Cont&r JAfN – 4. L’autodafé d’Ocana

 

MOYEN AGE 

 

L'autodafé d'Ocana

 

~ Récit historique (Ocana, Castille, 1391-1492) ~

 

Dès 1391, à la suite d'importants pogroms dans toute la Castille, nombreux furent les Juifs à avoir abandonné officiellement la religion de leurs pères, cela avant même l'édit d'expulsion. D'autres purent s'échapper et s'installer en Afrique du nord. C'est ainsi que Rebbi Yits’hak bar Chechet quitta Barcelone pour Alger. Ainsi encore, Rebbi Chim'on ben Tsema'h Duran né à Palma de Majorque parvint à s'enfuir à Alger où il remplaça Rabbi Yts’hak bar Chechet à son décès.

Après les drames de 1391, les communautés juives disparurent des plus grandes villes comme Tolède, Burgos, Barcelone, Valence, Palma de Majorque. Après les massacres les biens des Juifs morts ainsi que ceux des communautés éteintes passèrent au Trésor royal et les Juifs évitèrent les grandes villes, devenues trop dangereuses en cas d'émeutes.

Nombreux furent aussi ceux qui optèrent pour une conversion fictive. Mais, si une conversion permettait certains avantages en termes d'intégration sociale et professionnelle, elle présentait des dangers importants pour qui entendait pratiquer en secret sa religion réelle. L'état de faux converti fit perdre la vie à de très nombreuses personnes sur les bûchers de l'Inquisition. La vie et la situation des marranes étaient précaires car ils étaient à la merci d'une dénonciation d'un rival ou d'une personne malveillante. L'historien perd immédiatement trace du converti qui adopte nom de baptême et patronyme chrétien, mais "la mémoire populaire en revanche n'oublie pas et tient ses comptes à jour" comme l'a noté un historien espagnol contemporain. Une fois dans les griffes de l'Inquisition, il devenait difficile de s'en dépêtrer. Celui qui était simplement cité comme simple témoin à un procès, pouvait finir dans les flammes du bûcher.

Les inquisiteurs ne s'en prenaient pas seulement aux vivants. Les cadavres subissaient également leurs foudres vengeresses! A cette époque ils faisaient passer en jugement les défunts. Ils les brûlaient et déshéritaient leurs descendants. C'est ainsi qu'Elvira Sanchez morte en 1489, se révéla en 1492 être restée juive en secret: elle jeûnait le Kippour, prélevait la hala sur le pain du vendredi soir, etc. Aussi fut-elle, excommuniée et ses os furent déterrés et brûlés. Deux années avant l'Expulsion, à la suite de rumeurs, le maire d'Ocana fit déterrer le cadavre de Don Yuça Baques ainsi que ceux de sa mère  et de sa fille afin de les faire brûler. Trois faux convertis qui, jusqu'à leur mort, avaient conservé dans leur cœur la religion de leurs pères... Cet autodafé d'Ocana (destiné à punir des cadavres!) dût peser sur la décision de membres de cette famille: lorsque deux ans plus tard, le 9 ab 1492, l'Edit d'Expulsion entra en vigueur, les Baques quittèrent les différents endroits où ils habitaient en Castille. Ils abandonnèrent la petite ville de Hita, proche de Guadalajara, où ils avaient des champs et des vignobles. Ils abandonnèrent leurs métiers de collecteurs d'impôts, de médecins... Ils acceptèrent  l'exil pour conserver leur religion - leur bien le plus précieux. Ce fut le cas en particulier, des familles du chirurgien Don Davi, ou du rabbin-médecin Yossé signalés tous deux parmi les propriétaires de biens abandonnés par les Juifs de Hita. Ils partirent en direction de Fès, la capitale marocaine où l’un des membres de cette famille fut membre du tribunal rabbinique (R’ Yecha’ha Bakish, fin du 16ème siècle-début du 17ème siècle). D'autres s'en allèrent vers l'Empire turc où l’un des membres de cette famille fut grand rabbin de Bulgarie (R’ Preciado Bakish, 19ème siècle)...

Certains restèrent cependant {C}[1]{C}, et les ennuis devaient continuer pour eux.

En 1493, Mose tomba dans les griffes de l'Inquisition.


[1] Cinq siècles plus tard, l'attachement des lointains descendants des conversos à la religion de leurs ancêtres fut démontré avec éclat: dans quelques villages perdus du Portugal, des marranes célébraient toujours Pessah en se cachant!

 

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