2. la descente en Egypte

 

 

La descente en Egypte

 

Pourquoi fallait-il donc descendre en Mitsraïm? Nos maîtres ont enseigné une règle rabbinique d’interprétation : le mot וְאֵ֨לֶּה֙  véélé (et voici) ajoute quelque chose à ce qui précède [1]. Or, le premier mot du premier verset du livre Chémot commence par וְאֵ֗לֶּה  véélé: « Et voici les noms des fils d’Israël venus en Egypte : ils y accompagnèrent Ya’akob, chacun avec sa famille » וְאֵ֗לֶּה שְׁמוֹת֙ בְּנֵ֣י יִשְׂרָאֵ֔ל הַבָּאִ֖ים מִצְרָ֑יְמָה אֵ֣ת יַֽעֲקֹ֔ב אִ֥ישׁ וּבֵית֖וֹ בָּֽאוּ׃. Peut-être pourrons-nous déduire de cela que, malgré l’exil dont traite la paracha Chémot, cette période historique était indispensable. De fait, la descente en Egypte a constitué un développement indispensable dans la dynamique de l’histoire juive. Pourquoi fallait-il descendre en Mitsraïm [2] ?

Première réponse: pour devenir une nation, un peuple, il fallait éviter l'assimilation. Or, les habitants du pays de Kéna’an n'hésitaient pas à faire un pas vers les enfants d'Israël pour mieux les assimiler (ne reculant pas devant la circoncision de toute une ville pour qu'il soit possible à l'un d'eux d'épouser Dina). Or, en Egypte, les conditions étaient différentes, les Egyptiens méprisaient les Hébreux (ils ne mangeaient pas de pain avec eux) ; aucune assimilation ne menaçait donc le peuple en cours de constitution.

Seconde réponse : il fallait réparer l'action d'Adam, ayant goûté du fruit de « l’arbre de la science du bien et du mal » en ayant utilisé sa volonté à mauvais escient. En conséquence, il avait perdu l'intelligence divine qui l’avait fait « à l'image de D.ieu » (et l’humanité après lui). Les enfants d’Israël devaient réparer cette faute, en étant empéchés d’exercer leur propre volonté. Par l'esclavage la volonté des Enfants d'Israël a été anéantie constituant un tikoun (réparation). La faute d’Adam ayant eu lieu au Paradis terrestre (Gan 'Eden), il fallait y retourner pour retrouver l’intelligence divine perdue [3]. Ya’akob s’installa dans la province de Goshen [4] .


[1] « Vééléh ajoute quelque chose à la suite de ce qui précède »  (Rachi, Chémot 21, 1).

[2] Les deux réponses suivantes ont été développées par Sion Mimon הי"ו, dracha, Synagogue de la Fraternelle Israélite de Montreuil, 1990.

[3] Sur la localisation du paradis terrestre, le Gan 'Eden  dans lequel Adam et Eve ont vécu avant leur expulsion:  

-  Noa'h a envoyé une colombe depuis l’Arche et elle revint vers lui le soir même avec une feuille d’olivier dans son bec. Or, selon le Midrach, cette feuille provenait d’un arbre du jardin d’Eden (Wayikra Rabba 31, cit. Kountrass http://kountras.magic.fr/k70div8.htm). Ne peuvent donc prétendre à cette localisation, que les lieux pouvant être atteints par le vol de la colombe de Noa’h (un aller et retour dans la même journée depuis le mont Ararat, culminant à plus de 5000 mètres et situé à proximité de l’actuelle Republique d’Arménie). Voici les localisations qui ont été considérées :

