essaw était âgé de 40 ans, il prit pour femmes Yéhoudith, fille de Bééri le ‘Hiti, et Bassemath, fille de Ellon le ‘Hiti »  (Béréchit 26, 34). Cela parce que « cet animal, lorsqu’il est couché, étend ses pattes pour montrer ses sabots, comme pour dire : ‘Voyez, je suis pur ! » Il en va de même pour les princes de ‘Essaw : ils volent et pillent, tout en se donnant des airs de gens honnêtes. Essaw enlevait des femmes à leurs maris et leur faisait violence, et lorsqu’il eut atteint cet âge, il dit : « Mon père a pris femme à l’âge de quarante ans. Je vais faire de même ! » (Béréchit raba 65,1).

[3] « Lettre d’approbation » à : R’ David Settbon (2006), ‘Alé hadas. Minhaguim, éd. française,  Kiriat Sefer. Il ajoute, « A plus forte raison doit-on dire d’abord tout le bien que l’on pense d’un ouvrage, et ensuite seulement le mal que le livre suggère. Mais ce manuscrit-là ne suggère que des bonnes choses !... Quant aux annotations et aux remarques, elles sont si peu nombreuses qu’on peut y passer outre ».

[4] RACONTER- On peut raconter la fable de Rebbi Méïr, sur le renard et les poissons in Hillel Bakis, Renard et le loup et autres fables d’Israël, ER Jeunesse, 2000.

[5] Certains affirment que les poissons à nageoires ne peuvent nager en arrière, ce type de mouvement leur étant physiquement impossible. Je ne sais si cela est vrai pour tous les poissons, mais, dans ce cas on pourrait dire que la nage en arrière est contre-nature, tout comme le recul spirituel d’un Juif.

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