C&R AfN III enigmes

 

 

ENIGMES

 

Les énigmes sont appréciées depuis fort longtemps. On sait que l'énigme du Sphinx a été répandue dans tout le Bassin méditerranéen [1]. La Bible contient aussi une fameuse énigme : celle posée par Samson aux Philistins  [2] et que l’on retrouvera ci-après : « L’énigme de Samson ».

Certains contes utilisent les énigmes comme ressort dramatique. Ainsi, dans le patrimoine populaire judo-maghrébin, un conte fameux qui met en scène Rabbi Ben Ezra confronté à trois difficiles énigmes: il saura y apporter de fines réponses. C’est le cas pour le conte que nous présentons ci-après intitulé « Les énigmes du Roi d’Espagne »

Certaines personnes avaient la réputation de connaître un vaste répertoire de ces devinettes à la mode maghrébine [3]. C’est ainsi que procédait une vieille dame de Sousse, Tunisie dans les années 1930: après avoir énoncé l’énigme elle attendait longtemps avant de faire connaître la réponse : au moins une journée - parfois même plusieurs jours [4]. Cela était un jeu: il fallait simplement pousser les partenaires (enfants, amies, voisines) à aiguiser leur intelligence, et dans le cas où la réponse n’était pas trouvée, la solution une fois révélée donnait lieu à  un plaisir partagé [5]. 

 Il existe un fonds d'énigmes judéo-maghrébines provenant en partie d’énigmes berbères et arabes. Car les Juifs maghrébins appréciaient ce vaste fond et y apportaient leur propre contribution. Les énigmes et devinettes nord-africaines circulaient jusqu’au Sahara et même plus au sud encore [6]. Cette forme littéraire donnait lieu à une création permanente qui s’appuyait évidemment sur l’environnement naturel, économique et social de l’époque. Il fallait partager une culture commune afin de  trouver la clé de l’énigme [7].

Faute pu reconstituer ce riche répertoire nous avons tenté d’en fournir un échantillon plausible susceptible de plaire encore aujourd’hui. Ces énigmes ont pour objets des éléments du monde végétal (fruits, légumes), du monde animal, du corps humain ou de la société (jeux, morales, pouvoirs, etc.).

Les énigmes ont une fonction ludique: certaines sont relativement limpides d'autres sont faites pour dérouter. Elles peuvent occuper l'esprit de celui à qui elles ont été posées pendant un temps assez long.

Avant de les présenter, rappelons quelques contes de notre patrimoine relatifs à des enigmes.

 

 


[1] Enigme: « Le matin il marche sur quatre pattes, le jour il marche sur deux pattes et le soir sur trois ». Réponse: «  l'homme (bébé, il marche  sur  les mains et les genoux; adulte, il marche sur ses deux jambes; les vieillards ont besoin d’une canne) ».

[2] Juges 14, versets 8,14,18.

[3] Mme. Guez disposait d’un important répertoire de devinettes : elle les appelait : tchentchinettes (Sousse, vers 1930 ; information SwM, 1995). 

[4] Comparer avec ce cas touareg: « A chaque départ, il avait pris l’habitude de poser une énigme à son entourage; à chaque fois les pauvres gens se morfondaient, tant que durait son absence, incapables de trouver la solution. A son retour, Anigouran avait le beau rôle et se faisait un plaisir de les traiter d’incapables, confortant sa position de chef grâce à son intelligence » (Decoudras  & Rivaillé, 1993, p. 23)

[5] Ainsi, dans le film « La vie est belle » de Robert Begnini, le héros s’amuse à poser des énigmes. Enigmes et devinettes fournissent un divertissement agréable. Dans le cadre de l’étude des folklores on gagnerait à les relever systématiquement (tout comme les proverbes, les contes et récits).

[6] Le Sahara n’a jamais constitué un frontière étanche, au contraire, les caravanes faisaient circuler de part et d’autre le même fond culturel. Tout comme l’Afrique du nord, une partie de l’Afrique noire était musulmane. Les touaregs apprécient les contes à enigmes (voir: Decoudras  & Rivaillé, 1993***), Contes et légendes touaregs du Niger. Des hommes et des djinns, Karthala, Paris, 203 p.). Nous avons retenu ici quelques énigmes africaines de la même veine que les « tchintchenettes » judéo-arabes: l’une de ces énigmes parle de « sept vizirs »,  ce qui indique bien une influence arabe. Aussi ne s’étonnera-t-on pas de retrouver dans un livre sur les jeux africains une série d’énigmes également racontées au bord de la Méditerranée (Zampolini C., 1984) ***,  Giocchi africani, Sansoni Editore, Firenze, 138 p. voir p. 79-80, le chapitre sur les énigmes et devinettes arabes et africaines. On consultera par ailleurs la riche collecte d’énigmes berbères de Kabylie due à Youcel Allioui (op. cit.).

[7] Voir : Webber Sabra (1990), "Les fonctions communicatives des devinettes de Kélibia (Tunisie), in IBLA., Revue de l'Institut des Belles Lettres Arabes, Tunis, tome 53, n° 166, année 1990- n° 2, pp. 275-295. 

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