- Localisation la plus plausible : vers les sources actuelles du Tigre et de l’Euphrate - Le jardin était irrigué par un fleuve qui se séparait en quatre branches : וְנָהָר֙ יֹצֵ֣א מֵעֵ֔דֶן לְהַשְׁק֖וֹת אֶת־הַגָּ֑ן וּמִשָּׁם֙ יִפָּרֵ֔ד וְהָיָ֖ה לְאַרְבָּעָ֥ה רָאשִֽׁים׃ שֵׁ֥ם הָֽאֶחָ֖ד פִּישׁ֑וֹן ה֣וּא הַסֹּבֵ֗ב אֵ֚ת כָּל־אֶ֣רֶץ הַֽחֲוִילָ֔ה אֲשֶׁר־שָׁ֖ם הַזָּהָֽב׃ וּֽזְהַ֛ב הָאָ֥רֶץ הַהִ֖וא ט֑וֹב שָׁ֥ם הַבְּדֹ֖לַח וְאֶ֥בֶן הַשֹּֽׁהַם׃ וְשֵֽׁם־הַנָּהָ֥ר הַשֵּׁנִ֖י גִּיח֑וֹן ה֣וּא הַסּוֹבֵ֔ב אֵ֖ת כָּל־אֶ֥רֶץ כּֽוּשׁ׃ וְשֵׁ֨ם הַנָּהָ֤ר הַשְּׁלִישִׁי֙ חִדֶּ֔קֶל ה֥וּא הַֽהֹלֵ֖ךְ קִדְמַ֣ת אַשּׁ֑וּר וְהַנָּהָ֥ר הָֽרְבִיעִ֖י ה֥וּא פְרָֽת׃  (Beréchit 2, 10-14) : « Un fleuve sortait du ‘Eden, pour irriguer le jardin, et, de là, il se divisait et devenait quatre branches. Le nom de l’une était Pichon…, le nom du deuxième fleuve était Gui’hon…, le nom du troisième fleuve était  le ’Hidékél…et le nom du quatrième fleuve était Férat ». Le ’Hidékel serait le Tigre (identification à laquelle adhère Ibn ‘Ezra, Torah Temima ;  Netina LeGuer… ; L’Encyclopædia Britannica indique que le Tigre est nommé Idiklat en Akkadien, langue sémitique parlée entre le 3ème et le 1er millénaires AEC en Mésopotamie et dont sont issus le bayblonien et de l’assyrien ; voir aussi וּבְי֛וֹם עֶשְׂרִ֥ים וְאַרְבָּעָ֖ה לַחֹ֣דֶשׁ הָֽרִאשׁ֑וֹן וַֽאֲנִ֗י הָיִ֛יתִי עַ֣ל יַ֧ד הַנָּהָ֛ר הַגָּד֖וֹל ה֥וּא חִדָּֽקֶל׃ (Daniel 10, 4). Le Férat serait l’Euphrate nommé   Pu-rat-tu en assyrien et Ufrat en langue perset (sa source surgit dans les monts Taurus). En ne tenant compte que de ces deux fleuves, on pourrait situer le Gan ‘Eden vers la Turquie orientale (mais la géographie du monde antédiluvien a changé suite au déluge). Le Pichon qui entourait le pays de ‘Havila pourrait être une branche de l’Euphrate, située au sud de l’Irak actuel (nord-ouest de l’Arabie)  שֵׁ֥ם הָֽאֶחָ֖ד פִּישׁ֑וֹן ה֣וּא הַסֹּבֵ֗ב אֵ֚ת כָּל־אֶ֣רֶץ הַֽחֲוִילָ֔ה אֲשֶׁר־שָׁ֖ם הַזָּהָֽב׃ (Béréchit 2,11). Ces fleuves coulaient au Moyen-orient, le Gui’hon semble devoir être situé dans le pays de Kouch (Ethiopie actuelle ?) ;

- Vers l’actuelle Mer morte - Le mot gan est utilisé pour la région de Sedom וַיִּשָּׂא־ל֣וֹט אֶת־עֵינָ֗יו וַיַּרְא֙ אֶת־כָּל־כִּכַּ֣ר הַיַּרְדֵּ֔ן כִּ֥י כֻלָּ֖הּ מַשְׁקֶ֑ה לִפְנֵ֣י ׀ שַׁחֵ֣ת יְיָ אֶת־סְדֹם֙ וְאֶת־עֲמֹרָ֔ה כְּגַן־יְיָ כְּאֶ֣רֶץ מִצְרַ֔יִם בֹּֽאֲכָ֖ה צֹֽעַר׃ (Béréchit 13, 10). Selon la tradition on accédait au gan à partir de la grotte de Makhpéla (Hébron).

- le pays de Gochen (Egypte) - Certains commentateurs considèrent que le Gan 'Eden pourrait avoir été situé en Mitsraïm : gan est utilisé : וַיִּטַּ֞ע יְיָ ﭏהִ֛ים גַּן־בְּעֵ֖דֶן מִקֶּ֑דֶם   « Hachèm planta un jardin en Eden, vers l’orient » (Béréchit 2, 8). Adam n'avait besoin ni de travailler la terre ni de l’arroser au Gan 'eden (or le Nil irrigue naturellement les terres).

[4] Cette province avait été donnée à titre perpétuel par un Pharaon précédent à Sarah, épouse d’Abraham, après son enlèvement. Le nouveau Pharaon confirma  ces droits. Voir : Pirkey de R’ Eli’ezer, chap. 26 ; et R’ E. Munk, Kol hatorah,   Béréchit 45, 10, p. 457.

 

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