Les regrets de Renard

 

 

Fables d’Israël. Nouvelles fables

editionsbakish.com. (c) Hillel Bakis 2000-2012

 

Les regrets de Renard

Fable

 

On pourra raconter cette histoire avant le nouvel an juif. Elle a été composée pour illustrer le thème du repentir.

Dans cette fable, on voit Renard devenu vieux prendre de bonnes résolutions.  

 

 

 

 

 

 

Les fêtes de nouvel an approchaient et de bonnes odeurs flottaient dans le quartier où habitaient les Juifs.

 

Les parents s’affairaient avec des paniers pleins de bonnes choses jusqu’à leur domicile. Ils faisaient les courses et, des cuisines, on entendait des bruits de casseroles et de rouleaux à pâtisserie. De bons repas traditionnels étaient en cours de préparation. Bientôt, les enfants allaient se régaler. En attendant, lorsqu’ils ne faisaient pas leurs devoirs, ils aidaient eux-aussi à préparer les fêtes. Chacun rangeait sa chambre du mieux possible.

 

Mais, ce jour-là, c’était encore jour de classe, et les enfants étaient à l’école, écoutant une leçon que donnait Aviva, l’institutrice.

Pendant ce temps, Renard chassait dans le Bois de Cennevins.

Or, en ce temps-là, il était devenu vieux et n’arrivait plus autant que dans sa jeunesse à capturer pigeons et lapins... Tout le monde se méfiait de lui, car il avait acquis une très mauvaise réputation tout au long de sa vie de rapines et de tromperies. On racontait que, non seulement il avait maltraité le Loup, mais il avait même réussi à voler Sire Lion !

 

En clopinant à cause du poids des années, Renard s’approcha peu à peu de la lisière du bois, à proximité du chemin menant au village de Treuilmont-les-Pêches. Car il savait que, souvent, des habitants de ce village venaient pique-niquer en cet endroit. Lorsque les enfants rentraient à la maison, après avoir fait de la bicyclette ou joué au ballon, ils laissaient sur place plusieurs choses intéressantes. Renard préférait par dessus tous les morceaux de fromage ou les tranches de viande que les maladroits laissaient glisser de leurs sandwiches. Devenues trop sales pour jeunes humains qui les abandonnaient, ces nourritures, parfois souillées de terre, faisaient ses délices.

 

Soudain, en cet endroit du bois, si près des villages, un vent léger amena un parfum de nourriture jusqu’aux narines du vieux Renard. C’était l’odeur de quelque chose de très savoureux... La salive commençait à couler de sa gueule, tant il se préparait déjà à un très très bon repas.

Avec une arrière-pensée en tête - celle de chaparder, bien sûr - il se laissa guidé par son odorat, sortit du Bois et marcha vers le village. Son nez lui servant de boussole, il se retrouva vite dans le quartier juif. Il y entra et passa près de l’école.

Là, il entendit la voix d’Aviva qui donnait sa leçon, parlant, en ce moment précis, des vertus du repentir.

« La téchouva, est une chose importante.

- La téchouva? Qu’est-ce que c’est ?

- Ce mot hébreu veut dire ‘repentir’ », précisa la maîtresse avant de continuer:

« Bien sûr, il vaut mieux ne jamais faire de mal, mais, lorsqu’on a fauté, tout n’est pas perdu. On peut encore obtenir le pardon du Ciel. Pour cela, il faut s’améliorer.

- Par exemple ne plus recommencer les mêmes bêtises? » demanda un élève.

- Oui, c’est cela, exactement. Il faut regretter le mal que l’on a pu faire autrefois et ne plus jamais recommencer ».

« Avant de vous laisser sortir en récréation, nous allons apprendre quelques paroles de nos Sages » continua-t-elle. Ouvrez votre cahier et notez bien ce que je vais vous dicter. On commence par  :

- ‘Le sot ne craint pas le péché’ [1] et

- ‘N’imagine pas que tu échappera au châtiment mérité’ ».  [2]

 

 

 

 

Entendant cela, Renard prit soudain conscience de ses erreurs passées. Pendant toute sa vie, il avait été sot et multiplié les mauvaises actions ! Toute son existence avait été une longue suite d’erreurs. Il n’avait jamais été digne de l’estime de ses voisins. Tout au contraire, il avait accumulé les vilains tours contre les un et contre les autres. Il avait depuis des années, une si mauvaise réputation que personne ne voulait lui faire confiance, et il savait qu’ils avaient bien raison ! Même ses amis, il les avait trahis tant de fois !

Le Loup, surtout, avait été son souffre-douleur. Renard se rappelait toutes les blagues qu’il lui avait jouées... Celle du puits l'amusait encore lorsqu'il y pensait. Mais aussi le chat, l’ours, les volailles du poulailler... Même Lion, il avait réussi à le rouler plus d'une fois... Cela ne le faisait plus sourire de malice. Il venait d’apprendre qu’il méritait une sévère punition !

 

Il prêta attention à la leçon d’Aviva qui dictait de nouveau :

‘Examine tes actes matin et soir, consacrant ainsi toute ton existence au repentir’, a enseigné Rambam[3].

Alors, Renard décida de demander pardon à tous les animaux, avant que ne commence la nouvelle année... Car, tous les hommes et tous les êtres vivants sont jugés par Dieu, pendant le nouvel an juif, pendant les deux jours de Rosh Hachana où le son du chofar sonne dans les villes et s'entend dans les bois proches.

C’était décidé! Renard irait, dès demain, demander pardon à ses victimes !

 


[1] Hillel, Pirké Abot, II, 6

[2] Nitaï Haarbéli, Pirké Abot, I, 7

[3] Rabbi Moché ben Na’hman (1276), Igueret hakodech.

 

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